Sur sa page d’accueil, le New York Times livre une “analyse de l’actualité” complètement dérangée sur la possible fin de l’occupation illégale de la Syrie orientale par l’armée américaine sous le titre “Alors que les États-Unis quittent la Syrie, le Moyen-Orient fait face à l’ère post-américaine” :
Lorsque la Turquie, l’Iran et la Russie se rencontrent pour parler de la fin de la guerre en Syrie, ils le font sans les États-Unis.
Les pourparlers de paix visant à résoudre le conflit israélo-palestinien sont gelés depuis des années, mais le plan tant attendu de Trump pour sortir de l’impasse reste à venir.
Et maintenant, malgré des messages contradictoires sur la manière et le moment où cela se produira, les États-Unis sont sur le point de se retirer de la Syrie.
Le retrait, qui, selon l’armée, a commencé par le départ des équipements vendredi, n’est que la dernière étape d’un désengagement américain plus large du Moyen-Orient qui pourrait avoir des effets durables sur l’une des régions les plus instables du monde.
Les États-Unis ne sont pas “désengagés” du Moyen-Orient, et ne voudront probablement pas le faire. Leur armée compte environ 53 000 soldats postés sur 27 bases dans 12 pays du Moyen-Orient (sans compter ceux en Syrie).
En plus des troupes, un grand nombre de membres du personnel civil les soutiennent ou les remplacent :
En juillet 2018, là encore, sans compter l’Afghanistan, 22 323 contractants du Pentagone travaillaient dans la zone d’opérations du CENTCOM au Moyen-Orient, dont 9 762 citoyens américains, 12 020 ressortissants de pays tiers et 541 ressortissants des pays hôtes. Cela représente une augmentation de 15% en un an du nombre de contractants du Pentagone utilisés dans la région. Le déploiement de sous-traitants pour des missions qui, il y a 15 ou 20 ans, auraient été menées par des troupes américaines donne l’impression d’une plus petite empreinte militaire américaine dans la région.
Les États-Unis ont de grands intérêts économiques au Moyen-Orient. Les ventes d’armes américaines dans la région s’élèvent à plus de 5 milliards de dollars par an. Environ 17% des importations américaines de pétrole, soit 1,75 million de barils par jour, proviennent du Moyen-Orient. Le contrôle des hydrocarbures trouvés au Moyen-Orient est la raison officielle pour laquelle les États-Unis s’imposent dans la région. Cela ne changera pas.
La couverture médiatique et les discussions sur la politique étrangère aux États-Unis sont plus focalisés sur le Moyen-Orient que sur toute autre partie de la planète :
La population totale des 15 pays du Moyen-Orient couverts par le présent document (414,3 millions d’habitants) représente un peu plus de 5% de la population totale de la planète (7,6 milliards). Pourtant, dans les milieux politiques et médiatiques américains, la région fait l’objet de plus que 5% des discussions sur la politique étrangère des États-Unis. En effet, en dehors de la Corée du Nord, de la Chine et de problèmes commerciaux spécifiques à un pays, un Américain qui regarde les informations du soir ou lit un média important peut imaginer que l’ensemble de la politique étrangère des États-Unis est concentrée au Moyen-Orient.
Appeler le déménagement de quelque 2 à 5 000 soldats et de leurs sous-traitants civils en Syrie et dans de nouvelles bases en Irak, un “désengagement” de l’ensemble du Moyen-Orient est évidemment stupide.
L’administration Trump n’a pas abandonné la politique de “changement de régime” que la malheureuse administration Obama a menée contre la Syrie. Cela n’a pas non plus arrêté la guerre au Yémen que l’administration Obama a aidé les Saoudiens à lancer. En Syrie, l’administration Trump n’adapte l’ancienne politique qu’à l’évolution de la situation géopolitique. Le petit engagement militaire dans l’est de la Syrie est inefficace pour son objectif de “changement de régime” et nuit à ses relations avec la Turquie.
Le NYT appelle le Moyen-Orient la “région la plus instable du monde”. C’est peut-être vrai. Mais le manque d’engagement des États-Unis n’est certainement pas la cause de cette volatilité. En fait, c’est la présence américaine et l’ingérence de la part de son protectorat sioniste Israël qui est à l’origine des guerres sans fin, de la douleur et du chagrin :
Cela fait 45 ans que je m’active au Moyen-Orient avec les gouvernements et le monde des affaires, et je dois plonger loin dans mes souvenirs pour trouver des exemples dans lesquels nos efforts bien intentionnés, mais maladroits, n’ont pas nui à la région et aux personnes qui y vivent. L’USAID vient à l’esprit. Je me souviens de la grande reconstruction du système d’égout et d’alimentation en eau d’Alexandrie, en Égypte. C’était une très bonne chose. D’autre part, pensez aux dommages sans fin causés par le soutien inconditionnel des États-Unis aux politiques agressives d’Israël et par leur réticence à conclure tout accord qui ne leur soit pas totalement favorable. Pensez à la mort et à la destruction que nous avons causée en Irak.
L’analyse du NYT et ses citations à l’appui démontrent une nouvelle fois que les discussions, au jour le jour, au sujet de la politique étrangère dans les médias américains n’a pas grand-chose à voir avec la politique actuellement observable : la réalité de la présence de troupes et de bases américaines, avec de vraies relations économiques et engagements politiques.
Les peuples du Moyen-Orient aimeraient surtout connaître une “ère post-américaine”. Malheureusement, il n’y a aucun signe de cela. Le mouvement de quelque 5% des forces américaines de l’un des pays du Moyen-Orient vers un autre n’indique pas une nouvelle tendance géopolitique.
Pourquoi est-ce présenté comme tel ?
Par Moon of Alabama
Source: Le Saker francophone.