Le gouvernement libanais, né après 9 mois d’âpres discussions a été au centre du discours du numéro un du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah. Il lui a consacré quelque 45 minutes durant une allocution diffusée par la chaine de télévision al-Manar. Il a évoqué entre autre et en particulier le ministère de la Santé auquel il a nommé le ministre.
Mettant chacun des protagonistes représentés dans le cabinet ministériel devant ses responsabilités, S. Nasrallah a mis les points sur les i pour que ce gouvernement puisse réussir face aux défis énormes auxquels il est confronté.
« C’est le secteur économique et financier qui doit avoir la priorité,…, d’autant que les estimations sont pessimistes », a-t-il averti. Et il n’est plus question d’après lui de faire passer les dossiers épineux à la hâte, comme c’était le cas dans le passé.
« La lutte contre la corruption et la dilapidation » de l’argent public est selon lui le signe que ce gouvernement a emprunté le bon chemin, et c’est tout le cabinet ministériel qui devrait s’y rallier.
Durant son allocution, il a appelé tout le monde au calme, les politiciens, les journalistes et les gens sur les réseaux sociaux, « à se supporter les uns les autres », à faire « preuve de patience », surtout lorsque les désaccords éclateront sur les différents dossiers, mêmes entre les alliés. Donnant le ton de ce que pourrait être la position du Hezbollah dans ce cabinet.
Sayed Nasrallah s’est aussi arrêté sur le ministère de la Santé dont le Hezbollah a nommé le ministre, précisant qu’il n’est pas membre du Hezbollah mais un indépendant. Alors que le Hezbollah a nommé des partisans dans les deux autres ministères qu’il a obtenus.
En réponse aux craintes émises par certains acteurs locaux et internationaux, dont les Etats-Unis, il a assuré que jamais le Hezbollah ne touchera à l’argent public.
« Ce ministre sera celui de tous les Libanais et non d’une région sans l’autre ou d’une communauté sans les autres… », a-t-il ajouté aussi. Sa mission étant la santé pour tous, la réduction des prix des médicaments et son accès à tous. Assurant que ce ministère sera plus que tous les autres sous les regards de tout le monde, car « c’est le Hezbollah qui est le premier concerné ».
Toujours concernant le gouvernement, sayed Nasrallah a rejeté sa description de « gouvernement du Hezbollah », comme le fait le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ces deux derniers jours. « Car c’est un mensonge », a-t-il taclé.
Pour finir, il a tenu à rappeler et à saluer l’accord conclu entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre (CPL) , en février 2006, estimant qu’il a instauré une nouvelle phase dans les relations inter partis au Liban.
Les idées principales du discours
Au nom de Dieu …
Je voulais aujourd’hui parler assez tôt cette fois-ci, directement après l’annonce de la formation du gouvernement libanais pour évoquer la situation politique libanaise…
Premièrement, concernant la question gouvernementale, comment allons-nous traiter avec le nouveau gouvernement. Nous appelons les autres parties représentées au gouvernement à se poser la même question, sur le traitement qu’il faut réserver à ce cabinet…
Appel au calme; les inquiétudes sont légitimes
Après 9 mois de discussion et de controverse, nous avons certes besoin de nous calmer, de prendre un souffle, de ne pas aller directement vers les controverses et les discussions qui ne mènent nulle part, ni de provoquer une confrontation médiatique. Il faudra calmer l’atmosphère pour entreprendre un meilleur dialogue entre les différentes forces politiques libanaises…
Deuxièmement: il y a certes deux importantes responsabilités ou échéances qui se présentent devant le gouvernement… il faut que les forces politiques, les plus influentes au sein du pouvoir, fassent preuve d’une grande compréhension de certains foyers d’inquiétude et de préoccupation pressentie par certaines parties internes…
Car les dossiers que ce gouvernement va prendre en main pour les étudier et prendre des décisions sont d’une grande importance. Ils sont sensibles, car ils touchent aux domaines économiques et financiers et affectent la vie des gens d’une manière durable…
En plus de l’espoir qu’il donne, ce cabinet ministériel suscite une grande appréhension et d’aucuns craignent vraiment des répercussions dangereuses…
Les forces qui participent au gouvernement devraient être compréhensives face à ces préoccupations…
Troisièmement : le gouvernement et les forces qui en font partie devraient bien entendu établir les priorités. À leur tête, et compte tenu qu’il y a un consensus parmi tous les libanais que le danger le plus grave est celui qui touche au domaine économique, c’est donc lui qui devrait être la première priorité. Le gouvernement doit donc expliquer comment il va empêcher cet effondrement et va repêcher la situation libanaise…
Lutte contre la corruption et la dilapidation de l’argent public
L’une des démarches à suivre est indubitablement celle de la lutte contre la corruption et le gaspillage de l’argent public…
La responsabilité de cette lutte en incombe à tout le gouvernement, dans son ensemble. Tous ses ministères devraient affronter la dilapidation de l’argent public, pour empêcher l’effondrement économique et financier…
C’est le fait d’affronter cette corruption qui sera le signe du sérieux du gouvernement. Dès le début, nous allons savoir quelle est la direction qu’il va prendre…
Notre appel aujourd’hui est lié aux questions économiques qui touchent à la vie des gens, à leurs besoins….Donc, les forces concernées dans le gouvernement devraient placer en tête de leurs priorités et de leur mission les dossiers qui affectent la vie des gens, leurs besoins, leurs demandes …
Comme la résolution de certaines affaires pourrait s’avérer essentielle mais aussi très couteuse, je voudrais m’adresser à tous les partenaires du cabinet ministériel, il faut que nous soyons patients les uns avec les autres, il faut que nous sous supportions les uns les autres, il faut être prêt à la discussion,…
Si nous tombons en désaccord, Il ne faudrait pas que nous nous querellions…
Les problèmes touchent tous les Libanais, sans distinction
Il faut trouver des solutions loin des intérêts personnels de chacun, ou des intérêts partisans, communautaires ou régionaux. Il faut être conscient que ce genre de problèmes touche toutes les catégories du peuple libanais, quelque soient leurs partis, leurs communautés et leurs régions…
Il faut venir en toute sincérité pour exposer les problèmes, et préconiser des solutions qui ne puissent pas faire plier les gens et alourdir leur fardeau davantage…
Durant les conseils de ministres, il est désormais hors de question d’admettre que les prises des décisions se fassent à la hâte. Dans de nombreux cas, les dossiers épineux étaient distribués aux ministres 48 heures avant le vote. Ce genre de situation n’est plus admissible…
Il ne faut pas non plus dramatiser les choses, et nous monter les uns contre les autres. Il faut discuter ensemble les dossiers dans le conseil, on peut former des comités, et les forces politiques et les médias devraient prêter main forte et faire part eux aussi au débat…
Les gens devraient prendre leurs chances. Il faut éviter les controverses violentes. Mêmes dans les médias et les réseaux sociaux, ils devraient aussi respecter l’accalmie, éviter de s’insulter, et arrêter toutes les incitations confessionnelles, partisanes et autres…
Il ne faut pas doucher les espoirs des gens ni leur bâtir des châteaux d’illusions…
Nous devrions être tous associés dans la prise des décisions pour les dossiers épineux…
En tout cas, quel que soient les résultats qui en découleront, en cas d’exploit ou de revers, la responsabilité en incombera à tous les protagonistes…
Manifestement, au sujet des études et les prises de décisions sur les dossiers, il est apparent qu’il n’y a pas encore d’alliance conclue parmi les forces du cabinet. Il semble que personne ne s’est allié avec personne. Et donc les choses sont ouvertes à tout…
Les discussions pourraient aboutir à des désaccords, même entre alliés, on devrait s’y attendre, sans s’alarmer…
On pourrait aussi en discuter à deux ou à trois auparavant…
Le ministre de la Santé: un indépendant et non un partisan
Personne ne devrait imposer ses convictions aux autres… Nous refuserons ceci, nous sommes en revanche ouverts à toutes les options…
Nous espérons agir de la sorte et invitons les autres à faire de même, dès le début…
Toujours concernant le gouvernement, il y a le volet lié au ministère de la Santé. Dès les premiers jours, il y a eu un débat dans le pays lorsque le Hezbollah l’a réclamé. Surtout les Américains ont exprimé leurs positions. Ils ont eu un langage contradictoire : parfois ils refusaient tout court ; d’autres, ils stipulaient que le Hezbollah ne devrait pas en profiter pas à son propre avantage…
Quel que soit la partie qui désigne le ministre, n’importe quel ministre, une fois désigné, celui-ci devrait être celui de tous les Libanais…
Nous avons pris en considération toutes les remarques exprimées, alors que nous insistions au début pour proposer trois ministres partisans. Après les discussions, et comme nous avons veillé à faire preuve de souplesse , nous avons décidé que le ministre de la Santé ne doit pas faire partie du Hezbollah, comme c’est le cas de Dr Jamil Jayek. C’est quelqu’un de fiable et de compétent, toute en étant un homme pratiquant et pieux. Il est indépendant tout en étant proche. Nous l’avons choisi alors qu’il ne fait pas du tout partie du Hezbollah, parce que nous voulions qu’il ait sa marge d’action, pour ses relations, pour ses voyages…
Nous avons placé l’intérêt du pays avant le nôtre. Nous aurions pu nommer un médecin partisan, nous en avons des centaines, originaires de toutes les régions libanaises, mais nous avons opté pour un indépendant…
C’est une nouvelle expérience et nous allons voir qu’est ce qui en adviendra…
Le Hezbollah n’a pas le droit de toucher à l’argent public
Ce sont les Américains surtout qui soulevé cette problématique…
En ce qui nous concerne en tant que Hezbollah, nous sommes un mouvement islamique, nos gens sont pratiquants. Ils respectent la loi. C’est notre législation islamique qui le dicte. En ce qui concerne l’argent public, il ne peut être dépensé en dehors des cadres prescrits par la loi libanaise…
Avec nous, il y aura un avantage de qualité. Nous considérons qu’il n’est pas permis d’utiliser l’argent de l’État et du peuple en dehors de la loi.
Que ce soit dans ce ministère ou ailleurs, il n’est pas permis de l’utiliser en dehors de ce que dicte la loi…
Nous avons des garanties supplémentaires pour ceux qui pourraient avoir quelques inquiétudes…
Tout ce qui se passera dans ce ministère sera soumis à toutes les mesures de surveillance, de transparence,…, et nous allons œuvrer via l’argent que nous allons obtenir de parties tierces pour contribuer à faire réussir ce ministère…
Bien entendu, l’essentiel est dans l’application, c’est elle qui illustrera l’authenticité de nos promesses…
Notre principal souci dans ce ministère ? Nous n’avons pas de projet, ni de commerce. Notre souci est strictement humanitaire, social et patriotique…
Il faut garantir que les soins médicaux soient disponibles pour toute la population : telle sera notre priorité pour que personne ne meurt aux portes des hôpitaux…
Nous espérons qu’il n’y aura pas de bataille politique là-dessus…
Nous allons œuvrer pour baisser le prix des médicaments, et faciliter leur accession aux gens surtout pour les maladies difficiles…
Ceci nécessite un suivi, beaucoup de sérieux et une pleine participation…
Le ministre de Santé: pour tous
Une question s’impose : j’ai dit au ministre que nous allons avec lui partager les responsabilités de sa mission, et je lui ai dit que nous voulons que vous soyez un ministre de la Santé…
Vous savez les ministres, les députés et les hommes politiques au Liban, ils passent la majeure partie de leur temps à participer aux cérémonies dans les régions, aux dépens de leurs missions…
Ce ministre doit être au service de tous les gens. Il va sans aucun doute rencontrer des gens, mais toujours dans le cadre de sa fonction. Il doit s’occuper des régions les plus défavorisées…
Nos attentes concernant ce ministre qui sera nos regards dans chaque détail parce c’est la réputation du Hezbollah qui est en question, il devra accorder sa priorité à sa participation au sein du ministère ainsi que dans les régions, toujours dans le cadre de sa fonction ministérielle…
Ce ministère n’appartient à aucune communauté sans les autres, ni à aucun parti sans les autres. Il est au service de tous les libanais de toutes les régions et c’est son devoir…
Ce n’est pas le gouvernement du Hezbollah
S’agissant du titre donné à ce gouvernement, on constate depuis deux jours que Netanyahu (Le Premier ministre israélien, ndlr) l’appelle le gouvernement du Hezbollah et il incite les US, les Européens, et les pays du golfe contre lui…
Je vous attire l’attention qu’il s’y est mis dès maintenant. Ce n’est pas seulement une accusation, elle devrait déboucher sur des séquelles…
Certains au Liban pourraient être enclins de dire la même chose…
Nous au Hezbollah, en principe, ne devrions pas être lésés par cette évaluation. C’est un aveu de puissance pour nous que de dire que nous sommes les plus forts… Mais cette description est fausse, elle est erronée, et en plus, c’est un mensonge…
Le gouvernement actuel n’est pas celui du Hezbollah. Certaines forces y jouissent d’une participation beaucoup plus importante que la nôtre. Il y a dans ce gouvernement la plupart des forces politiques au Liban et le Hezbollah est l’une d’entre elles…
Je reconnais que notre participation y est beaucoup plus forte que dans le passé…
Je conseille ceux qui pourraient arguer ce mensonge, vous ne devez pas dire que c’est le gouvernement du Hezbollah. En plus du fait que nous avons nos animosités, vous apportez des séquelles aux pays…
Comme vous réclamiez qu’il fallait écarter le Liban des conflits régionaux, vous aussi, évitez aussi de mentir et d’inciter les différentes forces libanaises, sur les plans, politique, communautaire et partisan. Cessez de traquer les points de divergences pour les monter les unes contre les autres…
En faisant ceci, vous ne faites que nuire au pays, ceci va à l’encontre des intérêts du pays, ce ne sont que des balivernes politiques…
Netanyahu sait très bien pourquoi il répète ceci… il le fait volontairement…
L’accord avec le CPL qui a fondé une nouvelle époque
Dernière chose, à l’occasion de la commémoration de la signature de l’accord entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre (CPL) à l’église de Mar Mkhayel en 2006, nous pensons qu’il a été très important et historique. Il a instauré une nouvelle époque. Son résultat le plus important a été le mouvement de solidarité qui s’est fait lors de la guerre 2006… l’entente s’est mue en une collaboration puis en une alliance… nous nous comprenons de plus en plus mais cela ne veut pas dire que nous somme un… Parfois nos motivations et nos objectifs sont différents, mais malgré ceci, nous nous supportons les uns les autres. Et c’est ce qui fait défaut aux Libanais qui sont prêts à se quereller pour un oui ou pour un non…
Nous espérons que les alliances seront réelles…
Nous félicitons les directions du Hezbollah et du CPL, et leurs bases populaires de cette entente et cette alliance…
Je sais qu’il se peut que certains protagonistes veuillent que cette entente s’effondre et ne ratent aucune différence pour se réjouir en attisant les divergences…
Nous savons que certains protagonistes régionaux et internationaux veillent à démanteler notre alliance… c’est une raison de plus pour s’y attacher avec plus de ténacité…
FIN
Source: Al-Manar