La Cour internationale de Justice (CIJ) a jugé mercredi recevable la demande de l’Iran en vue de récupérer près de deux milliards de dollars d’avoirs gelés aux Etats-Unis, qui souhaitent que ces fonds aillent aux victimes d’attaques attribuées à Téhéran.
Les juges ont refusé la requête américaine pour obtenir un rejet de la demande iranienne. Washington arguait que l’Iran avait les « mains sales » au vu de ses liens présumés avec le terrorisme et que la CIJ n’était pas compétente dans cette affaire.
Mais la Cour, qui siège à La Haye, a rejeté les recours des États-Unis et déclaré qu’elle était tout à fait compétente pour statuer sur cette affaire qui pourrait entraîner un regain de tensions entre les deux pays, qui n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis 1980.
« La Cour, à l’unanimité, rejette la première exception préliminaire d’incompétence soulevée par les Etats-Unis d’Amérique », a déclaré le juge président Abdulqawi Ahmed Yusuf au terme de la lecture de l’arrêt.
Au cours d’audiences plénières à venir, dont la date n’a pas encore été fixée, la CIJ examinera la question de savoir si Téhéran peut effectivement récupérer ses 2 milliards de dollars gelés aux Etats-Unis.
La République islamique avait engagé cette procédure contre les Etats-Unis devant la CIJ en juin 2016 afin d’obtenir le déblocage de ses fonds, dont la Cour suprême américaine avait autorisé la saisie en avril 2016. En tout près de deux milliards de dollars provenant de fonds iraniens gelés à New York et correspondant à des obligations dans lesquelles avait investi la banque centrale d’Iran.
Des tribunaux aux Etats-Unis avaient décidé que ces sommes devaient être bloquées pour indemniser des Américains victimes d’attaques terroristes, une démarche jugée illégale par l’Iran.
Les sommes étaient réclamées par un millier de victimes et familles de victimes d’attentats fomentés ou soutenus par Téhéran, selon la justice américaine. Parmi eux figurent notamment les proches des 241 soldats américains tués le 23 octobre 1983 dans deux attentats suicide qui avaient frappé les contingents américain et français de la Force multinationale de sécurité à Beyrouth.
Mais dans sa plainte devant la CIJ, Téhéran fait valoir que Washington a violé un traité bilatéral signé en 1955 par le chah d’Iran avec le gouvernement américain, portant sur les relations économiques et les droits consulaires.
Lundi, l’Iran a promis l’échec des plans « démoniaques de ses ennemis », principalement les Etats-Unis et « Israël », à l’occasion du 40e anniversaire de la victoire de la Révolution islamique.
Les Etats-Unis et « Israël » comptaient de leur côté mettre la pression sur l’Iran à l’occasion d’une conférence sur le Moyen-Orient qui se tient à partir de mercredi à Varsovie. La conférence, qui réunit une soixantaine de pays dans la capitale polonaise, est animée par le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo et le vice-président américain Mike Pence.
Cette initiative devait porter initialement sur « l’influence déstabilisatrice » de l’Iran au Moyen-Orient, une proposition qui a été par la suite élargie face au peu d’enthousiasme de la communauté internationale.
Ce n’est pas la première fois que Washington voit ses arguments réfutés par la CIJ. Dans une procédure distincte, les juges avaient ordonné début octobre à l’administration Trump de mettre fin aux sanctions contre Téhéran visant des biens « à des fins humanitaires », un revers pour les Etats-Unis qui s’étaient retirés en mai de l’accord sur le nucléaire iranien.
Peu après l’annonce de la Cour, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo avait annoncé que les Etats-Unis mettaient fin au traité d’amitié de 1955, invoqué par la Cour pour justifier sa décision.
Ce traité se trouve également au cœur des arguments avancés par Téhéran dans sa tentative de récupérer ses avoirs gelés par Washington.
Lors des dernières audiences tenues à la CIJ dans cette affaire, les représentants américains avaient dénoncé « la mauvaise foi » de l’Iran, affirmant que la République islamique « a les mains sales » en raison de son « soutien » à des « activités terroristes ».
L’invocation du traité de 1955 par Téhéran « constitue un abus de droit » puisque « les relations amicales sur lesquelles il repose n’existent plus », avait affirmé le représentant des Etats-Unis Richard Visek.
Les décisions de la CIJ, organe judiciaire principal de l’ONU, sont contraignantes et ne peuvent faire l’objet d’une procédure en appel. La Cour n’a cependant aucun moyen de les faire appliquer.
Source: AFP