Le président iranien Hassan Rohani est arrivé lundi en Irak pour une visite de trois jours dans le pays pétrolier, sur lequel son allié américain fait pression pour restreindre sa coopération commerciale, énergétique et politique avec Téhéran.
Il s’agit de la première visite en Irak de M. Rohani depuis son accession au pouvoir en 2013 et le président iranien a insisté depuis l’aéroport de Téhéran sur le fait qu' »on ne peut pas comparer la relation de l’Iran avec l’Irak avec celle qu’entretiennent les Etats-Unis » et Bagdad.
L’Iran, deuxième fournisseur de l’Irak pour des produits allant de l’électroménager aux légumes en passant par les voitures et le gaz, est soumis à des sanctions américaines suite au retrait unilatéral en 2018 des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire signé trois ans auparavant.
Rohani rencontrera lors de sa visite le Premier ministre Adel Abdel Mahdi ainsi que le président Barham Saleh.
Il se rendra par la suite dans les villes saintes au sud de Bagdad, Kerbala et Najaf, où il doit rencontrer, selon le site internet du gouvernement iranien, le grand ayatollah Sayed Ali Sistani, la plus haute autorité religieuse des musulmans chiites en Irak.
La relation entre l’Iran et l’Irak est spéciale
L’Iran a notamment joué un rôle majeur dans la guerre contre le groupe takfiro-wahhabite Daesh, en soutenant les forces de mobilisation populaire Hachd al-Chaabi.
« Nous avons soutenu le peuple irakien en des jours très difficiles et maintenant, en ces jours de paix et de sécurité, nous sommes encore à son côté », a ainsi rappelé M. Rohani avant de décoller de Téhéran.
« La relation entre l’Iran et l’Irak est spéciale », a-t-il encore martelé.
Pris en étau entre ses deux grands alliés eux-mêmes ennemis, Téhéran et Washington, l’Irak a obtenu des Etats-Unis une exemption temporaire lors de l’entrée en vigueur du dernier train de sanctions américaines contre l’Iran.
L’Iran ouvre un nouveau chapitre avec l’Irak
Entre-temps, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a déclaré que la visite imminente du président Rohani en Irak marquerait le début d’un nouveau chapitre des relations entre Téhéran et Bagdad.
« M. Rohani se rend en Irak pour la première fois de son mandat présidentiel et nous considérons cette visite comme un nouveau départ dans nos relations avec l’Irak », a déclaré Zarif à la chaîne de télévision irakienne Al-Forat, le samedi 9 mars.
Zarif a évoqué les mesures de coopération qui devraient être approuvées par les deux parties lors de la visite du président iranien en Irak et les a qualifiées d’« historiques ». « Les nouveaux domaines de coopération porteront sur le transit, le pétrole, l’industrie et le dragage de la rivière Arvand », a-t-il ajouté.
Mohammad Javad Zarif, qui est arrivé en Irak le samedi 9 mars au soir, a déclaré que l’Iran et l’Irak partageaient non seulement une frontière, mais en plus des affinités historiques ainsi que des intérêts communs.
« Nous entendons exploiter ces affinités pour assurer les intérêts communs des deux pays ainsi que ceux de la région », a-t-il déclaré.
Zarif a également déclaré que l’Iran considérait l’Irak comme « un pilier important de la sécurité régionale », sans la coopération de laquelle il serait impossible de rétablir la sécurité dans la région.
« Il est donc nécessaire que l’Iran et l’Irak coopèrent, aux côtés des autres pays de la région, pour [rétablir] la sécurité dans la région », a-t-il déclaré.
Le haut diplomate iranien a souligné qu’aucun pays de la région ne devait être exclu du processus de prises de décision.
Les États-Unis poussent l’Irak à couper les liens avec l’Iran
« Nous ne voulons pas que l’Irak rompe ses relations avec les autres pays », a déclaré M. Zarif. « Malheureusement, ce sont les Américains qui font pression sur l’Irak pour qu’il n’entretienne pas de liens de voisinage avec l’Iran. »
Le ministre iranien des Affaires étrangères a également remercié le peuple irakien et les responsables de l’Irak pour leur « position de principe » en faveur de l’Iran et contre les sanctions unilatérales que les États-Unis ont imposées à la République islamique.
L’Iran salue les pourparlers régionaux
Interrogé sur une proposition d’Ammar Hakim — le chef du Mouvement irakien de la sagesse nationale (Hikma) — portant sur les négociations régionales entre l’Iran, l’Irak, la Turquie, l’Arabie saoudite et l’Égypte, M. Zarif a répondu que l’Iran saluait « toutes les propositions de coopération régionale ».
« Nous avons un principe : la coopération régionale devrait être inclusive et ne devrait cibler personne ; tous les pays de notre région devraient participer à cette coopération », a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères.
Il a expliqué que par le terme « pays régionaux », il entendait les États du golfe Persique, ainsi que des pays plus éloignés, tels que l’Égypte et la Jordanie.
Il a fait allusion à la coopération entre l’Iran, la Russie et la Turquie concernant le processus de paix en Syrie dans le cadre des réunions d’Astana comme un exemple de bon travail régional.
Qui est légitime dans la région ?
La République islamique d’Iran, a-t-il souligné, n’a cependant jamais eu de discussions avec des étrangers sur l’avenir de la région et a toujours affirmé que le destin de la région devait être déterminé par la région elle-même.
S’adressant à l’Arabie saoudite, Zarif a déclaré que si l’Iran avait toujours été prêt à dialoguer, Riyad n’avait montré aucune volonté de ce type.
Le ministre iranien des Affaires étrangères a rappelé qu’il avait envoyé plusieurs messages à des responsables saoudiens, affirmant qu’il était prêt à coopérer aux niveaux bilatéral et régional depuis de son entrée en fonction en 2013, et auxquels les Saoudiens avaient répondu : « La région ne vous concerne pas ! »
« Il est maintenant évident si la région nous concerne ou non ! », a déclaré Zarif.
« L’Iran a contribué efficacement à mettre fin au conflit syrien en offrant une aide en termes de consultation militaire à Damas et a facilité le processus diplomatique de la Syrie par une coopération avec la Turquie et la Russie. L’Arabie saoudite, de son côté, faisait partie des pays qui ont financé des groupes armés anti-Damas dans le but de renverser le président Bachar al-Assad. »
Des discussions avec Trump ne seraient pas très utiles
Interrogé sur la possibilité de lancer des discussions avec le président américain Donald Trump, M. Zarif a déclaré que le dialogue devait être fondé sur le respect, ce qui manque à Trump.
L’année dernière, Donald Trump a unilatéralement sorti les États-Unis d’un accord multilatéral signé avec l’Iran alors que Washington avait participé aux négociations qui ont abouti à la conclusion de cet accord.
« Si vous ne respectez même pas vos propres paroles, on ne peut pas s’attendre à ce que vous respectiez (et mainteniez) un accord. Par conséquent, je ne crois pas que le dialogue [avec l’administration Trump, NDLR] serait très utile », a déclaré le chef de la diplomatie iranienne.
Sources: AFP + PressTV