Le président de la République Libanaise, Michel Aoun a affirmé dimanche, lors de la 30ème session de la Ligue des Etats Arabes tenue (le 31 mars) à Tunis qu’aujourd’hui « encore plus dangereux que la guerre, les desseins politiques et les accords illicites qui se profilent à l’horizon ».
Et d’ajouter : « Après le silence du canon, des menaces existentielles menacent nos pays et nos peuples avec le risque d’une division de la région menant à l’effondrement du concept de l’Etat fédérateur au profit de l’émergence d’entités racistes et sectaires. Celles-ci seront imposés par la nouvelle réalité politique et géographique afin de renforcer et justifier la déclaration d’Israël comme Etat juif ».
« Le président américain vient de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, après avoir déclaré Jérusalem comme capitale d’Israël et y transférer l’ambassade de son pays. Tout cela venant en contradiction des résolutions internationales, y compris le paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte des Nations Unies en vertu duquel les Etats membres doivent s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de tout Etat », a poursuivi le chef d’Etat libanais.
Et de noter : « Cette décision ne menace pas seulement la souveraineté d’un Etat frère, mais également celle de l’Etat libanais qui possède des terres annexées par Israël, à savoir, les fermes de Chebaa, les hauteurs de Kfar Chouba et le village d’Al-Ghajar. Il est à noter que l’appartenance de ces territoires à l’Etat libanais est corroborée par des documents et des cartes internationalement reconnues ».
« Devant de telles violations qui bafouent les chartes internationales des frontières reconnues entre pays par les Nations Unies, comment des petits pays comme les nôtres, peuvent-ils être rassurés ? », s’est en outre interrogé M. Aoun.
Et de renchérir : « A la suite de ces derniers développements on ne peut que s’interroger devant le sort de l’initiative de paix arabe ? Est-ce qu’elle tient toujours ou a-t-elle reçu le coup de grâce et restera lettre morte? Après la perte de la terre, comment préserver la paix ?
Comment vont se traduire sur le terrain les objections, les dénonciations et les condamnations internationales face aux événements actuels et ceux à venir ? Le Conseil de sécurité sera-t-il en mesure de protéger le droit du Liban et de la Syrie quant à leurs territoires occupés?
Et nous, en tant que Ligue arabe, comment allons-nous faire face à ces visées et atteintes à nos droits alors que des frontières sont toujours fermées entre nos pays et des sièges restent vacants ici ? ».
Le président libanais a par ailleurs appelé les pays arabes à l’unité : « lorsque nous sommes rassemblés et solidaires, nous parvenons à peine à faire face aux planifications et attaques qui visent nos droits, que serait-ce lorsque nous sommes dispersés et divisés comme c’est le cas aujourd’hui ?
Interrogeons nous ensemble :
– Est-ce que nous voulons réellement que la Syrie retrouve sa place naturelle au sein du monde arabe ?
– Est-ce que nous désirons réellement que le Yémen soit de nouveau qualifié d’heureux et que son peuple jouisse de paix et de stabilité ?
– Est-ce que nous souhaitons que la Palestine cesse d’être une cause perdue et soit privée de Jérusalem et des lieux saints ?
Allons plus loin encore et posons nous la question : est-ce que nous cherchons à instaurer la sécurité et la stabilité dans nos pays pour offrir la paix et la prospérité à nos peuples ?
Si nous voulons préserver leur unité, leur souveraineté et leur indépendance, alors nous devons reprendre l’initiative. Ensemble, resserrons nos rangs, dialoguons, rejetons l’extrémisme et la violence afin d’éradiquer les sources du terrorisme.
Au cours des dernières années, le monde a dépensé des milliards de dollars pour acheter des armes, tuer et détruire. Si cet argent avait été utilisé, même en partie, pour le développement, l’éducation, la croissance, l’industrie, l’agriculture, les investissements et la création d’emplois aux jeunes… nos pays auraient fait un vrai bon en avant, évitant ainsi à nos enfants de tomber dans le piège des idéologies extrémistes qui les transforment en terroristes et les instrumentalise pour tuer et détruire ».
S’agissant du dossier des réfugiés syriens et palestiniens, M.Aoun a dit : « Les plans qui se préparent pour la région sont préoccupants et le Liban est en première ligne. En effet, nous sommes extrêmement inquiets par l’insistance de la Communauté internationale à garder les réfugiés syriens dans notre pays alors que :
– Nul n’ignore les conditions déplorables dans lesquelles ils vivent chez nous.
– Le monde entier sait que la majorité du territoire syrien est sécurisé.
– Personne ne doute que le Liban n’est plus en mesure de porter ce lourd fardeau tant sur le plan économique que social et sécuritaire,
De plus, les organisations humanitaires internationales ont reconnu que 80% des Syriens déplacés au Liban souhaitent retourner et retrouver leurs terres.
Oui, nous sommes préoccupés par l’usage du terme « retour volontaire » et par le fait de traiter un million et demi de personnes déplacées comme s’il s’agissait de réfugiés politiques, alors que la plupart d’entre eux ont fui les problèmes sécuritaires et les difficultés économiques qui accompagnent les guerres.
Nous sommes alarmés par l’insistance de la Communauté internationale à lier le retour des réfugiés à une solution politique en Syrie, voire même à donner la priorité à cette solution politique, alors que nous savons tous qu’elle peut prendre un temps indéfini. A se demander si La Communauté internationale n’essaye pas de « prendre en otages » les réfugiés syriens afin de les utiliser comme moyen de pression à la fois en Syrie et au Liban pour imposer des solutions programmées ?.
La cause palestinienne, vieille de 71 ans, illustre parfaitement l’absurdité de lier le retour des réfugiés à une solution politique. Après toutes ces années d’attente, voilà que se dessine à l’horizon leur maintien là où ils se trouvent, mettant un point final à leurs droits.
En effet, la tentative israélienne de porter atteinte à la résolution 194, en privant les Palestiniens de manière définitive de leurs terres et de leur identité nous préoccupe énormément. Adopter la loi de l' »Etat-nation juif » permet de nier le droit des réfugiés au retour, ce qui sous-entend leur implantation dans les lieux d’accueil et majoritairement au Liban.
Le Liban, chers frères, arrive à peine offrir l’essentiel à sa population, vu la rareté de ses ressources, la fragilité de ses infrastructures et la multiplicité de ses problèmes économiques et sociaux. De ce fait, mon pays n’est plus en mesure d’accueillir un nombre de personnes qui dépasse la moitié de ses citoyens ! Et aucune forme d’implantation ne sera acceptée.
L’assistance fournie par les organisations internationales continue à être versée directement aux déplacés sans passer par les voies officielles des pays hôtes. Ceci les encourage explicitement à rester là où ils se trouvent et à bénéficier de toutes les contributions sans s’acquitter des obligations. Conséquence, les pays d’accueil souffrent du poids croissant de ces charges. Voilà pourquoi, lors du Sommet économique de Beyrouth, nous nous sommes adressés à la Communauté internationale, en particulier aux pays donateurs, pour les inviter à « participer à la charge que représente la crise des déplacés en honorant leurs engagements financiers pour consolider les infrastructures des pays hôtes, répondant ainsi aux besoins vitaux des déplacés et des réfugiés. Tout comme de les assister dans leur pays d’origine afin de les inciter au retour ».
En effet, aider les pays hôtes permet de soutenir cette cause humanitaire qui dépasse leurs moyens mais la priorité est d’aider les déplacés à rentrer chez eux afin qu’ils participent à la reconstruction de leur pays, au lieu de continuer à vivre dispersés, sans toit ni identité.
Dans le temps les sages prônaient la devise : « L’union fait la force ». Aujourd’hui, nous ne demandons ni union, ni unité, juste un minimum de coordination et de coopération afin de faire face à ce qui nous attend ».
Rappelons que les dirigeants arabes ont rejeté et dénoncé dans une déclaration finale la reconnaissance américaine de la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, conquis à la Syrie en 1967 puis annexé en 1981.
Lundi, le président américain Donald Trump a signé un décret reconnaissant la souveraineté d’Israël sur ce territoire, une reconnaissance « invalide et illégitime » selon une déclaration séparée des dirigeants arabes consacrée à la question.
« Il est vrai que l’Amérique est la plus forte force militaire dans le monde mais sa décision n’a absolument aucune valeur », a indiqué lors d’une conférence de presse le secrétaire général de la Ligue, M. Aboul Gheit, à la fin de cette 30e session du sommet arabe.
Sources: ANI + AFP