Le porte-parole d’Ansarullah, Mohammad Abdel Salam, a estimé que l’insistance du président français de poursuivre la vente des armes à l’Arabie sous prétexte qu’elles n’étaient pas utilisées contre des civils relève d’une hypocrisie totale.
Abdel Salam a dans ce contexte appelé la France et les pays impliqués dans des transactions avec la coalition (saoudo-émiratie) à stopper leurs ventes d’armes à Ryad et à Abou Dhabi.
Le président français Emmanuel Macron a dit jeudi « assumer » ses ventes d’armes à l’Arabie saoudite, prétendant avoir la « garantie » qu’elles « n’étaient pas utilisées contre des civils » dans la guerre saoudienne contre le Yémen.
Interrogé à son arrivée à Sibiu (Roumanie) pour un sommet européen, le président français a rétorqué: « L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis sont des alliés de la France. Et ce sont des alliés dans la lutte contre le terrorisme. Nous l’assumons totalement ».
« Il y a un comité qui gère ces exports (…) dans lequel les choses d’ailleurs ont été durcies ces dernières années, où nous demandons la garantie que ces armes ne puissent pas être utilisées contre des civils. Elle a été obtenue », selon lui.
Pas d’escale au Havre pour le cargo saoudien
Une ONG a engagé un recours judiciaire suspensif pour empêcher le chargement des armes à bord du cargo saoudien supposé les acheminer à destination.
Une source portuaire a annoncé, ce vendredi, que le cargo saoudien Bahri Yanbu, attendu depuis plusieurs jours au port français du Havre où il devait procéder à un chargement d’armes, source de controverses, ne fera finalement pas escale dans le port français.
« L’escale n’aura pas lieu », a indiqué la source portuaire à l’AFP.
Attendu mercredi au port, le cargo mouillait depuis plusieurs jours au large du Havre (nord-ouest) tandis que la polémique n’a cessé d’enfler en France sur la destination des armes qu’il devait embarquer, plusieurs associations affirmant qu’elles pourraient être utilisées « contres des civils » au Yémen.
Le cargo était passé par le port belge d’Anvers puis par la Grande-Bretagne avant de se diriger vers Le Havre. Il fait désormais route vers le nord de l’Europe avant de se diriger vers Santander (Espagne), selon plusieurs sources.
En Belgique, des ONG soupçonnent la compagnie nationale saoudienne Bahri d’avoir régulièrement, depuis l’été dernier, chargé des armes ou des munitions à destination de Ryad.
L’Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) a déposé un recours en urgence au tribunal administratif de Paris afin d’empêcher le cargo d’appareiller.
« L’Etat français ne peut ignorer que ces armes peuvent servir à commettre des crimes de guerre au Yémen, où plus de 400.000 civils sont potentiellement sous le feu », a déclaré à l’AFP l’avocat de l’Acat, Joseph Breham.
Plusieurs autres organisations comme Human Rights Watch, Amnesty International ou l’Observatoire des armements sont également opposées à ces ventes.
« Il ne suffit pas de dire +J’ai des garanties+, il faut nous les montrer
Macron a admis qu’il était « tout à fait vrai que la France, depuis plusieurs années – au plus fort il y a cinq, six ans, dans les contrats qui ont été faits à l’époque – a vendu des armes à la fois aux Emirats arabes unis et à l’Arabie saoudite ».
S’il n’a pas précisé les armes qui devaient être chargées au Havre, le site d’investigation Disclose avance depuis mardi qu’il s’agit de « huit canons de type Caesar » (camion équipé d’un système d’artillerie).
Paris a indiqué que ces armements ne sont utilisés que de manière défensive et « pas sur la ligne de front », ne contrevenant ainsi pas au Traité des Nations unies sur le commerce des armes.
Mais, selon une note de la Direction du renseignement militaire (DRM) révélée par Disclose mi-avril, 48 canons Caesar produits par l’industriel français Nexter « appuient les troupes épaulées par les forces armées saoudiennes dans leur progression en territoire yéménite ».
Une carte de la DRM estime que « 436.370 personnes » sont « potentiellement concernées par de possibles frappes d’artillerie », dont celles des canons français.
« Il ne suffit pas de dire +J’ai des garanties+, il faut nous les montrer.
De même, nous aimerions qu’on nous explique clairement, nettement, comment l’Arabie Saoudite lutte contre le terrorisme au Yémen », relève Aymeric Elluin, d’Amnesty international France.
Rassemblement sur le port du Havre
En fin de journée jeudi, une centaine de personnes s’étaient rassemblées sur le port du Havre, non loin du quai où est censé accoster le cargo saoudien, pour dénoncer des ventes d’armes qui contribuent au « carnage en cours au Yémen » à l’appel de la Ligue des droits de l’Homme et du mouvement de la paix.
« Interdire les ventes d’armes aux pays en guerre » ou « Au Yémen, un enfant est tué toutes les 5 minutes », pouvait-on lire sur des pancartes.
Ryad a pris la tête en 2015 d’une coalition militaire comprenant les Emirats arabes unis pour soutenir le président yéménite démissionnaire Abd Rabbo Mansour Hadi contre les forces yéménites (armée + Ansarullah). La guerre saoudo-émirati-US a entraîné la mort de dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux civils, selon diverses organisations humanitaires.
Environ 3,3 millions de personnes sont toujours déplacées et 24,1 millions, soit plus des deux tiers de la population, ont besoin d’assistance, selon l’ONU.
Sources: AlMasirah + AFP