Sajed Dweir, ou « le prosterné de Dweir » de son vrai nom Mohamad Kanso était bien connu de l’armée israélienne. Via son empreinte vocale surtout. Elle l’avait interceptée dans les conversations via talkie-walkie.
Pourtant parmi ses proches, ses amis, les habitants de son village natal du sud Liban, Dweir, personne ne savait qu’il était combattant de la Résistance islamique. Il était parfois secouriste dans la défense civile. D’autres fois commerçants de voitures.Ou encore vendeur de vêtements… Ce n’est qu’après son martyre qu’ils ont découvert qui il était réellement. Lui qui avait rejoint les rangs de la Résistance à partir de 1985.
Pendant la guerre 2006, Tsahal voulait à tout prix le tuer. Elle s’est targuée de l’avoir fait lorsqu’il a été blessé une première fois.
« Nous avons tué Sajed al-Dweir », s’était-elle réjouie par takies-wakie.
Trop tôt. Il était plus vivant que jamais, malgré la blessure. Il avait beaucoup de choses à faire.
Il était chargé de diriger la bataille sur l’axe de Bint Jbeil-Yahoune-Aïnata. Non loin de la frontière avec la Palestine occupée. Et surtout de contrer l’offensive israélienne terrestre.
Il faut croire qu’Israël l’avait connu depuis qu’il avait été désigné comme responsable des renseignements et de reconnaissance de toute la région d’Iqlim al-Touffah. Dans les années 90 du siècle dernier. Une mission des plus difficiles dans cette région ardue aussi bien sur le plan topologique que climatique. Ses hauteurs et son entourage étaient tous sous occupation israélienne.
Comme son principal souci a été de scruter les points faibles de l’ennemi israélien, il s’est consacré entièrement à le surveiller dans tous ses mouvements. Il était devenu un expert inégalable. Et il lui en a fait voir de toutes les couleurs.
« A titre d’exemple, il savait le nombre des soldats dans ses casernes. Les lieux et les temps de déplacements de ses patrouilles. Les lieux et le temps de déplacements des chars mirkavas. Les emplacements des champs de mines » raconte un résistant qui l’avait connu de près, pour Al-Manar.
Et comme son mode d’action se résume par sa volonté de vouloir tester personnellement les batailles qu’il planifie, et d’en récolter davantage de données, il était toujours à l’avant de la majeure partie de celles qui ont été réalisées contre les casernes ou les QG de l’armée israélienne lors de l’occupation avant l’an 2000 : à Soujod, Bir-Kallab, Al-Aïchiyat…
«Avec lui, les opérations de résistance ont connu une évolution sans précédent dans leur mode d’action, leur tactique, le choix des voies pour réaliser les objectifs, la documentation qui fournit toutes les informations numérisées des positions et les déplacements de l’ennemi», raconte cheikh Kaouk pour un documentaire réalisé pour la télévision al-Manar.
Pour Sajed, l’impossible n’existe pas. Plus la mission était difficile, plus il ambitionnait de la réaliser.
Dans l’une de ses opérations, il avait grimpé des collines les plus sinueuses, à Salibi, et était resté en attente pendant 11 jours de suite, avant de mettre à exécution l’embuscade contre des militaires israéliens. Il y a été blessé grièvement et risqué de laisser sa peau. Après son rétablissement, il a repris les combats : à Saydoune, Aaramta, Kfar Hounat, Ein Bousouar,…
Lors de l’opération de la caserne israélienne de Rayhane-Aaramta, au cours de laquelle l’embuscade a été décidée la nuit, il a rêvé que les militaires israéliens venaient vers lui et ses compagnons. Lorsqu’il s’est réveillé, ils n’étaient pas très loin. Une sévère confrontation a eu lieu, au cours de laquelle un certain nombre de résistants étaient tombé en martyrs. Alors que l’ennemi israélien a reconnu la perte de 8 de ses militaires.
Après la libération en l’an 2000, c’est à lui qu’a été confiée la formation de l’Unité spéciale de la Résistance islamique, dont les membres étaient la crème de la crème des résistants. Ses méthodes et prescriptions ont été répertoriées et transcrites pour être ensuite généralisées à toutes les autres formations. Durant cette phase, l’objectif principal de la Résistance consistait à emprisonner des militaires israéliens afin d’obtenir en échange la libération de résistants libanais dans les geôles israéliennes.
A cette fin, il a dirigé l’opération dans le village de Ghajar, depuis son flan oriental libanais. C’était en 2005. Elle a échoué.
Il a pris part à l’opération de Khallet Wardé, le 12 juillet 2006, baptisée plus tard al-Waed al-Sadek, ou Promesse tenue. 8 soldats israéliens y ont été tués et les cadavres de deux d’entre eux enlevés. Avant qu’Israël ne lance les hostilités de ce qui fut connu sous l’appellation de la guerre de Tammouz.
« Il était connu parmi ses frères moujahidines comme étant quelqu’un qui avait l’esprit vif, qui savait très rapidement créer les alternatives durant la confrontation et durant sa préparation aussi. Ceci s’est clairement manifesté dans les combats sur l’axe de Bint Jbeil, durant la guerre de Tammouz en 2006», raconte pour sa part le député du Hezbollah Mohamad Raad, qui a été l’un de ses meilleurs amis.
Justement, sur l’axe de Bint Jbeil, avec les autres chefs militaires de la Résistance, il lui fallait contrer l’offensive terrestre israélienne à Maroune ar-Ras, village situé tout juste à la frontière et passage incontournable pour les troupes israéliennes.
Pour ce faire, il a procédé en optant pour l’attaque et non la contre-attaque.
« Il a commandé les groupes pour attaquer l’offensive. Ce qui a énormément perturbé les Israéliens. C’est la première fois qu’ils se trouvent en face de gens qui les attaquent. Cela ne se fait pas dans les autres armées, que d’être attaqués quand on est en position d’attaque. Il a obligé les Israéliens à refaire leurs calculs », rapporte un résistant ayant participé à cette bataille.
« Durant 33 jours, Israël n’est même pas parvenu à atteindre une toute petite ruelle dans la ville de Bint Jbeil grâce à la bravoure des résistants, à leur tête Haj Sajed. Il a réussi à faire avorter le plan de siège de Bint Jbeil », conclut cheikh Qaouk sur les exploits de cette bataille . Les Israéliens voulaient à tout prix parvenir à cette localité pour une raison hautement symbolique. Le chef du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah y avait lancé son discours de la libération en l’an 2000, qualifiant Israël de « Toile d’araignée », pour illustrer sa fragilité.
Selon cheikh Qaouq, c’était donc une raison de plus pour les Israéliens de tenir à cœur Sajed, tellement il était parvenu à les harceler.
« Il était pour eux un chiffre difficile. Ils le sollicitaient par son nom. Où est Sajed Dweir ? Traquez-le. Certains s’immisçaient sur son onde pour le menacer qu’ils allaient l’avoir », rapporte pour sa part M. Raad.
C’est la troisième fois qu’il a été blessé qui lui a été fatale. Il se trouvait dans une petite cabane, lorsqu’elle a été bombardée par l’aviation israélienne en plein dans son milieu.
« Je vais tomber en martyr… ne laisse surtout pas les Israéliens prendre ma dépouille… La victoire est proche », étaient ses derniers mots à son compagnon. Le sommant de s’éloigner de la cabane.
« Il savait que c’était sa bataille. Sa dernière bataille. Ses yeux brillaient lorsque la guerre a éclaté», a raconté son épouse plus tard en se rappelant leur dernière rencontre et ses derniers mots.
Sajed s’est éteint quatre jours avant la fin de la guerre.
Source: Divers