Donald Trump a levé, le mercredi 23 octobre, les sanctions imposées à Ankara pour son offensive militaire contre les Kurdes dans le nord de la Syrie, alors que les forces russes effectuaient leurs premières patrouilles dans la zone frontalière dont les Etats-Unis se sont retirés.
« J’ai demandé au secrétaire au Trésor de lever toutes les sanctions imposées le 14 octobre en réponse à l’offensive de la Turquie », a ajouté M. Trump depuis la Maison Blanche.
Washington avait gelé les avoirs de trois ministres turcs après l’offensive d’Ankara contre les combattants kurdes, longtemps alliés des Occidentaux.
Trump a ajouté qu’un « petit nombre de soldats » américains resteraient en Syrie, « dans les zones où il y a du pétrole ».
Le président américain a également assuré que Mazloum Abdi, le commandant des Forces démocratiques syriennes (FDS), chef des combattants kurdes, l’avait remercié et s’était montré « extrêmement reconnaissant ».
C’est pourtant l’annonce par Donald Trump du retrait des troupes américaines du nord de la Syrie qui avait ouvert la voie à la Turquie pour lancer son offensive.
Des sénateurs américains ont demandé mercredi dans une lettre adressée au chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, d’octroyer un visa à Mazloum Abdi afin de pouvoir discuter directement avec lui de la « désescalade du conflit en Syrie ».
Le ministère russe de la Défense a également fait savoir que Mazloum Abdi avait « remercié la Fédération de Russie et le président Vladimir Poutine de protéger le peuple Kurde ».
Ce communiqué de Moscou a précisé que la police militaire russe s’était déployée « sur un itinéraire assigné au nord de la Syrie ».
Au cours de son appel avec Mazloum Abdi, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a ajouté que Moscou était prêt à accroître le nombre de patrouilles pour assurer la sécurité des Kurdes.
« Merci » à Poutine
Dans la ville frontalière syrienne de Kobané, une localité de l’extrême nord tenue jusqu’à ces derniers jours par les forces kurdes, un correspondant de l’AFP a vu en début de soirée plusieurs véhicules blindés arborant des drapeaux russes.
Les troupes russes, déjà présentes en Syrie où elles appuient l’armée du président Bachar al-Assad, avaient franchi dans l’après-midi l’Euphrate, le grand fleuve qui traverse le nord du pays en guerre, en direction de la frontière qui s’étend sur plusieurs centaines de km.
Lors d’une rencontre mardi à Sotchi, en Russie, le président Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan ont conclu un « memorandum » visant au retrait total des forces kurdes de la zone et au contrôle commun d’une large partie de la frontière turco-syrienne.
Cet accord signe la défaite des FDS, dont la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), considérée comme « terroriste » par Ankara, est l’épine dorsale.
Salué comme « historique » par M. Erdogan, l’accord sonne le glas des volontés d’autonomie des Kurdes, le cauchemar d’Ankara.
Colère et désespoir
Mercredi, des scènes de colère et de désespoir se déroulaient à Qamichli, une ville frontalière du nord-est de la Syrie, considérée comme la capitale de facto des Kurdes syriens et qui a été exclue par l’accord sur la « zone de sécurité ».
La ville abrite plusieurs dizaines de milliers de civils, dont de nombreux déplacés, et la situation y est déjà très précaire.
Des centaines d’habitants ont manifesté en criant des slogans hostiles au pouvoir turc, ont constaté des journalistes de l’AFP. Une pancarte comparait l’Etat turc à Daesh.
« Les occupants turcs ont lancé un génocide contre notre peuple et veulent changer la démographie de la région », affirmait Salman Sheikhi, un manifestant de 50 ans.
La Turquie a affirmé vouloir renvoyer dans la « zone de sécurité » une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens qui se trouvent sur son sol.
James Jeffrey, émissaire américain pour la Syrie, a cependant nié tout potentiel « nettoyage ethnique » de la part d’Ankara.
Les Etats-Unis enquêtent sur des allégations des autorités kurdes qui accusent la Turquie d’avoir utilisé des armes non conventionnelles, dont le phosphore blanc, interdit par le droit international, a-t-il néanmoins noté.
Le diplomate américain a également estimé que plus de 100 prisonniers de Daesh s’étaient échappés en Syrie depuis l’offensive turque. « Nous ne savons pas où ils se trouvent », a-t-il prétendu.
- Trump a indiqué pour sa part qu' »un petit nombre » seulement de takfiristes s’étaient échappés.
Dans le même temps, les troupes de l’armée syrienne se renforcent elles aussi dans la zone frontalière. Appelées à l’aide par les forces kurdes lâchées par les Américains, elles peuvent ainsi renforcer leur emprise sur les parties du territoire qui lui échappent encore.
Ankara a dit compter sur Moscou pour mettre en oeuvre l’accord de Sotchi, ajoutant n’avoir « pas totalement confiance » dans le pouvoir syrien. Le texte prévoit que Russes et Syriens oeuvreront ensemble « pour faciliter le départ » de tous les combattants des YPG et de leurs armes.
Source: Avec AFP