Les banques ont rouvert leurs portes vendredi pour la première fois en deux semaines au Liban, qui retrouve un semblant de normalité au 16e jour d’une contestation inédite réclamant un changement radical de la classe dirigeante dans un contexte de grave crise économique.
Des manifestations massives lancées le 17 octobre contre une classe dirigeante jugée corrompue et incompétente ont paralysé le pays avec le blocage de routes et la fermeture des écoles, des universités et des banques.
Mais la situation semblait s’apaiser vendredi avec la reprise des activités bancaires, trois jours après la démission du gouvernement du Premier ministre Saad Hariri, malgré des rassemblements dans la capitale ainsi que dans les villes de Saida (sud) et de Tripoli (nord).
De longues queues se sont formées dès l’aube devant les agences bancaires, où les Libanais se sont rués dès l’ouverture pour encaisser leur salaire et effectuer des virements pour la première fois depuis deux semaines.
Garés en double file, assis sur des chaises ou debout à l’entrée des banques, ils attendaient leur tour face à des guichetiers débordés.
Dans la capitale Beyrouth, une poignée de manifestants ont brièvement pris d’assaut le siège de l’Association des banques, avant d’être délogés par la police anti-émeutes.
Les Libanais craignent que la réouverture des banques ne s’accompagne d’une dévaluation monétaire, mais la Banque centrale a déclaré en début de semaine que la monnaie locale restait indexée sur le billet vert au taux de 1.507,5 livres pour un dollar, fixé en 1997.
Sur le marché parallèle, celle-ci se négociait ces derniers jours à plus de 1.700 livres pour un dollar.
Mais certains experts tempèrent le risque d’une dépréciation.
Technocrates ou pas?
« L’activité dans les banques était plutôt ordinaire aujourd’hui (… ) il n’y a pas eu de panique », explique à l’AFP l’économiste Nassib Ghobril.
« En ce qui concerne les retraits en dollars, les banques restent néanmoins prudentes (….) dans l’attente de réformes majeures susceptibles de provoquer un choc positif et de restaurer la confiance sur le marché », ajoute-t-il.
Jeudi soir, le président libanais Michel Aoun a appelé à la formation d’un gouvernement composé de ministres choisis pour leurs « compétences » au lieu « de leurs allégeances politiques », deux jours après la démission du Premier ministre, semblant souscrire aux revendications des manifestants en faveur d’un cabinet de technocrates.
En raison d’un système politique complexe basé notamment sur un partage du pouvoir selon des critères confessionnels, les tractations sont souvent interminables pour l’attribution des ministères, un délai que le pays surendetté ne peut aujourd’hui guère s’offrir.
La dette publique, détenue à 80% par les banques commerciales et la Banque centrale, culmine à 86 milliards de dollars, soit 150% du PIB, l’un des taux les plus élevés dans le monde.
Le pays souffre par ailleurs d’une croissance molle depuis des années, qui devrait atteindre 0,2% en 2019, selon le Fonds monétaire international (FMI), contre plus de 10% en 2009.
Source: Avec AFP