Le changement climatique devrait s’inviter dans l’introduction en Bourse très attendue d’Aramco, le géant pétrolier saoudien, des analystes soulignant que les préoccupations environnementales pèseront vraisemblablement sur le prix de l’action qui sera publié dimanche.
Attaques, tensions géopolitiques régionales, risque de baisse de la demande mondiale en hydrocarbures: Aramco a énuméré, dans un prospectus publié la semaine dernière, les risques potentiels courus par les investisseurs désireux d’acquérir ses actions.
Et l’entreprise la plus rentable au monde, qui pompe près de 10% du pétrole mondial, a aussi reconnu craindre les effets de la défiance croissante vis-à-vis des énergies fossiles sous l’impulsion des ONG environnementalistes.
« Les préoccupations et les impacts du changement climatique pourraient réduire la demande mondiale d’hydrocarbures (…) et amener la société à investir des capitaux supplémentaires » pour être mieux respectueuse de l’environnement, souligne Aramco dans son prospectus.
De telles préoccupations exprimées par l’opinion publique mondiale et inscrites dans les réglementations nationales ou les traités internationaux pourraient, selon l’entreprise, « impulser une transition vers des énergies fossiles à plus faible intensité de CO2 tels que le gaz ou vers des sources d’énergies alternatives ».
Les énergies fossiles sont considérées comme les premiers responsables des émanations de gaz à effet de serre, cause principale du réchauffement de la planète.
L’ONU et des groupes de défense de l’environnement intensifient la pression sur les Etats et les compagnies pétrolières pour réduire les émissions de CO2.
Interrogé par l’AFP, Hossein Askari, professeur en commerce international à l’Université George Washington, va plus loin que l’entreprise saoudienne.
« L’instabilité régionale et la diminution du rôle des Etats-Unis dans la région (…) réduiront probablement l’attrait d’Aramco chez les grands investisseurs institutionnels », a-t-il dit.
« La pression exercée par le changement climatique est devenue le facteur le plus déterminant pour l’évaluation d’Aramco », a poursuivi cet expert.
« Surveillance accrue »
La plupart des banques et sociétés d’investissement estiment la valeur du fleuron saoudien, jusque-là détenu à 100% par l’Etat, à environ 1.500 milliards de dollars.
L’introduction en Bourse sur le marché local d’une faible part de l’entreprise -la proportion n’a pas encore été annoncée- devrait rapporter à peu près 30 milliards de dollars.
Pour Torbjorn Soltvedt, expert Moyen-Orient à Verisk Maplecroft, un cabinet de conseil en risques et stratégies basé au Royaume-Uni, « il ne fait aucun doute que les risques environnementaux, sociaux et liés à la gouvernance seront pris en compte dans les calculs des investisseurs s’intéressant à l’introduction en Bourse d’Aramco ».
« Les banques et les investisseurs institutionnels sont soumis à une surveillance accrue des actionnaires, des ONG et des groupes de défense d’intérêts », poursuit-il.
L’Arabie saoudite et ses partenaires du Golfe, dont la richesse dépend en grande partie des recettes provenant de la production et l’exportation d’énergies fossiles, surtout le pétrole, résistent régulièrement aux initiatives internationales visant à accélérer la transition vers de nouvelles sources d’énergie respectueuses de l’environnement.
Pour réduire les émissions de CO2 tout en assurant une transition plus douce pour leurs économies, ces pays misent sur le recours aux technologies de pointe pour réduire leur empreinte carbone.
Aramco, à rebours de la tendance mondiale, a sensiblement augmenté ses investissements en « recherche et développement » ces dernières années pour rendre moins polluantes les opérations de prospection, de production et de traitement des hydrocarbures.
En même temps Aramco prévoit d’investir, au cours des prochaines années, quelque 334 milliards de dollars pour soutenir sa production de pétrole, selon Al MAl Capital, une société d’investissement basée à Dubaï.
« Il y aurait une réduction » de l’évaluation d’Aramco en raison des préoccupations liées au changement climatique, résume Jean-François Seznec, analyste au Center for Global Energy de l’Atlantic Council, un centre de réflexion basé aux Etats-Unis.
Mais la transition vers les énergies renouvelables prendra « encore quelques décennies », avance cet analyste.
Source: AFP