Apparemment, la victoire de l’armée syrienne dans les faubourgs d’Alep semble être une des victoires successives remportées depuis la libération des plus grandes parties de la ville d’Alep il y a trois ans, mais un examen approfondi révélera l’importance, la particularité et l’impact de cette victoire sur les climats politiques et les données militaires, ainsi que l’implantation des règles qui prévaudront en conséquence.
– La première victoire est celle de la sécurité d’Alep ; après la première libération, la deuxième capitale syrienne a en effet souffert durant des années des pilonnages et des attentats quotidiens. Etant donné la profondeur turque derrière les zones contrôlées par les groupes terroristes, l’audace était plus grande que ce qu’osaient faire ces groupes en visant la sécurité de Damas depuis la Ghouta avant la libération. Le rétablissement de la sécurité à la capitale économique impactera grandement la vie des gens d’abord et l’activité économique ensuite, et donc la sécurité et la situation économique globalement.
– La deuxième victoire est l’ouverture de l’autoroute (M5) qui constitue une artère vitale reliant la capitale Damas à Hama et à Alep, et donc pratiquement les deux moitiés de la Syrie. Cette liaison, qui réduit le temps et les risques encourus sur les routes alternatives provisoires, signifie un retour à la vie normale sur les plans démographique, économique et sécuritaire, surtout pour une grande partie des personnes déplacées qui pourront revenir dans leurs régions libérées et jouissant de la sécurité et des facilités de déplacement. On s’attend au retour des déplacés par dizaines de milliers de différents endroits.
– La troisième victoire est l’écroulement des milices qui, brandissant le faux emblème de la « révolution syrienne », servaient de façade à l’occupation turque. On sait que les faubourgs d’Alep étaient la zone géographique où ces groupes étaient stationnés, dans le cadre d’une répartition des rôles entre eux et le Front al-Nosra, qui contrôle la région d’Idlib, orchestrée par les autorités turques. La chute des derniers bastions de ces devantures, qui utilisaient le drapeau syrien et cherchaient à couvrir l’occupation turque, ne signifie pas seulement la mise à nu de l’occupation, mais aura également une influence sur le cours du processus politique et sur les travaux de la commission constitutionnelle, où certains symboles de la prétendue opposition, en s’appuyant sur cette présence, élevaient le seuil des revendications et dressaient les obstacles.
– La quatrième victoire est que les derniers bastions des groupes terroristes subissent les effets de la victoire fulgurante de l’armée syrienne, et sont dans la déconfiture, la désintégration et la perdition. Cette victoire aura un impact sur le rythme des confrontations ultérieures, après le démantèlement et la liquidation de dispositifs et structures occupant des zones équivalentes à celles encore sous le contrôle des groupes du Front al-Nosra par la superficie, et comptant presque autant d’hommes armés que ceux qui restent encore dans les zones ciblées par la prochaine libération.
– La cinquième victoire est la consolidation de l’équation dans les relations avec la Russie et l’Iran, en tant qu’alliés de la Syrie. Cette relation a fait l’objet de campagnes de suspicion et de tentatives de discrédit pour la miner. Cette fois, la campagne a été des plus virulentes étant donné la spécificité des champs de bataille et leur emplacement crucial pour le rôle de la Turquie. Les initiateurs de ces campagnes ont affirmé que le bien-fondé de l’engagement de la Russie et de l’Iran avant Idlib et Alep ne l’était plus alors que la mère de toutes les batailles a commencé. Il ressort des résultats que le bien-fondé pour comprendre l’alliance construite sur la crédibilité est une loi qui ne souffre aucune exception.
– La sixième victoire est le message que cette opération a adressé aux dirigeants kurdes, dont certains misaient sur l’implantation d’un canton dans les faubourgs du nord et de l’ouest d’Alep, imposé par la Turquie pour ses factions du fait de son importance et de sa vitalité à ses frontières, et pensaient que ce serait une occasion à saisir pour en faire de même. La victoire a éliminé cette éventualité et avec elle les barricades à la réflexion rationnelle, condition du succès d’une solution politique avec ces groupes.
– La septième victoire est la consolidation des règles fondamentales quant au concept de la souveraineté dans la relation syro-turque. Certaines illusions ont bercé les dirigeants turcs pour la bafouer, telles leurs gesticulations pour faire intervenir l’OTAN, ou faire chanter les alliés russes et iraniens, ou encore parier sur l’intimidation et la menace d’une guerre directe entre les armées syrienne et turque. Toutes ces épreuves, sérieuses et cruelles, ont été endurées par les dirigeants syriens et remportées par le président Bachar al-Assad. L’armée syrienne a prouvé sa capacité à les surmonter, et les faits édictés par les batailles d’Alep en particulier déterminent désormais la teneur des relations entre la Syrie et la Turquie, à savoir : la souveraineté syrienne est une ligne rouge.
– La huitième victoire est la répercussion de la bataille décisive d’Alep sur les futurs calculs israéliens qui se fondaient sur la constance de la Turquie et de ses groupes terroristes ainsi que ceux dénommés opposition. Ces calculs présumaient que la restauration de l’unité de la Syrie sous la conduite de son armée était bien lointaine et, en conséquence, Israël pouvait gérer indéfiniment ce qu’il appelle le chaos syrien. La victoire est venue lui prouver le contraire et lui imposer d’autres calculs. La Syrie, après le recouvrement de son unité, sa souveraineté et sa prospérité, aura bientôt le loisir de faire face aux attaques israéliennes.
– La neuvième victoire est l’impact de la bataille décisive d’Alep sur les futurs calculs américains qui avaient cédé le front kurde dans les régions orientales aux Turcs, afin qu’ils résistent, s’affirment et retardent le moment de l’éviction américaine. Quelques heures avant la victoire, la Turquie avait posé l’intervention des Etats-Unis ou de l’OTAN comme condition pour mener la bataille militaire avec son armée. Tous ont refait leurs calculs et lorsque l’OTAN a décidé de ne pas intervenir, cela veut dire que c’est Washington qui avait arrêté la décision, et cette décision n’est point différente de celle qui sera prise ultérieurement quant aux régions orientales. Autrement, il aurait été préférable de mener les deux batailles de concert et de profiter du partenariat de la Turquie pour bénéficier de meilleures opportunités.
– La dixième victoire est politique et diplomatique dans les relations arabes et internationales de la Syrie. Ceux qui ont tardé à frapper aux portes de Damas, ou ceux qui l’ont fait en hésitant et avec parcimonie, réalisent qu’ils doivent mener une course contre la montre pour le faire sérieusement, rapidement et efficacement, car l’État syrien conclue prestement ses dernières batailles et devance le temps par ses surprises. Ils doivent être dans leurs ambassades, fins prêts pour la victoire finale et disposés à jouer leur rôle à Damas.
– Une dernière victoire, qui ne porte pas de numéro, est la revanche des compagnons d’armes du Général Qassem Soleimani, qui avait fait le serment aux habitants d’Alep d’être avec eux pour l’inéluctable seconde libération. Ils étaient avec lui en lui offrant leur grande victoire à l’occasion de la commémoration du 40ème jour de son décès.
Par Nasser Kandil: rédacteur en chef du journal libanais arabophone al-Binaa
Sources : en arabe al-Binaa ; Traduit par Rania Taher ; Réseau international