Le conflit diplomatique qui oppose le poids lourd saoudien et trois de ses alliés arabes au petit mais ambitieux Qatar entre vendredi dans sa quatrième année sans perspective de dégel.
Le 5 juin 2017, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte rompent avec Doha, qu’ils accusent de soutenir des groupes islamistes radicaux, de connivence avec le rival iranien ou encore de semer la zizanie dans la région avec sa chaîne d’information Al-Jazeera.
Le riche émirat gazier, qui a toujours nié ces accusations, a évoqué ces derniers mois des avancées pour un dégel des liens avec ses voisins qui ne s’est toutefois pas matérialisé.
Ultimatum
Le 24 mai 2017, une déclaration attribuée à l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani soutenant mouvements islamiques et critiquant le président américain Donald Trump, est publiée par l’agence de presse officielle du pays.
Doha affirme que le site de l’agence a été piraté et que la déclaration est fausse, mais elle est reprise et publiée dans les médias régionaux, en particulier les pays hostiles au Qatar.
Outre les relations diplomatiques, les quatre pays arabes cessent les liaisons aériennes et maritimes avec le Qatar et l’Arabie saoudite ferme la seule frontière terrestre de son voisin.
Des restrictions sont imposées aux déplacements des personnes. Les bureaux à Ryad de la chaîne d’Al-Jazeera, bête noire des régimes arabes, sont fermés.
Donald Trump, qui a effectué en mai 2017 sa première visite à l’étranger en Arabie saoudite, fait écho aux accusations de Ryad en exhortant le Qatar à arrêter de financer « le terrorisme à un très haut niveau ».
Le président américain a ensuite changé de ton à l’égard du Qatar qui abrite la plus grande base militaire américaine au Moyen-Orient.
Pendant ce temps, le quatuor soumet au Qatar 13 conditions pour le rétablissement des relations diplomatiques, dont la fermeture d’Al-Jazeera, la limitation des liens avec l’Iran ou encore la fermeture d’une base militaire turque sur son sol.
Le 4 juillet, le Qatar rejette ces demandes, les qualifiant d' »irréalistes » et « irrecevables ». La crise du Golfe divise les familles binationales, augmente les coûts des entreprises qataries et complique les déplacements dans la région.
L’Arabie saoudite et ses alliés ajoutent ensuite 18 groupes et individus, qualifiés de « terroristes », à une liste noire répertoriant des entités accusées de liens avec l’émirat. La liste comptera près de 90 noms.
Match nul
En août 2017, la chaîne pirate BeoutQ commence à diffuser illégalement des événements sportifs de haut niveau dont le réseau qatari beIN détient l’exclusivité. Ce dernier accuse les Saoudiens d’être derrière la chaîne pirate. Une procédure juridique internationale est en cours.
Tout au long de l’année 2018, le Qatar et les Emirats, les deux pays ayant les plus grandes compagnies aériennes du Moyen-Orient, s’accusent mutuellement de violer l’espace aérien.
L’année suivante, les Emirats organisent la Coupe d’Asie de football. Le Qatar l’emporte, mais les tribunes sont vides de ses supporters qui n’ont pas le droit d’entrer dans le pays voisin. Un supporter britannique portant les couleurs du Qatar est arrêté.
En décembre 2019, le Qatar accueille la Coupe du Golfe de football avec la participation des sélections saoudienne, émiratie et bahreïnie, une première depuis le début de la crise. Bahreïn soulève le trophée à Doha le 8 décembre.
Le tournoi a suscité l’espoir d’une réconciliation d’autant plus que le ministre des affaires étrangères du Qatar, cheikh Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, a évoqué « quelques progrès » dans des discussions avec l’Arabie Saoudite.
Deux ans auparavant, les trois pays avaient refusé de jouer au Qatar, conduisant au déplacement de la compétition au Koweït, pays neutre et médiateur dans la crise.
« Doutes »
En décembre 2019, l’émir du Qatar décline une invitation de l’Arabie saoudite à participer à un sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à Ryad, et envoie à la place son Premier ministre de l’époque.
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar révèle que les discussions avec l’Arabie saoudite ont été suspendues en janvier 2020 en raison d’un manque de progrès, mais assure que son pays reste « ouvert s’il y a des efforts favorables à la résolution du problème ».
Ces dernières semaines, une rafale de désinformation attaquant le Qatar a inondé les réseaux sociaux, y compris des affirmations selon lesquelles le pays envisage de quitter le CCG, qui rassemble les six monarchies du Golfe.
Le 28 mai, le ministère des Affaires étrangères nie ces rumeurs, mais estime que les habitants de la région « doutent » de cette institution en raison de son incapacité à résoudre la crise du Golfe.
Source: AFP