Le Caire, qui soutient le maréchal Haftar, envisage d’intervenir si le «gouvernement d’union nationale», soutenu par la Turquie, avance vers la ville stratégique de Syrte.
Ville natale de l’ex-dictateur Mouammar Kadhafi, Syrte, ainsi qu’Al-Joufra plus au sud, représentent une «ligne rouge», a averti le président égyptien Abdel Fatah Sissi, lors d’un discours retransmis à la télévision. Si cette ligne est franchie, la sécurité de l’Égypte, qui partage une frontière poreuse avec la Libye, nécessitera une «intervention directe» des forces égyptiennes dans le pays, a-t-il déclaré.
«Toute intervention directe de l’Égypte est devenue légitime au niveau international, que ce soit au regard de la charte de l’ONU sur la légitime défense ou qu’elle se base sur la seule autorité légitime élue par le peuple libyen: le Parlement libyen», a affirmé M. Sissi. Le président égyptien évoque ici le parlement basé à Tobrouk puis depuis 2019 à Benghazi, en Cyrénaïque.
Élus en 2014, ses parlementaires soutiennent le maréchal Haftar et ne reconnaissent pas les autorités de Tripoli qui disposent de leur propre parlement. «Si le peuple libyen nous demande d’intervenir, c’est un signal envoyé au monde que l’Égypte et la Libye partagent (…) des intérêts communs, la sécurité et la stabilité», a ajouté le président égyptien.
Une « déclaration de guerre » selon le gouvernement
En réaction, le Gouvernement libyen d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU, a dénoncé dimanche, 21 juin, comme une « déclaration de guerre » les menaces de l’Egypte d’intervenir militairement.
Cette guerre des mots est intervenue deux jours avant une réunion ministérielle par visioconférence de la Ligue arabe sur la Libye, à laquelle le GNA a refusé de participer.
Initialement prévue lundi, cette réunion a été reportée à mardi en raison de « problèmes techniques », selon un diplomate.
Dans le conflit en Libye, l’Egypte soutient les forces du maréchal Khalifa Haftar, rivales du GNA, appuyé lui par la Turquie et basé dans la capitale Tripoli.
Avec l’appui militaire d’Ankara, le GNA a engrangé d’importantes victoires depuis début juin, prenant le contrôle de l’ensemble du nord-ouest de la Libye.
Ces succès ont signé l’échec de l’offensive lancée en avril 2019 par le maréchal Haftar pour s’emparer de Tripoli.
Les forces du GNA restent néanmoins freinées dans leur avancée vers la ville de Syrte, verrou stratégique vers l’Est, qu’elles veulent reprendre aux troupes du maréchal Haftar, homme fort de l’est du pays pétrolier.
« L’ingérence dans les affaires internes de l’Etat libyen et l’atteinte à sa souveraineté, que ce soit par des déclarations (…) comme celles du président égyptien, ou par l’appui aux putschistes, aux milices et aux mercenaires, a dénoncé le GNA dans un communiqué.
Appelant la communauté internationale « à assumer ses responsabilité face à cette escalade », le GNA s’est dit « favorable à toute médiation impartiale sous l’égide de l’ONU » et a rejeté « les initiatives unilatérales des hors-la-loi ».
« La Libye toute entière est une ligne rouge », a rétorqué le GNA. « Quel que soit le différend qui oppose les Libyens, nous ne permettrons pas à notre peuple d’être insulté ou menacé. »
La Libye est plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Depuis 2015, une lutte de pouvoir oppose le GNA au maréchal Haftar qui dit tenir sa légitimité du Parlement élu basé dans l’Est.
En revanche, le chef du Parlement élu et basé dans l’Est, Aguila Saleh, a défendu dans un communiqué l’avertissement de M. Sissi, jugeant « nécessaire » une intervention de l’armée égyptienne « pour soutenir nos forces armées face au terrorisme et à l’invasion étrangère ».
De son côté, le chef de la diplomatie jordanienne, Ayman Safadi, s’est dit favorable à une solution politique en Libye et a apporté « son plein soutien à l’Egypte face à toute menace contre sa sécurité et sa stabilité », lors d’un entretien téléphonique avec son homologue égyptien, Sameh Choukri.
Source: Avec AFP