Londres a privé le Venezuela de son or pour presque 1 milliard de dollars. Cette décision a été prise par la justice britannique. Tout cela parce que l’or vénézuélien était physiquement stocké au Royaume-Uni. Pourquoi plusieurs pays stockent à ce jour leurs réserves d’or à l’étranger et quels sont les risques ?
Le Venezuela paye pour avoir décidé à une époque de stocker son or à la Banque d’Angleterre. Dans les coffres de cette dernière se trouvent des lingots d’or appartenant au Venezuela pour 930 millions de dollars. Dès que la Banque centrale du Venezuela a décidé de transférer cet or de la banque anglaise sur les comptes du programme des Nations unies pour le développement (pour les dépenser pour les produits médicaux et la nourriture destinée à la population pendant la crise de coronavirus), la Banque d’Angleterre a bloqué le transfert.
Elle a motivé sa décision par la situation dans le pays où le président du pays Nicolas Maduro fait face au leader de l’opposition Juan Guaido. C’est ce dernier qui est considéré par plusieurs pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, comme « dirigeant légitime du Venezuela ». Après quoi, Juan Guaido a exprimé son droit de disposer de cet or. L’affaire a été transférée à la Cour suprême du Royaume-Uni, qui a décidé que l’or n’appartenait pas à Maduro, mais à Guaido. Et il a été finalement décidé de ne pas rendre l’or au gouvernement Maduro.
Le stockage des réserves de change sous la forme de lingots d’or dans les coffres d’autres pays est une pratique extrêmement répandue. Mais l’expérience mondiale montre que c’est risqué. L’or peut être « saisi » parce que le pays est dirigé par un « dictateur », et c’est les pays où l’or est stocké qui décident qui est dictateur ou non. Deuxièmement, les lingots pourraient être contrefaits. Ce qui provoque des scandales comme aujourd’hui en Chine.
La grande compagnie de bijouterie Kingold Jewelry a fourni en plusieurs années consécutives 18,6 tonnes de faux or pour honorer ses crédits. Elle a emprunté au total 2,8 milliards de dollars aux dizaines de créanciers. Il s’est avéré que dans les coffres de la banque les lingots d’or étaient remplacés par des contrefaçons en cuivre recouvertes par une mince couche d’or. Cette histoire concerne une entreprise privée, mais l’or contrefait pourrait également se retrouver entre les mains de l’État, les technologies sont identiques.
Alors pourquoi nombre de pays continuent de garder leurs lingots d’or en dehors de leur juridiction ?
Premièrement, l’explication est historique. Peu de temps avant le début de la Seconde Guerre mondiale le gouvernement français a envoyé aux États-Unis la majeure partie de ses réserves d’or. Paris craignait, et à raison, l’invasion des forces allemandes. Et quand l’Allemagne fasciste a été vaincue la France a voulu reprendre possession de son or. Mais les autorités américaines ont refusé : comme quoi cet or a été envoyé aux États-Unis non pas par le gouvernement français, mais par des particuliers, et peu importe que ces particuliers aient agi sur ordre du gouvernement. Le président Charles de Gaulle a réussi à rapatrier 4.400 tonnes d’or seulement en échange de dollars, en d’autres termes, il a fallu payer pour reprendre son propre or.
Le « nouvel » or est également stocké à l’étranger parce que c’est plus pratique. Les pays émergents (sauf la Chine) achètent de l’or à l’étranger et le laissent sur place : cela coûte moins cher, c’est plus sûr et c’est plus facile pour le revendre.
Les principaux « gardiens » de l’or étranger sont la Banque d’Angleterre et la Réserve fédérale de New York.
Les États-Unis sont considérés comme le plus grand détenteur d’or physique. Selon les informations officielles au premier trimestre 2020, 8.133 tonnes d’or sont stockées en Amérique. Et en ce sens les États-Unis devancent largement tous les autres pays du monde. Bien que certains soupçonnent que les coffres américains contiennent en réalité moins d’or qu’il n’est officiellement déclaré. Nul ne sait la quantité d’or exacte parce qu’aucun audit n’a jamais été organisé.
Quand Donald Trump est arrivé au pouvoir, il a déclaré qu’il organiserait un audit des réserves d’or dans les coffres de l’ancienne base militaire de Fort Knox dans le Kentucky. Jusqu’à la moitié de toutes les réserves s’y trouvent. Mais il lui a été suggéré de ne pas le faire. De la même manière qu’a été empêché l’audit de l’or de la Réserve fédérale de New York.
En deuxième position, loin derrière les États-Unis, arrive l’Allemagne avec 3.364 tonnes. Suivie par l’Italie et la France avec respectivement 2.450 et 2.430 tonnes. En cinquième position la Russie avec presque 2.300 tonnes. La Chine est sixième avec des réserves de 1.948 tonnes d’or. Parmi les dix plus grands détenteurs d’or se trouvent également la Suisse, le Japon, l’Inde, les Pays-Bas (rattrapés par la Turquie).
Parmi les plus grands détenteurs, les États-Unis et la Russie préfèrent garder leur propre or dans leurs réserves nationales. Tandis que l’Allemagne et l’Italie stockent une grande partie de leurs réserves à l’étranger.
Dans le cadre du plan Marshall l’or était envoyé aux États-Unis en échange des crédits pour reconstruire l’Europe de l’après-guerre. Cela fait seulement deux ans que l’Allemagne a réussi à rapatrier 50% de son or depuis les États-Unis. Cependant, l’autre moitié demeure dans les coffres de la Réserve fédérale de New York et de la Banque d’Angleterre à Londres. Un peu plus de la moitié de l’or italien est stockée dans ces banques, ainsi qu’un faible pourcentage à Berne, en Suisse.
Désormais la France stocke ses réserves d’or officielles uniquement sur son propre territoire. Elle dispose d’un immense entrepôt à 29 mètres de profondeur sous la Seine, où en cas de besoin peuvent s’abriter plus de 3.000 personnes. Le Japon et la Chine n’envoient pas non plus leur or à l’étranger.
De nombreux pays ayant expédié à une époque leur or au Royaume-Uni ou aux États-Unis tentent à présent de le rapatrier, en ayant conscience du fait que leurs actifs à l’étranger peuvent être saisis.
Par Alexandre Lemoine.
Source : Observateurcontinental