Des indicateurs économiques très inquiétants se multiplient à travers la planète. Des États unis à l’Europe en passant par l’Asie et l’Amérique du Sud, la pandémie de coronavirus a secoué l’économie à des niveaux inédits. Se relèvera-t-elle? La question se pose à l’heure où la crainte d’une deuxième vague de Covid-19 est dans toutes les têtes.
«Derrière les données comptables, des drames humains, des territoires meurtris. Tout cela nous devons le prévoir, l’accompagner, le soulager.»
Jean Castex, le nouveau Premier ministre, avait le ton grave au moment de s’adresser au Sénat, le 16 juillet. Frappée de plein fouet par la crise liée à la pandémie de coronavirus, la France devrait composer avec une récession de 11% en 2020, d’après le locataire de Matignon. «La plus sévère» depuis la création des comptes nationaux.
Le 7 juillet, la Commission européenne publiait ses dernières projections concernant les économies de la zone euro. Elle prévoyait pour la France une chute du PIB de l’ordre de 10,6% en 2020. Quant à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle table sur un taux de chômage français à 12,3% fin 2020.
Un impact économique «plus fort» que prévu
Paris est loin d’être le seul concerné par cet effondrement économique. «Dans le scénario le plus optimiste d’évolution de la pandémie, le taux de chômage dans l’ensemble des pays de l’OCDE pourrait atteindre 9,4% au quatrième trimestre 2020, dépassant tous les pics enregistrés depuis la Grande Dépression», explique l’organisation dans son édition 2020 du rapport «perspectives de l’emploi», publiée le 7 juillet.
Toutes les régions du monde sont touchées. Bruxelles anticipe une chute du PIB de 8,7% en 2020 sur l’ensemble de la zone euro: -6,3% pour l’Allemagne, -11,2% pour l’Italie ou encore -10,9% pour l’Espagne.
«L’impact économique du confinement est plus fort que ce que nous avions initialement prévu. Nous sommes loin d’être tirés d’affaire et devons faire face à nombreux risques, y compris une nouvelle vague majeure d’infections», a alerté Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission.
Ce 17 juillet, les 27 se mettent autour de la table afin de débuter un marathon de négociations visant à trouver un accord sur le futur budget européen pour la période 2021-2027, qui devrait avoisiner les 1.100 milliards d’euros. Le plan de relance de 750 milliards d’euros afin de lutter contre la crise économique provoquée par le coronavirus sera également au menu des discussions.
La Commission européenne met également en garde contre l’absence d’accord entre la Grande-Bretagne et l’UE après le Brexit, une situation qui mettrait, selon l’exécutif bruxellois, l’économie européenne encore plus en danger.
Le Royaume-Uni a lui aussi été terriblement impacté par la pandémie. Avec plus de 45.000 morts, il s’agit de la troisième nation la plus touchée du globe derrière les États-Unis et le Brésil. Entre mars et mai, le PIB a chuté de 19,1% comparé aux trois mois précédents et, selon les prévisions de l’Office de responsabilité budgétaire, Londres devra faire face à une récession de plus de 10%. Le pire score depuis 300 ans.
Toujours sur le Vieux continent, mais cette fois du côté de la Russie, Vladimir Poutine a souhaité faire preuve d’optimisme:
«On peut dire aujourd’hui que [nos] mesures ont eu un résultat, et qu’elles ont permis d’atténuer de façon significative la sévérité de la crise.»
Reste que l’économie du pays des Tsars a beaucoup souffert. Le mois d’avril, ainsi qu’une partie du mois de mai totalement chômés, les mesures de confinement et la fermeture des frontières ont considérablement fait augmenter le chômage. Le locataire du Kremlin a récemment déclaré que «près de trois millions de Russes» étaient inscrits comme demandeurs d’emploi, un chiffre en hausse par rapport au mois de mai, où 2,1 millions de Russes étaient enregistrés comme chômeurs. Moscou dit s’attendre à une chute du PIB de l’ordre de 5% en 2020.
De nombreuses défaillances d’entreprises à prévoir
De l’autre côté du détroit de Béring, la situation est extrêmement compliquée aux États-Unis, qui ne parviennent pas à juguler la pandémie. Le pays de l’Oncle Sam a enregistré un nouveau record de contaminations quotidiennes le 16 juillet, avec plus de 73.000 nouveaux cas. Le nombre de décès avoisine désormais les 140.000 et Anthony Fauci, principal expert du gouvernement concernant les maladies infectieuses, a récemment sonné l’alerte. D’après lui, si les Étatsuniens ne prennent pas les mesures nécessaires, le pays pourrait être confronté à une augmentation de 100.000 cas par jour.
Les États-Unis ont vu le nombre de demandeurs d’emploi littéralement exploser durant la pandémie avec des dizaines de millions d’Américains ayant perdu leur emploi. En avril, le taux de chômage avait atteint 14,7%, un plus haut depuis les années 30 et la Grande Dépression. Si la flexibilité du marché du travail américain a permis de rapidement résorber le nombre de demandeurs d’emploi (11,1% en juin), la fragile reprise est mise en danger par une épidémie qui elle, ne se résorbe absolument pas.
De très nombreuses entreprises et particuliers éprouvent de graves difficultés à payer leur loyer. En mai dernier, Andy Graiser, coprésident de la société immobilière commerciale A&G Real Estate Partners, sonnait l’alerte: «Les lettres de défaut des propriétaires se multiplient de plus en plus». En juin, c’est l’assureur-crédit Coface qui y allait de sa sombre prévision. Il avertissait que les défaillances d’entreprises allaient augmenter de 43% d’ici 2021 par rapport à 2019. Du côté du PIB, le Fonds monétaire international (FMI) anticipe une récession de 8% contre un recul de 5,9% prudemment estimés en avril.
Au sud du continent, la situation est loin d’être idyllique. La même Coface prévoit une augmentation des défaillances d’entreprises de 44% au Brésil d’ici 2021 par rapport à 2019. Le pays Auriverde est le deuxième plus touché au monde par le Covid-19, avec plus de deux millions de cas et plus de 76.000 morts. Entre mars et mai, le Brésil a perdu 7,8 millions d’emplois, ce qui constitue un record historique sur trois mois. D’après le FMI, la plus vaste nation d’Amérique du Sud subira la pire récession de son histoire en 2020, avec un PIB en chute de 9,1%. La situation n’est pas meilleure chez le voisin argentin, déjà en récession depuis 2018 et en défaut de paiement depuis le 22 mai concernant le règlement d’intérêts de 500 millions de dollars sur trois émissions obligataires.
L’Afrique du Nord et le Moyen-Orient devront eux se battre contre la pire récession des 50 dernières années. D’après les calculs du FMI, le PIB y chutera de 5,7% en moyenne et dans les régions touchées par des conflits armés, la récession pourrait atteindre les 13%. Plusieurs économies de la zone doivent composer avec un cocktail difficile à base de Covid-19 et de faiblesse des cours du pétrole. Le ralentissement économique mondial a fait chuter le prix de l’or noir des deux tiers, avant une légère reprise. Il oscille aujourd’hui autour des 40 dollars le baril. Un montant faible.
«La région est confrontée à une crise sans précédent. Un double choc qui a affecté le fonctionnement normal de ses économies pendant le confinement», a expliqué à l’AFP Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI.
Quid de l’Asie? Les pays ne sont pas tous logés à la même enseigne. Pendant que Singapour est entré en récession au deuxième trimestre, voyant son activité économique plonger de 41,2% par rapport au trimestre précédent, Pékin devrait faire partie des pays chanceux à pouvoir espérer de la croissance en 2020: le FMI en anticipe 1% cette année. C’est pourtant loin des 6,1% de 2019, qui étaient déjà la pire performance de l’économie chinoise en 30 ans. Mais c’est toujours mieux qu’au Japon, qui est en récession pour la première fois depuis 2015.
Une deuxième vague fatale?
Reste que la région Asie-Pacifique s’en tire plutôt bien d’après l’agence de notation Standard & Poors, qui prévoit une récession de «seulement» 1,3% en 2020 avant un rebond à +6,9% en 2021.
Le FMI est également optimiste quant à la capacité de l’économie mondiale à rebondir. D’après l’organisation dirigée par Christine Lagarde, le PIB mondial sera en croissance de 5,1% en 2021 après une contraction de 4,9% en 2020. La probabilité de ce scénario dépend pourtant fortement de celle d’une deuxième vague. Sans parler d’une propagation de l’épidémie qui ne freine pas aux États-Unis, plusieurs signaux inquiétants ont fait leur apparition dans plusieurs pays.
Ce 17 juillet, le ministère catalan de la Santé a appelé les habitants de Barcelone à rester chez eux face à la recrudescence de cas de Covid-19 en Catalogne. Au Portugal, le gouvernement a procédé depuis le 23 juin au rétablissement de plusieurs mesures de confinement dans la région de Lisbonne. En Irlande, le Premier ministre, Michael Martin, a annoncé que la dernière phase du déconfinement serait reportée au 10 août face à des «inquiétudes sur l’augmentation du nombre de cas», qui «sont très réelles».
Du côté de l’Inde, deuxième pays le plus peuplé du monde, la hausse du nombre de cas dans le nord du pays a provoqué un reconfinement dans l’État du Bihar pour deux semaines à partir du 16 juillet. Plus de 120 millions de personnes sont concernées.
En France, la Mayenne vient d’être classée en «vulnérabilité élevée» et la Bretagne inquiète à cause du taux de reproduction de la maladie, qui est en forte progression. Il est passé de 0,92 à 2,62 entre le 10 et le 14 juillet d’après le site data.gouv.fr. Rappelons qu’un taux au-dessus de 1 indique que le virus se propage. À titre de comparaison, le taux de reproduction de la grippe saisonnière, considérée comme très contagieuse, est d’environ 1,5.
Malgré tout, les considérations économiques occupent dorénavant plus les esprits que les considérations sanitaires. Et pour cause: interviewé fin juin par La Dépêche, Éric Hayer, directeur des prévisions à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), prévenait des possibles conséquences catastrophiques d’un reconfinement:
«Tout dépend du type de reconfinement dont on parle, mais si le pays devait retourner dans une phase de confinement comme celle qu’on vient de connaître, ce serait catastrophique pour l’économie du pays. On ne s’en relèverait pas, je pense. Mais je ne crois pas qu’on en arrive là. Je ne l’espère pas en tout cas.»
Source: Sputnik