La bataille sur le plan de relance de l’UE entre les Pays Bas et l’Autriche d’un côté, les deux pays les plus réfractaires, et la France et l’Allemagne de l’autre, s’est intensifiée lundi matin 20 juillet, lors de la troisième nuit de sommet européen à Bruxelles.
Au cours du dîner entre les 27 dirigeants de l’UE, le président français Emmanuel Macron est sorti de ses gonds pour dénoncer la mauvaise volonté des Etats dits « frugaux » (Pays-Bas, Autriche, Suède, Danemark), auxquels s’est associée la Finlande.
Il s’en est notamment pris au Premier ministre néerlandais Mark Rutte et au chancelier autrichien Sebastian Kurz, considérés comme les plus inflexibles après trois jours de négociations stériles.
Au moment où une récession historique frappe l’Europe, leurs réticences menacent de faire capoter un plan de soutien à l’économie, qui profiterait avant tout aux pays du Sud, Italie et Espagne en tête.
Réunis depuis vendredi matin, les leaders de l’UE ne parviennent pas à atteindre de compromis, malgré les efforts répétés de M. Macron et de la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays assure la présidence tournante de l’Union.
Sur la table des négociations, un fonds constitué par une capacité d’emprunt de 750 milliards d’euros pour relancer l’économie européenne, adossé au budget à long terme de l’UE (2021-2027) de 1.074 milliards d’euros.
Les discussions butent notamment sur la répartition des fonds entre subventions (que les bénéficiaires n’auraient pas besoin de rembourser) et prêts.
« Incohérences »
Dans le projet initial, les dons devaient s’élever à 500 milliards d’euros. Mais il a été proposé de les réduire à 400 milliards, ce qui se situe à la limite de ce que Paris et Berlin sont prêts à accepter.
Les prêts du plan de relance seraient eux portés à 350 milliards d’euros, contre 250 milliards au départ, selon cette nouvelle répartition.
Ce geste en faveur des frugaux, qui préfèrent les prêts aux dons, a cependant été rejeté par les intéressés, pas disposés à aller au-delà de 350 milliards de subventions.
Face à ce blocage, M. Macron a tancé « leurs incohérences » lors du dîner dimanche soir, selon un membre de la délégation française
Il a affirmé, d’après une source européenne, que c’était la France et l’Allemagne qui allaient « payer ce plan », dans « l’intérêt de l’Europe, quand les frugaux sont égoïstes et ne font aucune concession ».
Il a fustigé le comportement du chancelier autrichien Sebastian Kurz, lorsque ce dernier a subitement quitté la table pour prendre un appel téléphonique.
Le Français a aussi comparé le positionnement du Néerlandais Mark Rutte a celui de l’ex-Premier ministre britannique David Cameron, qui a souvent adopté une ligne dure lors des sommets européens, mais a fini par perdre le référendum sur le Brexit.
Auparavant, le président du Conseil européen, Charles Michel, avait exhorté les 27 à ne pas présenter le « visage d’une Europe faible, minée par la défiance », réclamant un sursaut pour éviter un échec.
Rome et Madrid inquiets
L’unanimité nécessaire des 27 Etats membres rend un accord particulièrement difficile. D’autant plus, qu’il existe d’autres points de blocage.
Parmi eux figure en bonne place le lien entre le versement des aides et le respect de l’Etat de droit, une idée particulièrement soutenue par La Haye, mais qui hérisse Budapest et Varsovie, actuellement dans le collimateur de l’UE.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s’est vivement opposé à une telle mesure dimanche, accusant son homologue néerlandais de vouloir le « punir financièrement » et de le « détester » lui et la Hongrie.
Au cours du sommet, M. Michel a multiplié les gages en faveur des frugaux, par exemple en augmentant les « rabais » dont ils bénéficient en tant que pays qui versent davantage d’argent au budget de l’UE qu’ils n’en reçoivent.
Il a aussi tenter d’amadouer le Néerlandais Mark Rutte, qui réclame que les plans de relance nationaux présentés par chaque pays en contrepartie des aides du plan de relance soient validés à l’unanimité des 27.
Une telle configuration, qui équivaudrait de facto à un droit de veto pour chaque capitale, inquiète Rome et Madrid, qui craignent d’être soumis à un programme de réformes (marché du travail, retraites…) imposé.
Le Belge a présenté un mécanisme plus nuancé, permettant à un pays qui aurait des réserves sur le plan d’un autre Etat d’ouvrir un débat à 27.
Source: Avec AFP