Discours de Son Excellence le Président de la République libanaise, le général Michel Aoun, à l’occasion du centenaire du Grand Liban, le 30 août 2020
Mes chers compatriotes
Il y a un an, nous avons annoncé le démarrage des commémorations du centenaire du Grand Liban. Pour cette occasion il fut décidé de lancer des activités culturelles et artistiques qui raconteraient le Liban de la civilisation, de la culture, des valeurs, de la diversité et de la coexistence. Le Liban des Libanais répandus à travers le monde mais également le Liban de la lutte et de la souffrance, le Liban de la douleur et de l’espoir.
Malheureusement, cette année fut marquée par des crises et des catastrophes sans précédent, ne laissant aucune place à la moindre lueur de joie. Et pourtant, l’espoir demeure, l’espoir d’un réel changement qui permettra à notre pays de se relever à nouveau.
Cent ans se sont écoulés depuis la création de l’État libanais, depuis la déclaration de l’État du Grand Liban.
Même si les Libanais regardent différemment cet événement historique et ont parfois des points de vue contradictoires, il n’en reste pas moins vrai que la déclaration historique de l’État du Grand Liban a constitué le noyau de l’établissement de notre pays dans ses frontières actuelles après que ne lui soit rendu ce dont il fut dépouillé. Cette reconnaissance internationale fut sans aucun doute précieuse pour notre pays.
Il est important également de rappeler que le lancement du Grand Liban a permis aux fondements de l’État de commencer à se constituer avec l’aide des autorités françaises. Les institutions et organisations administratives, financières, judiciaires et sécuritaires ont également été établies à cette époque, tout comme la Constitution libanaise.
Chers Libanais,
Nous voilà aujourd’hui au tout début du deuxième centenaire de notre État libanais et il est important de faire une réévaluation sincère et franche.
Bien que ce premier centenaire ait connu des périodes de prospérité et de renaissance économique, culturelle et institutionnelle, il fut cependant chargé de difficultés, de crises et de guerres, au cours desquelles notre peuple n’a jamais connu de véritable stabilité ni de sécurité, sauf pendant de courtes périodes, semblables à des trêves entre une crise et une autre. Et là se pose la question : où se situe le problème ? Est-ce en nous ? Est-ce dans notre système ? Est-ce dans notre entourage ou bien dans notre destin ?
La particularité de la société libanaise réside dans son pluralisme et sa diversification. Cela constitue un réel avantage si le pays est bien administré. Nos ancêtres ont établi la base du vivre ensemble autour du respect et du droit de chacun à une vision politique propre. Tout cela a bien réussi jusqu’à ce que nous soyons étouffés par les tribulations politiques de la région et la guerre des autres sur notre territoire.
Quant à l’Accord de Taëf, devenu partie prenante de la nouvelle constitution, il présente des forces et des faiblesses qui apparaissent à chaque nouvelle échéance.
Aujourd’hui, le Liban est face à une crise sans précédent. Des décennies d’accumulation d’erreurs ont fini par exploser et ce dans tous les domaines, politiques, économiques, financiers, sociaux… L’heure n’est-elle pas arrivée de chercher une nouvelle formule ou un nouvel accord ?
La jeunesse libanaise appelle au changement. Les voix résonnent partout, appelant à un changement de régime, ne devrions-nous pas les écouter ?
Ces jeunes sont le Liban à venir, et pour eux et pour leur avenir, je dis que oui, le moment est venu !
Le pluralisme est une source de richesse au niveau des valeurs humaines et culturelles. C’est ce qui a fait du Liban un pays message et une terre de rencontre et de dialogue. Pouvons-nous permettre à ce pluralisme de se transformer en dynamique de séparation et de division ? Le système confessionnel actuel basé sur des quotas entre les différentes communautés fut valable pour un temps, mais aujourd’hui il est devenu un obstacle à tout développement et à toute relance du pays, à toute réforme et à toute lutte contre la corruption. Il est même générateur de conflits, d’incitation et de division qu’utilisent tous ceux qui veulent porter atteinte au Liban.
Oui, il est à présent nécessaire de développer le régime du pays, de l’amender, de le changer… Appelez cela comme vous l’entendez. Une certitude, le Liban a besoin d’un nouveau système de gérance, basé sur la citoyenneté et la laïcité de l’État.
Transformer le Liban confessionnel en État laïque moderne, l’État du citoyen et de la citoyenneté, signifie le sortir des héritages haineux du sectarisme et de leurs contrecoups. Le débarrasser des protectorats, des lignes rouges et des quotas qui paralysent toute volonté constructive et mettent fin à toute démarche réformatrice.
Le Liban et les Libanais méritent, après toutes ces années de souffrances, un État dans lequel la compétence est la norme, et la loi le garant de l’égalité des droits. L’affiliation sera ainsi envers la patrie et non les chefs confessionnels.
Cet État est la revendication du peuple, les jeunes le réclament sur toutes les places publiques. Les volontés politiques vont elles y répondre et réussir à mettre en place sérieusement les mécanismes nécessaires pour y parvenir ?
Chers Libanais
Pour que le premier septembre 2020 complète le premier septembre de 1920, et parce que je suis convaincu que seul un État laïc est capable de protéger le pluralisme, de le préserver en le transformant en unité réelle, je demande que le Liban soit déclaré État laïc.
Je m’engage à appeler au dialogue les autorités spirituelles et les dirigeants politiques afin d’arriver à une formule acceptable par tous et pouvant être mise en place à travers des amendements constitutionnels appropriés.
Mes chers compatriotes
Le Liban est notre terre, notre pays et quels que soient les difficultés rien ne nous séparera. Le Liban restera de centenaire en centenaire la patrie de tous les Libanais et le pays du cèdre éternel.
Vive le Liban
Source: ANI