En janvier 2016, nous avons assisté au retrait partiel des sanctions imposées à la République islamique d’Iran. Il est à noter que leur mise en place était liée au programme nucléaire iranien qui inquiétait les États-Unis et leurs alliés. Les pays occidentaux ont donc été les maîtres d’œuvre de ces sanctions visant à exercer des pressions sur l’Iran, depuis les années 1970. En juillet 2015, après de longues négociations, un compromis a été atteint: l’Iran et le groupe des six (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, la Grande-Bretagne, la Chine, la Russie, les États-Unis et la France) ont signé un accord établissant un retrait progressif de toutes les sanctions. Dans le cadre de cet accord, l’Iran autoriserait l’accès à ses installations nucléaires aux experts de l’AIEA, afin qu’ils puissent s’assurer que l’énergie nucléaire n’est utilisée qu’à des fins pacifiques. L’accord a été rapidement qualifié de percée diplomatique et on a cru que cela mettrait fin à la tension croissante dans la région. Toutefois, à la fin de 2016, la situation a recommencé à se détériorer.
Tout d’abord, tout s’est déroulé comme prévu. En janvier 2016, les Nations Unies et l’Union Européenne ont levé le régime de sanctions contre l’Iran, alors que l’embargo commercial américain et les restrictions imposées aux citoyens américains voyageant à Téhéran sont restés en place. Néanmoins, l’Iran a commencé à rapidement rétablir ses anciens liens politiques et économiques.
En août 2016, les États-Unis ont accusé Téhéran de soutenir secrètement les rebelles au Yémen, en leur fournissant des systèmes de missiles modernes. Selon Washington, cette action menace la stabilité d’une région entière. À ce moment-là, la Maison Blanche a annoncé qu’elle envisageait la possibilité d’introduire de nouvelles sanctions contre l’Iran.
Puis, le 3 septembre, un nouveau scandale a éclaté, quand il a été établi que Washington avait envoyé 400 millions de dollars à Téhéran, en espèces, le jour même où un certain nombre de prisonniers américains étaient libérés des prisons iraniennes. À ce moment-là, Washington fut accusé de violer le principe américain de ne jamais payer de rançon pour les otages. En retour, le président Barack Obama a déclaré que cette somme avait été transférée à l’Iran dans le cadre de la dette que les États-Unis ont été forcés de payer en raison de la décision du Tribunal de La Haye. Néanmoins, le 23 septembre 2016, le Congrès des États-Unis a adopté un projet de loi interdisant au gouvernement des États-Unis d’effectuer des transferts en espèces aux États soupçonnés de parrainer le terrorisme.
Le 3 novembre 2016, les États-Unis ont prolongé pour une autre année le régime de sanctions contre l’Iran adopté en 1979. Selon le président américain Barack Obama, la décision a été prise parce que les tensions dans les relations entre les États-Unis et l’Iran n’avaient pas été complètement éliminées. Alors qu’il n’y a pas de restrictions supplémentaires imposées à l’Iran par les États-Unis, l’Iran semble assez préoccupé par cette évolution. Le 10 novembre 2016, le ministre des Affaires étrangères de la République islamique d’Iran, Mohammad Zarif, a annoncé que Téhéran s’attendait à ce que toutes les parties signataires de l’accord de 2015 s’acquittent de leurs obligations. Sinon, a-t-il averti, l’Iran utilisera d’autres voies.
Cette évolution a abouti à ce que le Congrès des États-Unis adopte, le 17 novembre, un projet de loi sur l’extension de certaines sanctions contre l’Iran pour encore 10 ans. Selon les accords précédents, ces sanctions devaient cesser d’être appliquées d’ici fin 2016. Cet événement peut être qualifié de menace sérieuse pour tout l’accord nucléaire de 2015 et c’est peut-être la raison pour laquelle le président américain Barack Obama a critiqué ce projet de loi, qui n’entrera en vigueur que s’il est approuvé au Sénat. Si c’est le cas, il y a encore une possibilité que le président en exercice exerce son droit de veto.
Ces développements révèlent la lutte, à Washington, entre les forces qui soutiennent la coopération avec l’Iran et celles qui veulent introduire de nouvelles sanctions. Une chose peut être affirmée avec certitude : l’avenir de la relation entre l’Iran et les États-Unis reste flou et incertain. Dans ces conditions, il serait préférable pour l’Iran d’obtenir une sorte d’assurance qui lui permette de protéger son économie, si Washington décide de continuer à s’en prendre à Téhéran.
L’un des moyens pour les autorités iraniennes de se sentir plus en sécurité est l’expansion de la coopération avec les pays qui rejettent les sanctions américaines. Parmi ces États, on peut trouver la Chine, un partenaire fiable et de longue date de l’Iran.
Comme vous le savez, l’Iran a d’énormes réserves de pétrole et de gaz, et il est vital pour Téhéran d’assurer ses exportations pour soutenir son économie, alors que les importations d’hydrocarbures sont cruciales pour la croissance économique de la Chine. Parallèlement, la Chine est en désaccord avec les États-Unis depuis une longue période et l’économie chinoise est maintenant assez puissante pour ne pas être soumise aux possibles pressions américaines.
Pendant des décennies, les sanctions contre l’Iran ont porté atteinte à ses exportations d’hydrocarbures vers la région Asie-Pacifique, puisque des États comme l’Inde, la Corée du Sud et le Japon ne pouvaient pas ignorer le régime des sanctions. Par contre, Pékin a continué à honorer ses contrats commerciaux avec Téhéran, en dépit des pressions que les acteurs occidentaux ont essayé de lui faire subir. La Chine a été la raison pour laquelle l’économie iranienne a pu survivre à ces temps difficiles.
Donc la visite, en janvier 2016, du président chinois Xi Jinping à l’Iran ne fut pas une surprise. Au cours de son séjour, les deux pays ont signé un total de 18 accords de coopération, portant le chiffre d’affaires du commerce entre l’Iran et la Chine à 40 milliards de dollars par an. Il est prévu que les 25 prochaines années de coopération sino-iranienne hissent le chiffre d’affaires du commerce entre les deux États au stupéfiant niveau de 600 milliards de dollars. Il est tout à fait naturel que les deux États portent une attention spéciale au développement du commerce pétrolier et gazier. Aujourd’hui, la Chine est le premier importateur de pétrole iranien.
Un autre élément important de la coopération Iran-Chine est la mise en œuvre du projet de Nouvelle Route de la Soie qui reliera la Chine, le Moyen-Orient et l’Europe, transformant finalement tout le territoire en une immense zone commerciale eurasienne. Si le projet est pleinement mis en œuvre, l’influence économique des États-Unis dans la région sera totalement négligeable, et des États comme l’Iran pourront tout simplement ignorer les sanctions imposées par l’Occident à son encontre. En février 2016, Beijing a lancé la construction de la route ferroviaire Chine–Kazakhstan–Turkménistan–Iran, permettant à l’Iran d’établir une route commerciale ininterrompue avec la Chine, mais elle pourra aussi tirer profit de l’expédition de marchandises vers l’Arménie.
Ainsi, nous pouvons supposer que peu importe la décision de Washington au sujet des sanctions contre l’Iran, elles n’auront plus de conséquences graves pour ce pays.
Dmitry Bokarev
Source : le Saker Francophone