L’ex-ministre libanais et responsable du Hezbollah Mahmoud Kmati a déclaré que l’initiative internationale pour le Liban devrait jouer le rôle de parrain et non imposer une tutelle sur les Libanais.
M. Kmati faisait allusion à l’initiative conduite par le président français Emmanuel Macron pour aider le Liban à sortir de la pire crise économique qu’il traverse dans son histoire.
« Certains voudraient former un gouvernement d’une seule couleur politique et d’une seule orientation économique », a-t-il regretté.
Ces propos font allusion aux efforts de l’ex-Premier ministre Saad Hariri qui a entamé des tractations avec les différentes forces politiques libanaises, pour scruter les réactions à sa proposition de diriger le prochain gouvernement libanais. Sachant qu’il n’a pas encore été nommé.
La semaine passée, M. Hariri a fait savoir lors d’un entretien télévisé qu’il était disposé à le faire à condition de nommer des ministres technocrates apolitiques. Ce qui est contesté par d’importantes forces politiques dont le tandem chiite Hezbollah-Amal qui préfère des ministres technocrates et politiques et qui insiste pour garder le ministère des Finances.
« Nous en tant que majorité parlementaire avons fait preuve de modestie avec l’initiative française en faveur de la minorité pour sauver le pays », a spécifié M. Kmati. Insistant que la démocratie est le respect des résultats des élections et non le renversement de la majorité parlementaire.
« Nous voulons nous assurer vers où les choses vont aller », a-t-il conclu.
Amal: des experts mais pas forcément indépendants
Même position de la part du député du bloc parlementaire du mouvement Amal, Qassem Hachem selon lequel l’initiative française insiste surtout sur un gouvernement de mission qui devrait s’engager dans les réformes et (assurer) les facteurs de salut du pays
« Elle n’a pas précisé ses caractéristiques, et s’est contenté de signaler qu’il devrait être formé d’experts. Mais pas nécessairement des indépendants », a-t-il souligné.
Le lundi 12 octobre, à l’issue d’une rencontre avec chef de la Chambre Nabih Herri, M. Hariri a indiqué qu’elle a été très positive.
« Le président Berri était très positif quant aux réformes et à la feuille économique ce qui est rassurant pour moi », a-t-il déclaré.
Le samedi 10 octobre, à l’issue de sa rencontre avec le chef de l’Etat Michel Aoun, il avait rapporté lui avoir fait part qu’il allait envoyer une délégation en vue de rencontrer les blocs parlementaires pour s’assurer qu’ils s’engageront sur la voie de l’initiative française.
« L’initiative française est notre seule chance pour stopper l’effondrement et reconstruire Beyrouth ».
Le mois d’aoùt dernier, une explosion au nitrate d’ammonium qui y était stocké en grandes quantités a détruit le port de Beyrouth, tué près de 200 personnes, en blessant 6.000, et détruisant quelques vieux quartiers de la capitale.
Et Hariri d’ajouter : « je mise sur la sagesse des forces politiques et sur leur réalisme avec cette dernière chance ».
« Vas-tu apporter des anges au gouvernement? »
Or, la réaction la plus critique à la proposition de Hariri est venue de son ex-allié Walid Joumblatt qui a refusé d’accueillir sa délégation. Dans une interview avec une télévision locale, le chef du Parti socialiste progressiste lui a reproché de s’être nommé lui-même pour la présidence du gouvernement, ce qui constitue « un renversement des rôles et une violation des accords de Taëf ».
« Ce n’est pas comme ça qu’on se comporte avec Walid Joumblatt », a-t-il taclé.
Il a aussi décrié sa proposition d’un gouvernement de technocrates apolitiques.
« Toi cheikh Saad tu es un politique. Demain vas-tu apporter des anges au gouvernement ? Et le mouvement Amal, va-t-il apporter des astronautes au gouvernement ? », a-t-il répliqué avec ironie.
Depuis le mois d’octobre 2019, le Liban est confronté à des difficultés économiques dont Hariri et son clan assument une bonne partie de responsabilité, pour la simple raison qu’ils ont dirigé la plupart des gouvernements depuis la fin de la guerre civile.
En adoptant entre autre une économie rentière adoublée d’un endettement exessif, ils ont fait crouler le pays sous une dette avoisinant les 92 milliards de dollars, soit plus de 150% du PIB. En mars, l’Etat qui devait rembourser 1,2 milliard de dollars d’eurobonds -des obligations émises en dollars- arrivant à échéance a fait défaut.
La livre libanaise connait une forte dépréciation ces derniers mois face au dollar, même si officiellement le taux de change reste inchangé. Elle s’échange ces derniers jours aux alentours de 8.000.
Le gouverneur de la Banque centrale Riyad Salamé est lui aussi farouchement critiqué pour ses politiques financières qui ont favorisé l’endettement excessif de l’Etat, au profit des politiciens et des banques.
Les banques ont elles provoqué l’ire de la population après avoir imposé des restrictions draconiennes sur les retraits en dollars ou les transferts à l’étranger face à la pénurie de billets verts.
Source: Divers