Dans une tribune publiée par la revue Foreign Policy, l’ex-conseiller à la Sécurité nationale du Président américain, John Bolton, commente la décision de Donald Trump de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, en contrepartie d’un accord de paix entre le royaume chérifien et ‘Israël’.
Selon lui, Trump, qui ignore «l’existence du Sahara occidental», a non seulement sapé 30 ans de diplomatie américaine en faveur de la paix dans cette région, mais a même «mis en danger les intérêts vitaux des États-Unis» au sein de l’Otan.
Trump ignore-t-il la géographie?
Se présentant en fin connaisseur du dossier du Sahara occidental et défenseur de l’organisation d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, notamment lorsqu’il était ambassadeur permanent des États-Unis au conseil de sécurité de l’Onu (2005-2006), John Bolton rapporte une discussion tenue dans le bureau ovale. Celle-ci a eu lieu entre Donald Trump et le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Mountain Inhofe, président de la commission des Forces armées au Sénat et attaché à la cause sahraouie.
«J’étais présent à cette réunion tenue dans le bureau ovale le 1er mai 2019, lorsque le sénateur de l’Oklahoma a tenté d’expliquer les raisons de son soutien à un référendum [d’autodétermination au Sahara occidental, NDLR]», écrit M.Bolton. «Trump avait affirmé qu’il n’avait jamais entendu parler du Sahara occidental, et Inhofe a rétorqué: « Oh, nous en avons déjà parlé, mais vous n’avez pas écouté »».
Et d’ajouter que «James Inhofe avait parfaitement raison lorsqu’il a déclaré dans un discours le 11 décembre au Sénat que Trump « aurait pu conclure cet accord [de paix israélo-marocain, NDLR] sans sacrifier les droits de ce peuple sans voix [du Sahara occidental, NDLR] »».
«Le Maroc a longtemps envisagé de reconnaître Israël»
Pour étayer son propos, l’ancien conseiller à la Sécurité nationale explique que «les relations chaleureuses mais non officielles entre Israël et le Maroc ne sont pas nouvelles».
«Le Maroc a longtemps envisagé de reconnaître Israël, et feu le roi Hassan II a poursuivi agressivement cette politique au cours des années 1990». «Depuis, les contacts secrets israélo-marocains sont monnaie courante».
Ainsi, l’ancien ambassadeur à l’Onu estime qu’«il est parfaitement approprié pour une nation de modifier ses responsabilités internationales à la lumière de l’évolution des circonstances liées à sa sécurité nationale». «Cependant, rien ne justifie le fait de détruire gratuitement un engagement [diplomatique de 30 ans, NDLR], sans consultation, simplement pour conclure un prétendu accord de normalisation dans un contexte complètement différent».
Et de déplorer que «malheureusement, les Sahraouis ne soient pas les seuls à subir ce genre d’agression de la part de Donald Trump». Avec son attitude d’homme d’affaires qui pense que tout peut faire l’objet d’une transaction commerciale, «Trump a mis en danger même les intérêts des États-Unis, notamment au sein de l’Otan».
Que devrait faire Joe Biden?
Évoquant la situation explosive dans la région suite à l’intervention le 13 novembre de l’armée marocaine au passage frontalier de Guerguerat, situé dans la zone tampon démilitarisée du sud du Sahara occidental, John Bolton regrette le fait que «pour prendre sa décision irréfléchie, Trump n’ait consulté personne». «Ni le Front Polisario, ni l’Algérie et la Mauritanie, les deux pays voisins les plus concernés [en cas d’embrasement de la région, NDLR], ni personne d’autre».
Tout en rappelant que le Maroc, aidé par la France et d’autres alliés au conseil de sécurité, «a passé près de trois décennies à empêcher le référendum d’autodétermination du peuple sahraoui d’avoir lieu», M.Bolton avertit que «le Polisario est à un moment crucial». «Il serait pleinement justifié s’il choisissait de retourner sur le champ de bataille».
En conclusion, il estime qu’une fois investi de ses fonctions de Président des États-Unis le 20 janvier prochain, «Joe Biden devrait annuler la décision de Trump concernant la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental». «Cela ne sera pas facile, étant donné les attentes, si erronées soient-elles, déjà envisagées au Maroc et en Israël», conclut-il.
Source: Avec Sputnik