Plus de 400 eurodéputés ont signé un appel à la fin de la colonisation israélienne des territoires palestiniens. Principalement de gauche, les signataires sont eux-mêmes divisés sur la question. Compte tenu des pressions américaines et de l’impunité dont jouit « Israël », cet appel semble mort-né, estime Alex Issa, chercheur à Science po Paris.
Quelques 442 parlementaires européens ont décidé de remettre la question palestinienne au cœur du débat public. À la suite d’un appel lancé par quatre anciens responsables politiques israéliens, les parlementaires ont signé une lettre, lundi 1er mars, appelant à la mobilisation contre la colonisation des Territoires palestiniens occupés.
Ils y écrivent notamment que «Les développements sur le terrain tendent clairement vers une réalité d’annexion de facto progressant rapidement, surtout avec l’expansion des colonies et les démolitions des structures palestiniennes.»
Auprès des Arabes, la question palestinienne est devenue secondaire, si ce n’est à l’abandon. Or, «le début de la présidence Biden fournit une opportunité indispensable pour agir», estiment les eurodéputés. Indépendamment de leurs divisions, la cause palestinienne reste une problématique cruciale pour la gauche européenne, estime Alex Issa, docteur en science politique et enseignant à Sciences Po Paris.
«Une partie de la gauche européenne défend les droits des Palestiniens, soit par réelle conviction, soit par idéologie des droits de l’homme. Aujourd’hui, c’est à la mode de parler des droits de l’homme et donc de critiquer tout État qui les viole,» résume le chercheur.
En effet, les opérations israéliennes soulèvent régulièrement des vagues de critiques, pleinement justifiées, estiment les eurodéputés signataires. Dans cet appel, ces derniers avancent que «l’année dernière a enregistré le plus grand nombre de démolitions de maisons et structures palestiniennes en quatre ans.» Selon le bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 849 structures palestiniennes ont été démolies ou saisies par « Israël » en Cisjordanie, dont 175 à Jérusalem-Est en 2020. Mais Tel-Aviv peut dormir tranquille, les critiques à son égard sont restées uniquement verbales, et au sein même de ces signataires, les divisions demeurent.
La Palestine, un enjeu électoral en Europe?
Parmi les signataires figure le député britannique Jeremy Corbyn, ancien chef du parti travailliste. Du côté des soutiens français à cette initiative se côtoient le patron de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, le socialiste Olivier Faure, l’écologiste Yannick Jadot et Raphaël Glucksmann, tête de liste Place publique-PS aux dernières Européennes. Gwendal Rouillard et les LREM Marie Tamarelle Verhaeghe figurent aussi parmi les signataires, complétant le spectre de la gauche française. Une unité de façade qui cache mal les divergences de vues au sein même des partis de gauche sur la question palestinienne, explique le chercheur au micro de Sputnik.
«La gauche européenne n’est pas unie dans sa politique. Une partie importante soutient la cause palestinienne pour une question relative aux droits de l’homme et au vu des atrocités commises par Israël, une autre partie le fait pour une raison électorale et une troisième partie demeure pro-israélienne.»
Pour certains partis de gauche, cette cause est en effet une manne électorale: pour des raisons ethniques et culturelles évidentes, les populations arabo-musulmanes restent profondément attachées à la Palestine. Mais pour la plupart des progressistes, les questions relatives aux droits de l’homme deviennent peu à peu la pierre angulaire en termes de politique étrangère. À l’instar de celle des minorités kurdes ou ouïghoures, la cause palestinienne est instrumentalisée et instrumentalisable.
«Les uns partagent des revendications réellement propalestiniennes comme les partis communistes européens, les autres défendent le droit des Palestiniens tout en restant pro-israéliens: il s’agit essentiellement des partis socialistes traditionnels», nous rappelle Alex Issa.
Or, la gauche peine à s’unir sur cette question: elle est en cela à l’image de l’Union européenne, qui ne réussit que rarement à se mettre d’accord pour adopter des actions concrètes… et sans grande portée.
L’éternel veto américain
L’Union européenne n’a donc pas de politique «claire et concise» sur la question palestinienne, déplore l’enseignant à Sciences Po Paris. Sur un sujet si sensible et si clivant, comment se mettre d’accord à 27?
«Des pays comme la République tchèque, la Hongrie ou la Pologne sont connus pour leur politique pro-israélienne, d’autres comme la France et l’Allemagne adoptent une politique plus équilibrée.»
Alex Issa tient tout de même à rappeler qu’en dépit de la bonne volonté de cet appel, rien ne verra le jour s’il n’est pas accompagné par d’actions pratiques, «à l’instar de sanctions, d’actions diplomatiques plus fermes». Mais pour l’heure, toute initiative pour la Palestine risque de s’échouer sur le rocher du veto américain. Biden changera-t-il la donne, comme l’espèrent les eurodéputés signataires?
Source: Sputnik