Début mars, à l’initiative de la Maison blanche, les États-Unis ont publié le « Guide stratégique intérimaire de la sécurité nationale » (Interim National Security Strategic Guidance).
Le général à la retraire Thomas Spoehr, directeur du Centre pour la Défense nationale de la Fondation Heritage, a pointé les divergences survenues quant à ce document, mais ces contradictions ne gênent pas le commandement militaro-politique américain. Il stipule notamment que les États-Unis réduisent le rôle de l’arme nucléaire dans leur système de sécurité, alors que le chef du Pentagone Lloyd Austin a déclaré au congrès : « La dissuasion nucléaire est l’une des priorités de la mission du Département de la Défense ». Une autre contradiction est mise en évidence par les déclarations que les États-Unis éviteront des « guerres éternelles » en parallèle avec des frappes contre des sites en Syrie.
Les menaces principales pour les États-Unis en matière de sécurité nationale ne changent pas par rapport à la présidence de Donald Trump: c’est la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran. Sachant que l’administration Biden revient à la promotion des « valeurs démocratiques » à travers le monde, et cela ne signifie rien d’autre qu’une ingérence dans les affaires d’autres pays sous tout prétexte.
Le nouveau « Guide stratégique intérimaire de la sécurité nationale » met l’accent sur l’Europe, l’hémisphère Ouest et la région Indo-Pacifique, en qualifiant de partenaires le Royaume-Uni, le Canada, le Mexique, l’Inde, le Vietnam, Singapour, la Nouvelle-Zélande et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). Une grande partie du document est consacrée aux nouvelles technologies, notamment au cyberespace et à la 5G.
Ce nouveau Guide n’est pas le seul document doctrinal du Pentagone publié ces dernières semaines. Le 16 mars a été publiée la nouvelle stratégie de l’armée américaine « Army Multi-Domain Transformation. Ready to Win in Competition and Conflict », qui prévoit un élargissement de la présence de l’armée de terre américaine sur toute la planète. Il est précisé que « l’armée pourrait jouer un rôle immense dans le soutien des objectifs interministériels des États-Unis dans le cadre de l’approche générale de l’État ». Ce principe de la « puissance douce à l’intérieure de la puissance dure » est utilisé depuis longtemps par les militaires américains.
Le général James McConville qui commande l’armée américaine a déclaré que les méthodes de guerre non militaires sont très sollicitées à l’heure actuelle. « Nous assistons à une bataille mondiale pour les cœurs et les esprits de différents publics dans différents pays. C’est une bataille pour raconter l’histoire de l’Amérique et embellir sa réputation, tandis que les adversaires tentent de ternir et de désinformer », a déclaré le général.
Il est prévu d’engager des actions asymétriques avec un accent sur l’image des États-Unis en tant que défenseur de la démocratie. « Dans la mesure où les valeurs et les systèmes démocratiques placent les États-Unis dans une position défavorable… ils font aussi des États-Unis un partenaires plus attractif ».
Aux audiences au sénat américain, le 25 mars 2021, le sous-secrétaire à la Défense aux opérations spéciales et conflits de basse intensité Christopher Maier a déclaré que « les forces des opérations spéciales ont progressé dans l’adaptation de leurs capacités aux défis des grandes puissances, de la Chine et de la Russie ».
Le général Richard Clarke, commandant des forces des opérations spéciales des États-Unis, a précisé que 5 000 hommes des forces spéciales se trouvaient dans 62 pays.
Cela sous-entend que dans la future confrontation avec la Chine et la Russie que les forces des opérations spéciales des États-Unis joueront un rôle central, avec notamment « l’organisation d’opérations psychologiques, l’implication active de citoyens étrangers dans la confrontation et la lutte contre la propagande hostile et la désinformation ». Cela signifie que les législateurs américains ont donné le feu vert pour l’expansion des opérations secrètes à l’étranger. Alors que « la lutte contre la propagande » signifie un éventail d’opérations de l’information, allant de la discréditation de la Russie sur la scène internationale au déploiement de bots et de trolls sur les réseaux sociaux.
Par Alexandre Lemoine.
Source : Observateur continental