Le bras de fer se poursuit. Malgré l’interdiction de la manifestation en soutien au peuple palestinien prévue samedi à Paris, confirmée vendredi 14 mai par le tribunal administratif, les organisateurs de la manifestation propalestinienne maintiennent leur appel à manifester, refusant de « taire (leur) solidarité avec les Palestiniens ».
« Parce que nous refusons de taire notre solidarité avec les Palestiniens, et que l’on ne nous empêchera pas de manifester, nous serons présents (au métro) Barbès demain (samedi) à 15 h », a affirmé l’Association des Palestiniens en Ile-de-France, dans un communiqué signé également par Attac, l’Action Antifasciste Paris-Banlieue, le Nouveau Parti Anticapitaliste ou le Parti des Indigènes de la République.
Plusieurs rassemblements et défilés auront également lieu en régions.
Les avocats de l’Association des Palestiniens en Île-de-France – organisatrice de la manifestation dans la capitale – ont affirmé vendredi soir que leur recours en référé-liberté contre l’interdiction de manifester avait été rejeté par le tribunal administratif.
« La France est le seul pays démocratique à interdire ces manifestations », ont réagi auprès de l’AFP Me Sefen Guez Guez, Me Dominique Cochain et Me Ouadie Elhamamouchi, en annonçant faire « appel devant le Conseil d’État de ce rejet ».
« Le recours contre l’arrêté pris par le préfet de Police a été rejeté par le tribunal administratif. La manifestation prévue demain est donc interdite », a commenté la préfecture de police de Paris sur Twitter, rappelant que « participer à une manifestation interdite fait l’objet d’une verbalisation à hauteur de 135 euros ».
« Un risque sérieux » de « troubles graves à l’ordre public »
Contrairement à l’habitude, le recours au tribunal administratif n’a pas été examiné en audience publique, le tribunal ayant invoqué une ordonnance permettant de statuer sans, en raison de l’état d’urgence sanitaire, avaient indiqué les avocats.
L’interdiction de manifester avait été prise jeudi soir par le préfet de police de Paris, Didier Lallement, à la demande du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en raison de risques de « troubles à l’ordre public ».
Pour motiver l’interdiction, le préfet Lallement a pointé « un risque sérieux » de « troubles graves à l’ordre public », ainsi que d' »exactions contre des synagogues et intérêts israéliens ». Et mis en avant, comme Gérald Darmanin, le précédent de 2014, lorsqu’une manifestation pro-palestinienne à Paris avait dégénéré en violences urbaines.
« Depuis 2014, il y a eu plein de manifestations de défense de la cause palestinienne qui se sont déroulées sans aucun problème », répond Me Guez Guez.
L’Association des Palestiniens en Ile-de-France avait « condamné cette interdiction » jeudi, l’un de ses responsables, Walid Atallah, dénonçant la « complicité de la France avec l’État d’Israël ».
« La France garantit les libertés d’expression et de manifester, et la Palestine ne doit pas être une exception », a-t-il dit. « Un peuple reçoit des bombes sur la tête, des dizaines de civils sont tués, et on n’aurait pas le droit de dire qu’on n’est pas d’accord ? »
Des manifestations autorisées dans plusieurs villes de France
La manifestation était, au départ, prévue pour commémorer la Nakba, l’exode de centaines de milliers de Palestiniens à la création de l’entite sioniste en 1948. Avant que la flambée de violences en Israël et dans la bande de Gaza ces derniers jours ne vienne dessiner la perspective d’un rassemblement important.
Les organisateurs comptaient notamment y dénoncer la position de la France, jugée trop favorable à Israël, et lui demander de « condamner plus fermement les bombardements qui tuent des civils à Gaza », selon Walid Atallah.
Gérald Darmanin a demandé aux préfets de suivre de près les rassemblements de soutien au peuple palestinien prévus dans d’autres villes et d’assurer la protection des lieux fréquentés par la communauté juive.
Pour samedi, certaines manifestations ont été interdites, comme à Nice ou Strasbourg. En revanche, des rassemblements – statiques – ou des manifestations sont autorisés, à Lyon, Bordeaux, Montpellier, Marseille, Nantes, Rennes, Toulouse, Lille, Metz ou encore Saint-Étienne.
Division de la classe politique
L’affaire divise la classe politique, entre soutiens de la demande du gouvernement – essentiellement dans la majorité, à droite et à l’extrême droite – et ceux qui dénoncent une interdiction « inacceptable », menés par La France insoumise (LFI).
L’ancien Premier ministre Manuel Valls, qui a apporté cette semaine son soutien à ‘Israël’, a approuvé sur LCI une « décision grave mais justifiée ».
Le député LREM de Paris, Sylvain Maillard, l’a jugée « dure », « mais nécessaire pour préserver l’ordre public ».
La maire PS de Paris, Anne Hidalgo, a jugé « sage » la décision du gouvernement. « Je crains des violences puisqu’en 2014, nous avons tous gardé le souvenir d’une manifestation extrêmement difficile où des propos terribles comme ‘mort aux Juifs’ ont été proférés », a déclaré Anne Hidalgo à l’AFP.
« Il est hors de question d’importer sur notre sol » le conflit israélo-palestinien, a estimé sur BFMTV le numéro deux de LR, Guillaume Peltier. « Il vaut mieux qu’il n’y ait pas de manifestations », notamment pour éviter des « provocations antisémites », a abondé sur CNews le porte-parole du RN, Sébastien Chenu.
Pour le député LFI de Seine-Saint-Denis, Éric Coquerel, « c’est un conflit géopolitique, le problème, c’est un peuple colonisé qui a sa capitale occupée contre toutes les résolutions de l’ONU ».
Sources: AFP, France24