Dans mes cauchemars d’été, je vois un peloton de soldats de Tsahal, excités par une montée d’adrénaline, prendre d’assaut la banque des semences, mise en place par l’Union des comités des agricultrices palestiniennes.
Sous mes yeux, je les regarde écraser et disperser les graines des plantations traditionelles alors qu’elles devaient être distribuées aux agriculteurs, peu avant leur arrivée. Ils ont fouillé dans le congélateur dans lequel ces graines étaient stockées pour les soixante-dix prochaines années.
Je les regarde détruire le matériel du laboratoire et écraser des cactus en pot dans le couloir. Ce qu’ils ne détruisent pas, ils le volent, c’est-à-dire qu’ils le confisquent dans le jargon de l’armée israélienne.
Ce cauchemar est la conséquence de la décision du ministre de la Défense Benny Gantz de qualifier de terroristes, les six ONG palestiniennes, dont l’Union des comités agricoles . Avant cette décision, l’armée a pris d’assaut les bureaux de ces organisations, a volé des ordinateurs et des documents, et a fermé le bureau principal de l’Union des comités agricoles pendant six mois.
Cette expérience difficile qui perdure depuis des dizaines d’années indique que des soldats ignorants sont endoctrinés avec de fausses notions sur la société palestinienne et sont prêts à détruire en une heure ou deux un travail de longue haleine de dizaines d’organisations et des connaissances accumulées par des agriculteurs qui ont coopéré avec elles.
Nos soldats sont programmés pour jeter à la poubelle des centaines d’années de patrimoine agricole sans aucun problème, sinon des milliers d’années, que les comités agricoles palestiniens s’efforcent de sauver de l’extinction.
La banque de semences est l’un des projets de luxe de cette modeste ONG palestinienne créée dans les années 1980. Les employés du comité agricole trouvent des agriculteurs qui cultivent encore des cultures traditionnelles. Ils récoltent et développent ces semences par des moyens naturels, augmentent leur quantité et les distribuent ou vendent des semences et des plantse à d’autres agriculteurs à un prix symbolique, à condition qu’ils apportent à la fin de chaque saison une poignée de nouvelles semences municipales, et cela en permanence.
L’histoire a commencé par hasard, au début des années 2000 avec « la période difficile des incursions militaires, des bouclages serrés et de la pauvreté », selon le directeur du syndicat, Fouad Abu Seif.
« Nous avons remarqué que les petites parcelles agricoles qui produisaient des récoltes il y a un an ou deux ne sont pas plantées. Au fil des ans, les agriculteurs ont acheté des semences à des sociétés commerciales (Israël ou sociétés palestiniennes intermédiaires). Lors de l’achat de sesmences, ils ont promis d’acheter de nouvelles semences à ces entreprises chaque année. Ils ont découvert que les graines produites ne donnent pas une bonne récolte. En raison des incursions de l’armée, ils n’ont pas pu acheter de nouvelles semences. Les semences traditionnelles dites ancestrales, dont l’extraction et la conservation exige un processus long et coûteux, n’étaient pas disponibles. Les comités de l’Union des agricultrices se sont portés volontaires pour la mission et ont depuis développé et élargi le projet de banque des semences.
Les graines traditionnelles sont des graines « ouvertes », dont le vent et les abeilles s’occupent dans le processus de pollinisation. Les semences achetées aux producteurs agricoles sont des semences « hybrides », produites par croisement contrôlé par l’homme pour améliorer leur résistance. Comme l’écrivait Ronit Vardi en mai 2015, « le croisement produit une masse génétique instable. Rien ne garantit que les caractéristiques de la première génération seront transférées à la deuxième génération. Le recours aux grandes entreprises semencières a créé une production standardisée, et le goût est le dernier critère de sa culture, et a conduit à la disparition de différents types de graines locales ».
Dans le monde, en « Israël », et dans les territoires palestiniens occupés par « Israël » en 1967, l’agriculture industrielle et les semences hybrides garantissent des gains et une production abondante, mais au prix d’un autre type de perte. « L’ancienne génération a planté des cultures municipales, et la génération actuelle ne sait pas ce que cela signifie », a déclaré Abu Seif.
« Lorsque nous avons commencé à rencontrer des agriculteurs pour trouver des semences traditionnelles, nous avons vu que l’intérêt se limitait aux personnes âgées, alors que les jeunes se divisent en deux catégories, soit ils ont quitté l’agriculture et sont allés faire du commerce, soit ils sont intéressés par des profits rapides. Il y a quelques années, la Fédération a commencé à donner des conférences dans les écoles. Nous avons senti qu’il y avait un changement. Les jeunes apprentis masculins voulaient en savoir plus même après la fin des cours. C’est étrange qu’ils n’aient pas de formation en agriculture, le savoir hérité n’a pas été transmis, principalement en agriculture » poursuit Abu Seif.
Outre le fait que les cultures traditionnelles produisent de nouvelles graines, la plupart d’entre elles n’ont pas besoin d’irrigation. Par conséquent, les cultures pluviales sont appropriées au réchauffement climatique et à la réalité selon laquelle « Israël » refuse l’eau aux Palestiniens. Contrairement aux semences hybrides qui doivent utiliser des engrais chimiques. Le compost (engrais organique) convient aux cultures traditionnelles et respecte l’environnement.
Le syndicat aide les agriculteurs à réhabiliter les terres qui n’ont pas été cultivées depuis un certain temps, et qui sont situées près du mur de séparation ou dans des zones victimes de la violence des colons (Israël a construit une route pour les colons qui a détruit 300 des 1 300 dunums que le syndicat a repris dans la région de Halhul). L’union réhabilite et construit des chaînes de pierres et aide à passer à une nouvelle culture plus rentable sur de petites parcelles et à commercialiser de l’huile d’olive de qualité à l’étranger. Elle fournit également des graines pour les plantes sauvages comme les glands. Le Laboratoire de la banque de semences est dirigé par de jeunes agronomes enthousiastes. Des milliers de Palestiniens qui possèdent de petits lopins de terre loués par l’union, et il offre des bourses aux étudiants, principalement des étudiantes, dont les recherches sont liées à la réhabilitation et au développement de l’agriculture traditionnelle.
Comment peut-on qualifier ce projet de terrorisme ? La société en « Israël » et la communauté internationale ne doivent pas permettre à Tsahal, au Shin Bet et au ministre de la Défense de détruire cet important projet humanitaire.
Source: Traduit à partir d'AlMayadeen