Si Julian Assange était un journaliste et éditeur chinois, il aurait reçu le prix Nobel, serait la pièce maîtresse de la Journée internationale des droits de l’homme célébrée ce 10 décembre, et cette semaine, son portrait aurait figuré en proue du sommet sur la démocratie du Président Joe Biden.
Le nom d’Assange aurait été le premier sur la liste du secrétaire d’État américain Antony Blinken de 350 journalistes menacés, publiée, sans ironie, le jour où son administration a cherché à extrader Assange pour qu’il soit incarcéré 175 ans dans une super-prison de très haute sécurité.
Si des crimes chinois [ou russes] plutôt que des crimes américains avaient été révélés par Assange, il serait désormais l’affiche de la campagne de boycott des Jeux olympiques d’hiver qui doivent se tenir à Pékin en février 2022.
Chaque bulletin d’information d’aujourd’hui commencerait en rappelant son triste sort, chaque presse encore tournante aurait déploré avec indignation l’écrasement de ce papillon supplicié sur la roue.
Pauvre Julian, si seulement il était né Chinois.
Son « crime », cependant, est d’avoir dénoncé, entre autres, les crimes de guerre des États-Unis en Irak, y compris des assassinats et plus de 15 000 morts non signalées de civils ; la torture d’hommes et de garçons âgés de 14 à 89 ans, à Guantanamo ; le fait que les États-Unis espionnent illégalement les secrétaires généraux de l’ONU et d’autres diplomates ; le coup d’État militaire initié par la CIA au Honduras en 2009 ; et la guerre secrète des États-Unis contre le Yémen au cours de laquelle des dizaines de milliers de personnes ont été tuées.
Dans toute sa splendeur à perruque, la Haute Cour de Londres vient de porter un coup mortel, non seulement aux fragments, aux lambeaux, de la justice britannique, mais ils ont assassiné le journalisme lui-même. Et, étant donné que le quatrième pouvoir, en théorie, est une sentinelle de la démocratie elle-même, ils ont tué le prétexte que le Royaume-Uni est même une démocratie. Pendant toute la semaine, ces « démocraties » auto-proclamées ont masturbé leur supériorité sur les autres.
L’affaire Assange aurait dû s’effondrer au premier obstacle, sans parler des dizaines d’obstacles surgis depuis. Au vu même du traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis, il est spécifiquement exclu qu’une personne puisse être extradée de l’un à l’autre pour faire face à des accusations politiques.
Ironiquement, c’était pour que les États-Unis puissent protéger la possibilité que des fugitifs irlandais républicains aux États-Unis soient extradés pour faire face à des accusations politiques en Grande-Bretagne. Aucun Président américain – même Obama – n’est sans un lointain ancêtre irlandais perdu depuis longtemps. Avec 30 millions de votes irlandais américains en jeu, aucun risque ne pouvait être pris avec des criminels politiques présumés.
Lorsque j’ai personnellement défié le ministre de l’Intérieur de l’époque, David Blunkett, qui a secrètement conclu le traité, sur la possibilité que de nouveaux Nelson Mandela soient envoyés pour faire face à des accusations politiques, il m’a personnellement assuré que rien de tel ne pourrait jamais arriver.
Des assurances désormais aussi élimées qu’une tapisserie médiévale de la Chambre des Lords.
Des violations flagrantes presque innombrables de la procédure régulière auraient dû tuer la moindre chance d’extradition d’Assange. Permettez-moi d’en souligner trois.
Une fois qu’il est apparu que le gouvernement américain avait enregistré secrètement sur vidéo chaque rencontre juridique entre Julian Assange et ses avocats compétents et éminents pendant plusieurs années, l’affaire aurait dû être rejetée par tout juge qui se respecte, dans n’importe quelle démocratie.
Une fois qu’il est apparu que le témoin clé contre Assange était un voleur islandais, un fraudeur et un menteur condamné pour pédophilie, qui admet en outre maintenant librement que son témoignage (sur lequel les accusations sont basées) était un paquet de mensonges, tout vrai juge se serait prononcé contre le gouvernement américain. .
Et une fois qu’il est apparu que le gouvernement américain avait élaboré des plans minutieux pour kidnapper Assange à Londres et, si nécessaire, l’assassiner devant Harrods dans les rues autour de l’ambassade équatorienne, la valeur de toute « assurance » américaine sur ce qui arriverait à Assange a touché le fond. On ne pouvait pas s’y fier. Et l’extradition ne pouvait pas être approuvée.
Cependant, les presses à imprimer ne roulent pas pour Assange, qui est tranquillement tué dans la prison de Belmarsh.
Les « journalistes » occidentaux, à la manière des hôtesses de l’air, payés grassement pour leurs compétences en lecture de prompteurs, se taisent sur son sort et sur le sort de leur « métier ». Ils savent que si cela arrive à Assange, cela pourrait leur arriver, mais, comme la flèche qui vole dans la nuit, ils ont eux-mêmes tué il y a longtemps cette possibilité. Il n’y aura pas de matin heureux et confiant pour eux. Seulement de la servitude et des pièces d’argent.
Et c’est ainsi que le mastodonte américain écrase une nouvelle fois la justice dans un quasi-silence. C’est ce qui se passe quand on broie un papillon en le suppliciant sur la roue. Personne ne peut l’entendre crier.
Par George Galloway a été membre du Parlement britannique pendant près de 30 ans. Il présente des émissions de télévision et de radio (y compris sur RT). C’est un cinéaste, écrivain et orateur de renom.
Sources : RT; traduction : le cri des peuples.