Le Président ukrainien Volodymyr Zelensky a ouvertement évoqué une possible acquisition de l’arme nucléaire par Kiev. Le 19 février, le chef d’État a déclaré qu’il voulait convoquer une rencontre des pays signataires du mémorandum de Budapest de 1994. Par cet accord, l’Ukraine avait renoncé à son arsenal nucléaire hérité de l’URSS, en échange des garanties de sécurité de Moscou, Londres et Washington. Si cette réunion ne pouvait se tenir, Kiev serait ainsi en droit de considérer que le mémorandum ne fonctionne pas, a affirmé le dirigeant ukrainien.
Une position qui amènerait mécaniquement à la sortie du traité de non-prolifération (TNP) et à la possibilité pour Kiev d’acquérir l’arme nucléaire. Sur le papier, la sortie est d’autant plus aisée que le mémorandum en question est non-contraignant : aucune condition ou sanction n’a été prévue pour irrespect de l’un ou plusieurs des points du document. Le cinquième et dernier article précise seulement que les États signataires s’engagent à se « consulter au cas où surviendrait une question concernant l’un ou l’autre des engagements » précités.
« Aggraver les tensions »
Alors que les tensions entre Kiev et Moscou s’intensifient, Zelensky estime donc avoir besoin du feu nucléaire. Pour autant, le géopolitologue Roland Lombardi estime que l’hypothèse d’une Ukraine nucléaire est peu crédible. « C’est du bluff », affirme-t-il. « Ces propos s’inscrivent dans des logiques de pression sur la crise en cours. Je ne pense pas que cela soit fondé. »
« Pour moi, ce n’est rien de plus qu’un coup de pression. Il sait très bien qu’il y aurait des répercussions drastiques, aussi bien de la part de ses alliés que de ses adversaires », précise le chercheur.
Même son de cloche du côté de Volkan Özdemir, politologue turc et responsable de la plateforme « Asie-Turquie-Europe ». La déclaration de Zelensky « ne fera qu’aggraver les tensions », explique-t-il à Sputnik. Selon lui, cela fait partie de provocations et de la guerre d’information que Kiev essaye de mener, non sans l’aval de Washington.
Cependant, Moscou prend ces menaces au sérieux. « Nous savons également que des déclarations ont déjà été faites selon lesquelles l’Ukraine a l’intention de développer ses propres armes nucléaires, et ce n’est pas une vaine bravade », a prévenu Vladimir Poutine dans son adresse à la nation du 21 février. « Nous ne pouvons pas laisser ce danger réel sans réaction », a encore indiqué l’hôte du Kremlin. « Surtout, je le répète, que les bienfaiteurs occidentaux peuvent aider à l’émergence de telles armes en Ukraine afin de créer une nouvelle menace pour notre pays. »
« Cela ne sécuriserait personne »
Ainsi, selon le politologue turc, la déclaration de Zelensky sur le mémorandum de Budapest pourrait bien « faire partie de la stratégie américaine de provocation et d’escalade ».
« Il est naïf de penser qu’un pays comme l’Ukraine, qui est désormais entièrement sous contrôle occidental, a l’intention de prendre seul les mesures mentionnées par M. Zelensky », explique-t-il.
Question timing, « ce n’est clairement pas le moment », observe de son côté Roland Lombardi, avant d’ajouter : « Cela ne sécuriserait personne. » L’Ukraine est signataire du traité de non-prolifération (TNP), rappelle Roland Lombardi. « Il est grave d’en sortir. Quelle serait la position des États-Unis, qui prônent la non-prolifération, quand leur protégé sort du TNP pour s’armer ? Tout cela n’est pas réaliste », pointe le chercheur.
De surcroît, cette quête de l’arme nucléaire condamnerait « l’intégration de l’Ukraine à l’Otan ». Or, l’Ukraine s’efforce actuellement de ne pas renoncer à une possible adhésion à l’alliance militaire atlantiste. Au grand dam de la paix en Europe de l’Est.
Calcul électoraliste ?
Une analyse partagée au micro de Sputnik par Vasfi Sel, secrétaire général du Fonds de développement de la Crimée, qui y voit en plus un calcul de politique intérieure du chef d’État ukrainien.
« Zelensky entraîne son pays vers l’abîme au nom de ses propres intérêts », considère-t-il qualifiant la déclaration du président ukrainien de « purement politicienne ».
Le chef de l’État ukrainien « a perdu pas mal de voix aux élections locales », tandis que le parti de l’ex-Président Petro Porochenko « a amélioré son résultat ». Ainsi, « Zelensky a fait cette déclaration uniquement pour satisfaire ses propres ambitions de pouvoir », tacle-t-il.
Mais Kiev n’est pas le seul dans la région à avoir un appétit nucléaire. Le 17 février, dans le contexte de cette crise ukrainienne, le Président biélorusse, Alexandre Loukachenko, a affirmé que la Biélorussie serait prête, « si nécessaire, à accueillir des armes supernucléaires en cas de menaces de la part de pays inamicaux », sous-entendant ici l’Ukraine. Ces armes ne seraient toutefois pas biélorusses, mais russes, et seraient déployées dans le cadre d’accords existants entre Minsk et Moscou, a-t-il expliqué. Ainsi, un référendum prévu le 27 février sur la Constitution biélorusse pourrait-il revenir sur le statut dénucléarisé du territoire.
Une ambiance pour le moins explosive en Europe de l’Est.
Source: Sputnik