Sans tarder, Moscou a riposté à la position officielle exprimée par le gouvernement libanais sur l’opération militaire russe en Ukraine, laquelle a suscité un tollé de contestations de la part de nombreux pôles politiques libanais. D’autant que le chef de l’Etat, le Premier ministre et le chef du législatif affichent ne pas avoir été informés de sa teneur.
« Le Liban condamne l’invasion des territoires ukrainiens et demande à la Russie de stopper les opérations militaires immédiatement et de de retirer ses forces et de revenir au langage du dialogue et des négociations comme meilleur moyen pour résoudre le litige en cours, tout en préservant la souveraineté , la sécurité et les craintes des deux protagonistes et en évitant aux peuples des deux pays, au continent européen et au monde les affres de la guerre », avait dans un premier moment publié le jeudi 24 février le ministère libanais des Affaires étrangères.
Le chef de l’Etat et le Premier ministre ne sont pas au courant?
Depuis Moscou, la première réaction est venue du vice-ministre russe des AE, Mikhaïl Bogdanov. Il a convoqué l’ambassadeur du Liban en Russie, Chawqi Bou Nassar, pour lui faire part de sa surprise qu’une telle position puisse être publiée, sans en avoir informé ni le président libanais ni le Premier ministre. Il semble que des parties libanaises lui avaient fait part que cette démarche est une initiative propre au ministre libanais Abdallah Bou Habib.
« Le ministre libanais des AE n’était-il pas depuis quelque temps à Moscou pour lui demander de contribuer à résoudre les problèmes internes du Liban », a-t-il aussi objecté.
On a appris plus tard que le responsable russe avait contacté la conseillère du président de la République Amal Abou Zeid pour dénoncer le communiqué libanais. Elle a précisé vouloir visiter la Russie la semaine prochaine pour le rencontrer et a indiqué vouloir rencontrer l’ambassadeur de Russie au Liban.
Dans les milieux du chef du Parlement, Nabih Berri, il est aussi question que le communiqué du ministère des AE a été rédigé sans qu’il n’en soit informé.
Un signe supplémentaire de cette confusion est venu depuis le gouvernement lui-même et plus précisément de la part du ministre du Travail Ibrahim Bayram. Assurant que le communiqué est contraire au principe de neutralité qui avait été adopté par le gouvernement libanais, il a révélé qu’il n’y a pas eu de consultation au sein du cabinet ministériel sur son texte et mis en garde contre « les séquelles qui pourraient découler d’une telle ingérence dans un conflit aux dimensions dangereuses »
« Quand bon leur semble, ils ne sont plus neutres »
Du côté du Hezbollah, c’est le député du bloc du Hezbollah au sein du Parlement libanais Ibrahim Moussaoui qui a réagi avec colère. « Ils réclament être à l’écart et prétendent être neutres mais quand bon leur semble ils s’immiscent et condamnent. Quelle question étrange », a-t-il écrit sur Twitter, en s’adressant à certains protagonistes libanais pro occidentaux qui ne cessent de répéter que le Liban devrait être tenu à l’écart des axes régionaux et internationaux. La position exprimée par M. Bou Habib va manifestement à l’encontre de ces appels.
« Quelle politique étrangère est-elle suivie par le Liban, et où réside l’intérêt du Liban dans ceci. Que notre ministre des AE nous explique cette question », a exigé M. Moussawi.
« ce n’est pas la réelle position du Liban »
Le député et leader druze Talal Arselane a lui aussi fermement condamné ce communiqué, estimant « qu’il n’exprime pas la réelle position Liban qui est fier de la relation historique avec la Russie », a-t-il affirmé dans une déclaration sur les réseaux sociaux.
« On ferait mieux de nous consacrer à nos problèmes internes et à nos crises et à œuvrer pour les résoudre », a di aussi ce chef du Parti démocratique du Liban.
« Il veut flirter avec l’Occident sans contrepartie »
Un ex-député libanais et président du parti de l’Unification arabe Wiam Wahhab a également condamné le texte de M. Bou Habib. « La Russie a toujours soutenu le Liban, cette position libanaise se veut flirter avec l’Occident sans contrepartie. Cessez vos ventes personne ne vous achètera ».
On a appris que le chef de la diplomatie libanaise avait, après avoir publié son communiqué de condamnation à la Russie contacté l’ambassadeur russe pour lui dire que cette position n’est pas adressée contre son Etat « et nous ne voulons pas qu’elle affecte notre relation bilatérale étroite ».
Le Liban ne participera pas au vote du Conseil de sécurité
Il a rencontré ce vendredi les deux ministres français et allemands qui ont voulu le remercier pour cette prise de position.
Indiquant qu’elle émane de « l’engagement du Liban pour les principes de la légitimité internationale et du droit international », il leur a toutefois dit que le Liban ne participera pas à l’adoption de la résolution présentée devant le Conseil de sécurité des Nations Unies.
« La position du Liban sera étudiée ainsi que sa participation au vote au cas où le projet de résolution est soumis à L’Assemblée générale, dans le cadre des consultations avec le groupe des pays arabes », leur a-t-il fait part, ont rapporté les médias libanais.
La communauté libanaise en Russie a aussi fustigé dans le communiqué libanais « un texte qui comprend des termes politiques très serrés et très éloignés de ce qui se passe en réalité ».
« Ce n’est pas une guerre mais une opération militaire »
Finalement, l’ambassade de Russie au Liban a publié sa réponse au communiqué du ministère libanais. Estimant qu’il est contraire à la politique de neutralité et lui reprochant de prendre partie, il a rappelé que « la politique de la Russie fédérale ne consiste pas à attaquer les intérêts de l’Ukraine, mais à préserver la sécurité nationale russe en raison des menaces du gouvernement de Kiev qui s’est abstenu d’exécuter plusieurs accords qui avaient été conclus, notamment celui de Minsk ».
Et de poursuivre: » la Russie n’a pas déclenché une guerre mis une opération spéciale pour protéger des citoyens russes, à la demande des deux républiques Donetsk et Lougansk, après que le président Vladimir Poutine a reconnu leur indépendance ».
Et le texte de l’ambassade de conclure: « la Russie oeuvre sans répit en faveur de la paix et de la sécurité et pour lutter contre toutes les formes d’agressivité, et pour que chaque Etat ait le droit de défendre sa sécurité nationale ainsi que ses citoyens ».
Source: Divers