C’est la question cruciale qui s’impose au lendemain du récent discours du numéro un du Hezbollah, qualifié « d’historique », dans lequel il a menacé de lancer une guerre contre Israël si ce dernier persiste à exploiter le gaz dans le gisement Karish, situé sur la ligne 29 de démarcation des frontières maritimes avec la Palestine occupée, au mépris des revendications du Liban.
Les Israéliens, experts, chroniqueurs et dirigeants devraient se la poser. Comme ils ont l’habitude de le faire pour ses interventions, ils seraient être en train de décortiquer son discours du 13 juillet. Leur position officielle se fait attendre.
Constat manifeste : cette fois-ci, sayed ne parle d’une frappe ou d’une opération. Il ne propose pas d’autre règlements : pas de navire de pétrole ou d’autres aides depuis l’Iran. À la place de « la patience stratégique », à laquelle il appelait sans cesse les Libanais dans ses discours, lors de l’éclatement de la crise économique et financière au Liban, s’est installée l’urgence de la conjoncture. Et la nécessité de recourir à la solution chirurgicale ! la guerre.
« Si nous restons tels quels, le Liban sera dans une situation pire que la guerre. »
Le facteur du temps est essentiel pour lui. Il n’est pas en faveur du Liban. Il reste à peine deux mois pour que les Israéliens entament l’extraction du gaz, selon leurs propres prévisions. Et l’Etat et l’entité libanaise sont sur le point de s’effondrer. Deux facteurs incontestables.
Une conclusion soutenue par des faits avérés qu’il stigmatise : aucune solution n’est en vue via les tractations sur la démarcation des frontières maritimes. Et pour cause la partialité flagrante en faveur des intérêts israéliens des Américains, et leurs efforts prémédités pour les embourber dans des atermoiements sans fin. Mêmes les gisements libanais situés loin des frontières et non concernés par les négociations sur leur délimitation ont subi le même processus de reports infinis.
Dans le prolongement de l’absence de solution, une autre conclusion est fournie à la base de réalités tangibles : les solutions préconisées par les organisations internationales ne peuvent résoudre les problèmes issus de la crise. Ni sur le court terme ni sur le long terme. Les quelques milliards proposés sont insuffisants pour répondre aux besoins survenus, et ils ne font qu’aggraver son endettement et l’enfoncer davantage dans l’abime.
Découle de ce diagnostic une déduction incontournable, sur les réelles intentions des Américains, confirmées par leurs positions : ils trompent les Libanais. La preuve flagrante qui l’étaye en est qu’ils n’ont pas mis en exécution leur engagement de permettre au Liban de s’approvisionner en gaz et en électricité depuis l’Egypte et la Jordanie, pour faire face à la pénurie qu’il traverse.
« D’aucuns voudraient que ce peuple meure de faim et que nous nous entretuions sur les portes des boulangeries ou des stations-service ».
Selon lui, non seulement les Etats-Unis ne cherchent à trouver des solutions, mais pire encore : ils veulent empêcher les Libanais de recourir à leur seule planche de salut, « le trésor du Liban » comme il l’avait qualifié précédemment : l’exploitation de ses ressources d’hydrocarbures maritimes. C’est sa conclusion finale.
Raison pour laquelle il faut le faire, sans tarder , et par la force s’il le faut!
Pour ce fait, il définit les lignes rouges, la zone interdite qu’il n’est plus permis de franchir :
Compte tenu de l’urgence de la situation, il n’est plus admis de laisser les choses trainer davantage. Le message s’adresse à l’intérieur libanais. Et donc pas question d’attendre que les responsables libanais décident de ce qu’ils devraient faire. Et de mettre les points sur les i, concernant ses précédentes déclarations : Le Hezbollah a dit qu’il est derrière l’Etat en ce qui concerne les négociations pour la démarcation des frontières maritimes mais il n’a jamais dit qu’il allait rester les bras croisés.
Quant à la ligne rouge destinée aux Israéliens, pas question qu’ils puissent extraire du gaz, à l’insu du Liban. « Pas seulement des gisements Karish et Qana, mais au-delà ». En allusion à ceux déjà exploités, dont Tamar et Léviathan, situés dans le large de Haïfa. « Si les choses parviennent à des fins négatives. Si l’objectif est d’empêcher le Liban d’extraire son pétrole et son gaz, donc personne ne pourra extraire son gaz et son pétrole ou de les vendre, quelque soient les conséquences. »
C’est l’équation soit eux et nous… soit personne. Sans équivoque.
Sayed ne lésine pas sur les moyens de cette guerre, il met toutes les options sur la table : armes terrestres, aériennes, et maritimes. Les trois drones dépêchés au-dessus de Karish avaient une mission et un message. De par leur mission : ils étaient dument destinés à être abattus, pour perturber les Israéliens.
L’essentiel du message qui en découle réside dans la signification a contrario de cette mission : la résistance aurait pu envoyer des drones que les israéliens n’auraient pu abattre. Leur nombre, trois d’un seul coup, une première selon lui, donne une certaine idée sur l’ampleur possible de l’attaque.
« Nous n’exerçons pas de guerre psychologique. Nous sommes sérieux. C’est la seule voie pour sauver le Liban », insiste-t-il dans son discours où il opte pour la clarté, la franchise, et la fermeté. « Nous sommes arrivés sur la ligne finale ».
Entre « la famine ou la guerre », les Libanais n’ont certes pas l’embarras du choix, selon lui. Il ne manque pas de rappeler la conjoncture qui avait prévalu lors de l’invasion israélienne du Liban : « Nous n’attendrons pas de consensus. L’expérience de 1982 nous le dit : si nous avions attendu un consensus national, le Liban serait aujourd’hui sous occupation israélienne. Nous n’attendrons pas un consensus et nous n’allons pas renoncer à l’Etat». Une phrase qui en dit long sur ses réelles intentions et sa crédibilité. « Le Liban n’est pas faible », exhorte-t-il toujours. L’histoire lui a donné raison.
Source: Al-Manar