Il y a 10 ans jour pour jour, Vladimir Poutine prenait la parole au Forum de Munich. Cette longue intervention sera plus tard comparée à celle de Churchill à Fulton, discours qui a donné le coup d’envoi à la guerre froide. Une décennie plus tard, Arnaud Dotézac, expert en géopolitique, revient sur les moments marquants du discours de Poutine.
Le 10 février 2007, le président Poutine a tenu une longue intervention de style direct lors du Forum de Munich sur les politiques de défense.
Lors de ce discours, le président russe a vivement critiqué l’organisation unipolaire du monde en place depuis la fin de la guerre froide, affirmant l’échec de ce modèle, et a en outre insisté sur l’importance du droit international, des souverainetés nationales et de la nécessité de ne pas retomber dans la course aux armements. Ce discours est resté comme un jalon dans la politique étrangère russe et dans l’évolution des relations internationales.
En se rappelant de ce discours que de nombreux experts ont par la suite qualifié d’« historique », Arnaud Dotézac, expert en géopolitique et ancien rédacteur en chef du magazine suisse Market, rappelle qu’il a été prononcé sur « un ton totalement direct, sans aucun faux-semblants, et non chargé d’euphémismes diplomatiques ».
D’ailleurs, le discours de Poutine était tout à fait opportun car il s’était passé énormément de choses qui remettaient complètement en cause l’équilibre westphalien basé sur la souveraineté des nations et un droit international égalitaire, constate l’expert pour qui le président russe a « remis l’église au milieu du village », appelant à la vocation de l’Onu telle qu’elle avait été pensée au départ.
« Un moment marquant qui a eu lieu, ce n’est pas forcément quelque chose qui était destiné aux Américains, mais qui était destiné au ministre des Affaires étrangères italien, en lui disant : « si j’ai bien compris, vous avez invoqué une légitimité d’une action militaire internationale uniquement sur décision de l’Otan ou de l’Europe, et j’ai peut-être mal entendu, n’hésitez pas si je me suis trompé, mais c’est inadmissible »», se souvient-il.
Mais depuis, le monde est-il devenu moins unipolaire ? À peine, selon l’expert.
« L’unipolarité consiste à dire que les États-Unis sont le gendarme du monde, (…) on a fait de l’Otan une gendarmerie internationale, mais également une police des normes économiques et financières, et ça on l’a vu avec les sanctions économiques. Le reproche avait été fait dès ce moment-là par Poutine, de dire « les États-Unis ont externalisé leur droit interne ». Ça, ça n’a pas changé, ça a été annoncé par Vladimir Poutine et on l’a vu se déployer depuis lors jusqu’à ce jour », constate M. Dotézac.
À l’époque, on voyait au premier rang John McCain, Angela Merkel, aujourd’hui ce sont toujours les mêmes personnes, donc « ce discours d’il y a 10 ans conserve toute son actualité ».
Et de conclure qu’au niveau militaire, la Russie a montré qu’elle était capable de répondre, sans non plus aggraver les tensions, mais au contraire, en les cantonnant.
Source: Sputnik