Après l’échec du projet de la division sunnite-chiite, l’affaiblissement tangible des forces soutenues par Washington et Riyad, et le net recul de la puissance de Daech dans toute la région grâce à la lutte contre l’extrémisme takfiriste, l’axe pro-américain s’attelle à rechercher une alternative.
Il s’agit cette fois de concentrer les efforts sur l’Iran, et de considérer ses alliés comme étant de simples agents. Partant de ce principe, l’Arabie Saoudite brandit le slogan de « l’identité arabe face à l’identité persane »!
Un slogan pareil permet à Riyad d’agir sur la scène chiite, et lui facilite d’effectuer des percées politiques, jusque-là impossibles.
Il y a presqu’un an, l’Arabie Saoudite est rentrée officiellement en Irak, avec l’ouverture de son ambassade à Bagdad. Cet événement a marqué la fin d’une période de deux décennies, lorsque sa présence en Irak était basée sur les canaux sécuritaires.
Mais l’ouverture diplomatique saoudienne sur le voisin du nord, survenue après l’éviction de sa bête noire, l’ancien Premier ministre Nouri Maliki, a de nouveau fait resurgir les mauvaises intentions saoudiennes envers l’Irak.
Peu de temps après le retour diplomatique saoudien en Irak, les factions de la coalition au pouvoir à Bagdad ont insisté sur l’importance de retirer le nouvel ambassadeur, l’accusant de transgresser l’éthique diplomatique et ses prérogatives à travers des déclarations provocatrices.
Thamer Sabhane a alors était démis de ses fonctions, lui qui est connu pour son arrière-fond sécuritaire. Actuellement, c’est le chargé d’affaires de l’ambassade, Abdel Aziz Chommari, qui la préside. Riyad n’a pour l’instant désigné aucun successeur à Sabhane.
Ce dernier, nommé dernièrement ministre d’Etat pour les affaires du Golfe, mène une action sur plusieurs dossiers dans la région, dont le Liban.
Aucune des missions que Sabhane prend en charge n’est liée au partenariat entre les pays du conseil de la coopération du Golfe. Ce qui explique la volonté de Riyad de reconstituer la rue sunnite loin de l’aspect diplomatique, sans que cette action ne soit limitée à l’Irak.
Bagdad et Beyrouth sous la supervision de Sabhane
L’objectif de l’Arabie Saoudite est d’exploiter les fissures dans le front interne irakien afin de pouvoir effectuer une percée majeure, et de mettre l’adversaire iranien à l’écart de la décision irakienne.
Sur ce point, les Saoudiens pensent avoir toujours la capacité de jouer un rôle clé dans la détermination du nouvel Irak de l’après-Daech.
« L’arabité » à la place du « sectarisme »?
Le décideur saoudien est désormais convaincu de la nécessité de changer les règles du jeu dans la région en général, et surtout sur la scène irakienne, qui s’apparente à un laboratoire régional crucial.
Cette fois, il s’agit d’une nouvelle politique qui se résume par « le recours au discours nationaliste arabe », à la place des slogans sectaires et confessionnels, à l’instar de « la défense de la communauté sunnite face à l’expansion safavide ».
Cette « expansion » que les Arabes doivent affronter est essentiellement « persane », ou « safavide ».
Deux raisons ont poussé l’Arabie à changer de cap: la première est l’échec de la carte du sectarisme après l’expansion du terrorisme, et les messages internationaux de la volonté de mettre fin à ce dossier. La deuxième raison est le besoin d’attirer encore plus la composante chiite en Irak, et ceci parait impossible via le discours de la protection du sunnisme.
L’ambassade de Beyrouth
Depuis un certain moment, les Saoudiens chargés du dossier irakien préparent une longue liste de personnalités irakiennes ayant enclin au discours de « l’arabité ».
L’objectif en est de s’ouvrir sur ces personnalités et d’ouvrir des canaux de communications, notamment avec les chiites, ou celles qui voient d’un mauvais œil la politique iranienne dans la région.
Effectivement, les deux ambassades saoudiennes en Irak et au Liban ont tenu plusieurs rencontres sans précédent avec des personnalités irakiennes sous la supervision de Thamer Sabhane.
Celui-ci a franchement expliqué à ceux qu’il a rencontrés la nouvelle politique saoudienne. Le choix de la capitale libanaise a été fait pour éviter plus d’embarras aux personnalités irakiennes qui devraient se rendre à l’ambassade saoudienne à Bagdad.
« Marché libre » à la frontière irakienne
Dans ce contexte, un marché libre est en voie de construction dans la ville saoudienne Ar’ar, proche de la frontière avec l’Irak. Riyad veut s’en servir comme couverture à une action plus dynamique et plus sûre avec les Irakiens sympathisants avec la nouvelle politique, loin des complications sécuritaires et logistiques à Bagdad.
Autre forme d’action est décelée dans la région frontalière: le contact croissant avec les tribus irakiennes. Les Saoudiens ont effectivement réussi à s’attirer la sympathie de certains chefs tribaux vivant dans les territoires irakiens.
Autre point marquant: certaines personnalités irakiennes ont été invitées il y a quelques jours au festival annuel de Janadriya qui se tient au royaume saoudien. Les Saoudiens ont tenu à accueillir de nouvelles personnalités irakiennes.
Par ailleurs, plusieurs conférences ont eu lieu loin des médias à l’initiative saoudienne, pour discuter des « affaires nationalistes arabes » et des moyens efficaces pour repousser les « ambitions persanes » dans la région. Il a aussi été question de présenter un nouveau discours médiatique.
Prochaines élections parlementaires
Comment Riyad pourra-t-il traduire sa nouvelle orientation? Les décideurs saoudiens pensent que l »entrée sur la scène irakienne ne peut se faire loin de la porte des élections, ce qui est la seule garantie à la poursuite des efforts saoudiens de prendre le contrôle des centres de décision irakiens.
De là on peut expliquer l’insistance saoudienne sur l’élargissement des contacts avec les différents courants et personnalités politiques. Aux yeux de Riyad, ce n’est que le début des investissements dans l’échéance électorale parlementaire.
Mais la loi électorale constitue toujours un obstacle devant l’action saoudienne, cette loi décide à l’avance de l’identité des vainqueurs présumés dans toute session électorale. Et vu que Riyad a rompu ses liens avec la plupart des partis politiques influents en Irak, il ne peut désormais recourir qu’aux personnalités indépendantes ayant un poids politique dans le pays.
Pour parvenir à cet objectif, il faut une nouvelle loi électorale qui permet à Riyad de se rallier les 200 députés dans le nouveau parlement irakien.
Dernièrement, Riyad s’est senti plus confortable dans son action sur la scène irakienne avec l’avènement de la nouvelle administration américaine. Surtout que le président US Donald Trump ne cesse de se plaindre du rôle iranien en Irak.
Les Américains craignent un rapprochement irakien accru de l’Iran, ce qui constitue un croisement des deux politiques saoudienne et américaine sur la scène irakienne.
Traduit du site Al-Akhbar
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