Une chose découle un an après le déclenchement de la guerre en Ukraine : son dénouement n’est pas pour bientôt. D’aucuns s’attendaient à des exploits militaires russes hâtifs, compte tenu de la grandeur de la Russie et la médiocrité de l’Ukraine. C’est mal comprendre que ce conlit n’implique pas seulement ces deux pays limitrophes mais des acteurs internationaux. De part et d’autres. Tout l’Occident! Et les autres pays qui rêvent d’en finir avec l’hégémonie occidentale et de batir une monde multipolaire.
De même, il est avéré qu’elle avait été préparée d’avance. Comme le soutiennent les révélations de l’ex-chancelière allemande Angela Merkel et de l’ex-président français François Hollande selon lesquels la conclusion en 2014, des accords de Minsk censés régler le contentieux du Donbass, ne servait qu’à gagner du temps et afin de préparer les forces ukrainiennes en les armant et en les entrainant.
Une chose est néanmoins sure : la Russie y a réalisé des conquêtes avérées sur le terrain, en dépit d’une aide militaire considérable accordée à ses rivaux, et malgré des sanctions inédites dans l’histoire des sanctions occidentales qui lui ont été infligées.
4 régions presqu’entièrement conquises par la Russie
Depuis le lancement de son opération en Ukraine, le 24 février 2022, la Russie a annexé tout ou une partie de quatre régions d’Ukraine, deux dans la région industrielle du Donbass (nord-est), majoritairement russophone, à l’issue de référendums dénoncés par la communauté internationale. Depuis 2014, elle en contrôlait 7,15%, dont la Crimée et une partie du Donbass.
Selon les estimations du groupe de réflexion américain ISW (Institute for the Study of War), les forces russes et leurs alliés séparatistes ont conquis 99% de la région de Lougansk, frontalière de trois côtés avec la Russie, et le grignotage se poursuit lentement dans ce qui en reste.
S’agissant de la région de Donetsk, environ 58% du territoire est tenu par Moscou et ses alliés, notamment la ville portuaire de Marioupol.
L’essentiel des combats violents se poursuivent dans son nord, notamment dans la région de Bakhmout.
Les forces russes se sont également emparées de la région de Zaporojjia, bordée par la mer Noire, selon l’ISW, « 72% de sa superficie est occupée par Moscou et son administration militaire ». Moscou a du accepter une présence de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans sa centrale nucléaire, la plus grande du pays, sur le fleuve Dniepr, après qu’elle a fait l’objet de tirs attribués par la Russie aux forces ukrainiennes, faisant craindre une catastrophe nucléaire, similaire à celle de Tchernobyl.
Quant à la région de Kherson, frontalière de la péninsule de Crimée et qui est très importante pour l’agriculture ukrainienne, elle est passée à 88% sous le contrôle de Moscou.
En tout et pour tout, en l’espace d’un an, hormis la Crimée, annexée en 2014, les Russes et leurs alliés auraient conquis entre 11,9% et 18% des territoires ukrainiens, selon les sources. ISW avance le premier. Le Monde avance le chiffre de 16,65%. L’Opinion citant un cartographe parlait de 18% de territoires conquis le 31 janvier 2023. Ce qui équivaut à 109 105 km2, soit l’équivalent d’une vingtaine de départements français. 278 km2 pour le seul mois de janvier.
Et des retraits russes
Cette avancée ne s’est pas faite sans certains retraits russes sous les coups de l’armée ukrainienne : de la rive droite de Dniepr où se trouve Kherson, quelque temps après son annexion, de plusieurs régions de Kharkiv suite à une offensive ukrainienne de grande ampleur, et des alentours de Kiev à partir d’avril, mais quelques temps avant la prise de Marioupol.
Les USA, les premiers donateurs et 30 pays
Ces conquêtes russes ont été réalisées en dépit de l’importance de l’aide militaire que l’Occident a fournie à l’Ukraine dont les besoins ne cessaient d’évoluer au fil de la guerre. Selon la BBC, les États-Unis sont de loin le plus grand donateur d’aide militaire à l’Ukraine dans son ensemble, avec plus de 18,6 milliards de dollars.
Plus de 30 pays ont fourni à Kiev une vaste gamme d’équipements militaires. Dont :
Des équipements et des munitions datant de l’ère soviétique et qui formaient l’essentiel de l’arsenal ukrainien, formé d’une réserve de personnel qualifié, de pièces de rechange et de capacités de maintenance. Dont des systèmes antiaériens.
Par la suite, Kiev a réclamé des fournitures d’artillerie. Les Etats-Unis, le Canada et l’Australie lui ont filé des obusiers M777.
Des milliers d’antichars Nlaw, conçues pour détruire les chars d’assaut d’un seul coup, ont également été fournies à l’Ukraine.
Des drones lui ont été envoyés, dont le principal fournisseur a été la Turquie.
Des systèmes lance-roquettes Himars, des systèmes de défense aérienne notamment les IRIS-T allemands, des Nasams americains, des Starstreak britanniques.
Des véhicules blindés de combat Bradley et Stryker que les USA avaient utilisés en Irak et en Afghanistan
Il est question depuis le mois de décembre dernier que les USA vont lui livrer les systèmes des missiles Patriot
Maintenant, l’Ukraine exige des chars Leopard 2 allemands, les plus faciles à entretenir, mais l’Allemagne qui fait l’objet d’une intense pression internationale refuse toujours de les lui donner et n’a pas autorisé les autres pays disposant de Leopard 2 à les transmettre à l’Ukraine, selon BBC.
Mais les Britanniques ont accepté de fournir aux Ukrainiens 14 chars de leurs Challenger 2, le principal char de combat de leur armée.
Récemment, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est mis aussi à réclamer des avions de chasse.
Le cours de évènements a montré que ses voeux sont le plus souvent exaucés. Quoique le chef de l’Otan Rasmussen a averti que les industries militaires occidentales n’arrivent pas à leur subvenir et qu’il faut faire davantage.
Des sanctions sans précédent, sans effets.
L’opération russe en Ukraine ne semble pas non plus avoir été freinée par les sanctions économiques infligées à la Russie, devenu le pays le plus sanctionné dans le monde par les Occidentaux.
En plus des gels d’actifs russes en Occident estimés à plusieurs centaines de milliards de dollars, les sanctions occidentales se sont axées surtout sur les exportations d’hydrocarbures russes à l’Europe qui en était dépendante à des proportions différentes.
Provoquant une hausse du cours du pétrole et du gaz, Elles ont eu un effet ricochet surtout pour les populations européennes qui sont désormais obligées de payer les factures d’énergie 10 fois plus chères. Et pour les petites et moyennes entreprises. Les Européens sont obligés de s’approvisionner en gaz de schiste américain pour des prix exorbitants qui n’ont pas manqué d’offusquer certains de leurs dirigeants. Sur le court terme.
Pour la Russie, elles n’ont pas obtenu les résultats escomptés. Certains pays rechignant à les observer et augmentant leurs achats. Dont la Chine, l’Inde…
Il en a découlé que les recettes budgétaires russes en pétrole et en gaz ont augmenté de 28 % en 2022, soit 36,7 m$. La production de pétrole a augmenté de 2 % pour atteindre 535 Mt, et les exportations de pétrole ont augmenté de 7 %, selon Enerdata
Or les grandes compagnies pétrolières et gazières n’ont eu à se plaindre non plus. Cinq d’entre elles, Exxon, Shell, TotalEnergies, Chevron et BP ont à elles seules totalisé 199,4 milliards de dollars de gains.
Les USA prêts à tout
Face à la persistance de ces Etats de continuer à s’approvisionner en hydrocarbures russes, les Etats-Unis semblent être prêts à tout.
En témoigne les explosions qui ont détruit une partie des gazoducs offshores Nord Stream 1 et 2, destruction attribuée à la CIA de concert avec les renseignements norvégiens, selon le journaliste Seymour Hersh.
Ils devraient aussi exploiter le séisme qui a frappé la Turquie qui ambitionnait de remplacer ces gazoducs et de développer une plate-forme pour le gaz russe. Ce projet proposé par le président russe Vladimir Poutine risque de ne jamais voir le jour. La Turquie ayant besoin de l’aide occidentale pour se reconstruire.
Les mois prochains devraient aussi voir leurs efforts accrus à l’adresse de tous les autres pays qui commercent toujours avec la Russie
De nouvelles sanctions
Dès ce vendredi, la Maison Blanche a annoncé un renforcement de ces sanctions.
Sous prétexte de « réduire l’accès de Moscou à des technologies sensibles comme les semi-conducteurs », elles devraient cibler des secteurs comme les banques et l’industrie de la défense, et toucheront « plus de 200 personnes et entités, y compris des acteurs russes et de pays tiers à travers l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient qui soutiennent l’effort de guerre de la Russie », a déclaré la Maison Blanche, rapporte l’AFP.
Le terme « effort de guerre » est choisi minitieusement. Il pourrait concerner toute relation économique avec la Russie. Et toute une panoplie de pays serait concernée.
En tête et surtout la Chine, allié stratégique de la Russie et bête noire de l’Occident pour ses performances économiques. Elle commence toutefois à faire l’objet d’une campagne médiatique d’intoxication. Elle est accusée par le magazine allemand Der Spiegel connu pour ses fake news véhiculés par les renseignements occidentaux de vouloir construire des drones kamikazes de type ZT-180 pour les livrer à la Russie. Jusque-là c’est l’Iran qui a été accusé pendant des mois de fournir ses drones Shahed à Moscou.
De même pour l’Inde, alliée de longue date de la Russie. Une campagne de diabolisation a déjà été entamée contre son président Narendra Modi. On lui a toutefois proposé la carotte, de lui vendre des F-35, sachant que l’arsenal indien est majoritairement russe.
L’Algérie aussi pourrait être concernée. Le Pakistan, des pays africains, d’Amérique latine du Moyen-Orient etc…
A quel point ces pays vont-ils résister à ces sanctions, qu’en adviendra-t-il s’ils refusent de se plier aux diktats américains et aux manoeuvres occidentales… Le dénouement de la guerre en dépendra aussi. En dépend aussi leur souveraineté. Cette guerre est déjà mondiale.
Source: Divers