L’ex-PDG de Lafarge Bruno Lafont, mis en examen dans l’information judiciaire sur les activités du groupe cimentier jusqu’en 2014 en Syrie, accuse dans un entretien à Libération le vendredi 31 mars « les services français » d’avoir « infiltré » le groupe sur place à l’époque.
« Il est clair qu’entre l’histoire qu’on a racontée au début, celle qui dit que Lafarge, pour des raisons purement lucratives, aurait financé des groupes terroristes en Syrie entre 2013 et 2014, et ce qu’on découvre aujourd’hui, la situation est totalement différente », d’après lui.
« On apprend qu’il y a eu une relation particulière entre l’Etat français et ses services, et Lafarge (…). Une des raisons pour lesquelles l’Etat s’est intéressé à nous, c’est que le site de l’usine était vraiment un endroit stratégique pour la coalition antiterroriste et pour la France. C’est pour cela, je crois, que les autorités nous ont, a minima, encouragés à maintenir nos activités en Syrie », affirme celui qui dirigeait le cimentier jusqu’en 2015, rapporte l’AFP.
« Si l’entreprise a été infiltrée, c’est à mon insu », maintient-il. « J’ignorais tout, des paiements à des groupes terroristes et des activités de l’Etat dans notre usine ».
Comme en octobre dernier, Bruno Lafont répète son souhait d’être entendu par les juges, ainsi que sa demande que soient entendus « un certain nombre de responsables de l’Etat qui ont joué un rôle important à cette période précise », des « cadres des services de renseignement ou de l’état-major particulier du président de la République », ainsi qu’une « nouvelle levée du secret-défense ».
Bruno Lafont est mis en examen pour financement du terrorisme dans le cadre de l’information judiciaire ouverte depuis 2017 à Paris.
Le groupe Lafarge est pour sa part mis en examen pour complicité de crimes contre l’humanité.
Il est soupçonné d’avoir versé, en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d’euros à des groupes terroristes, dont le groupe takfiriste Daesh, et à des intermédiaires afin de maintenir l’activité d’une cimenterie en Syrie à Jalabiya alors que le pays s’enfonçait dans la guerre.
L’enquête française a évalué ces versements entre 4,8 et 10 millions d’euros pour le seul groupe Daesh.
Lafarge, avalé par le groupe suisse Holcim en 2015, a annoncé en octobre avoir accepté de payer une sanction financière de 778 millions de dollars aux Etats-Unis et de plaider coupable pour avoir aidé des organisations « terroristes », dont le groupe Daesh, entre 2013 et 2014. Cet accord a été dénoncé par M. Lafont.