D’Elon Musk à Bill Gates en passant par Tim Cook, le directeur général d’Apple, certains des plus grands patrons américains font le voyage à Pékin, semblant ignorer la guerre commerciale Chine-Etats-Unis.
Déjà fréquentes avant la pandémie, leurs venues ont pu reprendre en décembre après la fin des restrictions sanitaires liées au Covid, qui avaient isolé la Chine du reste du monde pendant trois ans.
Et elles sont l’occasion pour eux de manifester, à Pékin, leur optimisme quant au vaste marché chinois et aux liens commerciaux entre les deux plus grandes économies mondiales.
« Les intérêts des Etats-Unis et de la Chine sont étroitement liés, comme des jumeaux inséparables l’un de l’autre », y a ainsi déclaré fin mai Elon Musk, propriétaire de Tesla, cité par la diplomatie chinoise.
En mars, c’est Tim Cook qui a assuré, dans la capitale chinoise, qu’Apple jouissait d’une relation « symbiotique » avec la Chine, où se situe la plus grande usine au monde de fabrication d’iPhones.
Vendredi, l’honneur suprême, une rencontre avec le président chinois Xi Jinping, a été réservé à Bill Gates, l’ex-patron de Microsoft, en visite pour la première fois depuis 2019.
Reçu en tant que co-président de la fondation Bill et Melinda Gates, qui œuvre notamment pour l’amélioration des soins de santé, il a été décrit par M. Xi comme un « vieil ami », selon l’agence Chine nouvelle.
Ces visites interviennent alors que les tensions commerciales Chine-Etats-Unis s’aggravent, ce qui n’a pas empêché les échanges bilatéraux d’atteindre un nouveau record l’an passé à 691 milliards de dollars, selon le ministère américain du Commerce.
Les entreprises américaines, elles, s’inquiètent d’un ralentissement des exportations vers la Chine, qui reste le troisième partenaire commercial des États-Unis. Une baisse fortement ressentie dans le secteur technologique.
Car au nom de la sécurité nationale, les États-Unis bloquent depuis 2022 les exportations vers la Chine des semi-conducteurs les plus avancés ainsi que des équipements nécessaires à leur fabrication.
Face à ces contraintes, la Chine a accéléré ses efforts pour devenir autonome en matière de semi-conducteurs.
« Les exportations américaines vers la Chine sont un canal supplémentaire par lequel les relations bilatérales se détériorent », souligne ainsi l’Institut Peterson pour l’économie internationale.
Les points de friction restent nombreux entre Pékin et Washington, de Taïwan aux droits humains, avant une visite très attendue ce weekend en Chine du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken.
Pragmatiques, les entreprises plaident depuis longtemps pour un resserrement des liens sino-américains, arguant que cela encourage parfois à des réformes économiques et politiques.
Mais avec une Chine bien moins ouverte politiquement depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping il y a une décennie, l’argument a perdu du poids, marginalisant des groupes autrefois influents.
« Leur voix est de plus en plus minoritaire », note Joe Mazur, analyste au cabinet Trivium, basé en Chine. « Les milieux d’affaires sont l’une des dernières bouées qui stabilisent les relations sino-américaines. »
La communauté d’affaires en Chine observera attentivement la visite d’Antony Blinken.
« Les entreprises américaines ont réalisé des investissements substantiels en Chine, y ont des milliers d’employés et considèrent toujours la Chine comme un marché prometteur », déclare à l’AFP James Zimmerman, ex-président de la Chambre de commerce américaine en Chine.
Mais les gouvernements américain et chinois « ont réduit à néant toute collaboration », déplore-t-il.
Le US-China Business Council, chargé de promouvoir le commerce bilatéral et opposé aux sanctions commerciales, se sent marginalisé face à un Congrès américain de plus en plus belliciste face à Pékin.
Les autorités chinoises ont récemment restreint la possibilité de sortir des données du pays et ont effectué des perquisitions dans les bureaux de sociétés de conseil, notamment américaines, jetant un froid parmi les entreprises étrangères.
« Les opinions sont en train d’évoluer », juge Claire Chu, analyste à la société de renseignement britannique Janes. De nombreuses firmes se disent « même si on ne quitte pas la Chine, on doit commencer à y penser », souligne-t-elle.
A l’image d’Apple, de nombreux géants mondiaux révisent ainsi leur dépendance à la Chine.
« De la même manière qu’il y a 10 ans, on disait qu’il fallait absolument être en Chine, aujourd’hui, c’est surtout le fait d’avoir une stratégie de relocalisation qui est pertinent », observe M. Zimmerman.
Source: AFP