Avec des températures caniculaires frôlant les 50 degrés et des coupures d’électricité interminables, Wissam Abed, comme de nombreux Irakiens de la capitale Bagdad, a pour seule échappatoire une baignade dans le Tigre. Mais même le fleuve souffre de la sécheresse.
En cette après-midi de juillet, le soleil écrase le quartier d’Adhamiya et même le vent qui souffle enveloppe de sa chaleur, semblable à un sèche-cheveux. Si Wissam Abed est venu piquer une tête dans le Tigre, il va finalement marcher de la berge jusqu’au centre du fleuve, tant le niveau de l’eau est bas.
Par endroits, le lit du fleuve conserve une certaine profondeur et les jeunes s’amusent à plonger du haut d’un monticule de briques. Mais ailleurs, l’eau arrive à peine à la taille. Ici et là à travers la capitale, on peut observer des îlots de terre émerger au milieu du cours d’eau.
« Je vis ici à Adhamiya comme mon grand-père avant moi. D’année en année, la situation de l’eau empire », déplore M. Abed, 37 ans.
Debout en plein milieu du fleuve, non loin d’un pont enjambant le Tigre, l’eau lui arrive à la taille. Il vient « pour se divertir et se rafraîchir », confie-t-il à l’AFP.
« Le soir, quand on rentre chez nous, il n’y a ni eau, ni électricité », regrette ce fonctionnaire au ministère de… l’Electricité. La nuit dernière, « je suis venu me baigner dans le fleuve à une heure du matin avant de rentrer ».
Cette situation illustre on ne peut mieux la convergence de crises qui pèsent sur le quotidien des 43 millions d’Irakiens durant l’été : un secteur électrique défaillant, des températures en hausse constante –l’Irak étant un des cinq pays au monde les plus touchés par certaines conséquences du changement climatique– et de graves pénuries d’eau.
Outre les précipitations en recul, le gouvernement fustige les barrages turcs et iraniens construits en amont. Ces ouvrages sont les principaux responsables d’une chute drastique du débit des fleuves qui traversent l’Irak, accusent les autorités.
Et chaque été le même scénario se répète : les délestages quotidiens, qui durent en temps normal jusqu’à 10 heures par jour, empirent au moment où le thermomètre grimpe.
Dans un pays pourtant extrêmement riche en hydrocarbures, infrastructures en déliquescence et services publics défaillants témoignent des décennies de conflits qui ont miné l’Irak, mais aussi d’une mauvaise gestion publique et d’une corruption endémique.
Les foyers les plus chanceux recourent à des générateurs de quartier. Pour dire adieu aux coupures chroniques, les centrales électriques irakiennes devraient produire chaque jour plus de 32.000 mégawatts (MW), selon les autorités.
Cette année, pour la première fois, le pays a atteint le seuil des 26.000 MW.
Pourtant, durant la première dizaine de juillet, la production a chuté et les délestages ont empiré : en raison d’impayés s’élevant à 11 milliards d’euros, l’Iran avait divisé par deux son approvisionnement en gaz qui fait tourner les turbines irakiennes.
Un accord a finalement été trouvé et la production électrique s’est améliorée, jusqu’à dépasser les 24.000 MW, s’est félicité vendredi le ministère de l’Electricité.
Alors que la première semaine de juillet a été la plus chaude jamais enregistrée au monde, selon des données préliminaires de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), l’Irak attend un week-end caniculaire : il fera 47 degrés samedi à Bagdad, 50 degrés à Bassora dans l’extrême sud, selon les services météorologiques.
A l’été 2022, le niveau du Tigre était déjà si bas à Bagdad que l’AFP avait filmé des jeunes jouant au volley-ball au milieu du fleuve.
A l’époque, le ministère des Ressources hydriques avait attribué cette situation à l’accumulation de « dépôts sableux » au fond du fleuve, qui n’étaient plus charriés par le courant.
Taha Oudaï vient d’une famille de pêcheurs. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il propose désormais des sorties de plaisance à Bagdad sur sa petite embarcation à moteur et enchaîne les petits boulots.
« Il n’y a pas d’eau », assure-t-il. « Ces deux dernières années, la sécheresse s’est aggravée », ajoute cet homme de 34 ans.
Il se souvient du temps où, à Adhamiya, l’eau arrivait quasiment au perron de la maison familiale donnant sur le fleuve. « Mon père et mes oncles racontaient comment ils attachaient leur barque près de la maison », relate-t-il.
Désormais, à certains endroits, « les gens peuvent traverser à pied le fleuve, d’une berge à l’autre. »
Source: AFP