Tous à Gaza ont dû quitter leur foyer. Le choix est simple : mourir chez soi ou partir et n’être que l’ombre de soi-même. La mort se rapproche, car Israël nous attaque plus brutalement que jamais.
Après six mois consacrés à écrire l’histoire du déracinement et des horreurs vécues par d’autres, voici à présent mon histoire.
La guerre a commencé pour moi le 11 mai, et je vis maintenant ce que tous à Gaza ont vécu au cours des huit derniers mois : une fuite perpétuelle pour survivre aux bombardements israéliens incessants.
Lorsque les forces d’occupation israéliennes ont envahi Rafah au début du mois de mai, ma famille et moi avons été forcés de nous déplacer vers Khan Younes.
Nous nous sommes d’abord réfugiés dans la maison d’un parent, jusqu’à ce que des tracts israéliens soient largués sur notre quartier, nous ordonnant de partir. Le quadcopter a tiré au hasard sur de nombreuses maisons pour nous faire peur.
Mon mari a appelé un ami à l’aide pour nous trouver un abri dans la “zone de sécurité” préconisée. Son ami possède plusieurs immeubles à Khan Younes, mais Israël les a tous détruits, à l’exception d’un jardin d’enfants, où il vit actuellement avec sa famille, et d’une salle de mariage, appelée le Palais des rêves.
Quelle ironie cruelle de s’abriter dans un lieu nommé le Palais des Rêves, alors que tous nos rêves sont désormais derrière nous. Le Palais des rêves est lui-même en ruines, à moitié détruit par les obus israéliens.
Nous avons emménagé dans deux chambres : l’une pour les hommes et l’autre pour les femmes. Je partage une chambre avec sept autres femmes et quatre enfants. Mon mari dort avec huit hommes dans l’autre pièce, et nous partageons tous la même salle de bain.
Sur les plus de 20 personnes hébergées dans ces pièces exiguës, sept sont âgées et souffrent de maladies chroniques. Deux d’entre elles utilisent des déambulateurs et des fauteuils roulants.
Mon oncle Suleiman est diabétique. Sa jambe gauche est enflée et doit être nettoyée en permanence. Mon oncle Ibrahim est également diabétique et ses injections d’insuline doivent être conservées au frais. Par cette chaleur, c’est presque impossible, et nous ne pouvons compter que sur ceux qui disposent d’un système de réfrigération.
Nos conditions de vie sont désastreuses. L’eau insalubre m’a valu beaucoup de malaises, de nausées et de diarrhées. Ma fille a été piquée par un insecte, et a souffert de fièvres pendant deux semaines.
Le soir, nous prenons des antalgiques pour dormir. Nous parcourons de longs trajets à pied pour nous connecter à internet, et au monde extérieur. Nous lavons nos vêtements et faisons notre pain à la main. La douche est glacée.
Il m’a fallu un mois pour écrire cet article.
Être contraint de quitter son foyer pour survivre est un sort peut-être pire que la mort. Je suis maintenant une “personne déplacée”, plus une citoyenne.
Tous à Gaza ont dû quitter leur foyer. Le choix est simple : mourir chez soi, ou partir et n’être que l’ombre de soi-même.
Même si, pour les déplacés, la mort se rapproche, car Israël nous attaque chaque jour avec plus de férocité.
L’occupation israélienne détruit des quartiers entiers de Rafah et en chasse des milliers de gens, tuant des centaines d’autres dans la ville.
J’espère que ces mots se glisseront jusque dans vos cœurs, et j’implore le monde de sauver ce qui reste de Gaza.
Sahar Qeshta est écrivain à Gaza.
Sources: The Electronic Intifada ; Spirit’s FreeSpeech