L’entité sioniste a largué plus de 80 tonnes d’explosifs pour éliminer l’ex-secrétaire général du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah, le 27 septembre 2024, en bombardant son quartier général à Haret Hreik dans la banlieue-sud de Beyrouth. Il figurait sur sa liste d’élimination bien avant 2006. Pendant cette guerre de 33 jours, son armée avait tenté à deux reprises au moins de le faire. Dans la deuxième, perpétrée dans la Bekaa, son commando était tombé sur un habitant qui avait le même nom.
Lui, le savait parfaitement. Israël avait tué son prédécesseur et « maitre bien-aimé », sayed Abbas Moussawi, son collaborateur jihadique et « compagnon de route », Imad Moughniyeh. Il a accusé les États-Unis d’avoir éliminé pour le compte d’Israël le chef de la force al-Qods le général Qassem Soleimani « qu’il aimait plus que son âme ».
Ses apparitions en public étaient très rares, sous une protection musclée. Sans pour autant handicaper ses interventions retransmises par écran.
Il dirigeait depuis octobre 2023 sa dernière bataille, sous le titre « du front de soutien » au peuple palestinien, dont l’existence sur sa terre est menacée plus que jamais depuis l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite religieuse qui prône le « Grand Israël ». Avant l’attaque du Hamas Déluge d’al-Aqsa dans la bande de Gaza, les provocations dans la mosquée d’al-Aqsa en préparation à sa substitution par le Temple de Salomon et l’accélération des colonisations en Cisjordanie ne laissaient aucun doute sur les velléités israéliennes. Il répéta plusieurs fois dans ses discours qu’il fallait rappeler le contexte de cette opération.
À vrai dire, de toutes les batailles que sayed Nasrallah a conduites en 40 années de sa vie jihadique, celle de Gaza aura été la plus palestinienne.
Néanmoins, pendant ces 40 années, la cause palestinienne a été sa boussole, désignée souvent sous le nom de la ville sainte al-Qods. Même pendant les années au cours desquelles le Hezbollah combattait l’occupation israélienne du sud Liban.
Elle revenait régulièrement dans ses discours. Dans le répertoire des occasions célébrées par le Hezbollah, une journée a été consacrée à al-Qods, dès le lancement de la résistance libanaise. Le dernier vendredi du mois de Ramadan. Il lui accordait une allocation.
« O notre peuple en Palestine, Le Hezbollah au Liban restera à vos côtés, ses yeux sont rivés sur al-Qods comme vos yeux, votre terre est comme notre terre, votre al-Qods et notre al-Qods, votre sang est notre sang, vos fils sont nos fils. Nous aurons rendez-vous avec l’aube », a-t-il dit dans l’une d’entre elles, aux tous débuts. Consacrant un jumelage qui sera finalement sacré dans le sang.
Pendant cette décennie, le soutien à la première intifada des années 80 a été entamé avec les premiers contacts avec des responsables du Hamas qui venait d’être fondé. Depuis, la résistance libanaise ne cessa jamais d’offrir à la résistance palestinienne tout ce dont elle avait besoin, l’expertise militaire par-dessus tout.
Dans son célèbre discours à Bint Jbeil, pour célébrer la libération en l’an 2000, au cours duquel sayed Nasrallah a lancé sa phrase mémorable « Israël est plus faible que la toile d’araignée », il avait aussi pris soin d’offrir la victoire, entre autres, au peuple palestinien et à la résistance palestinienne et s’était engagé à leur apporter tout le soutien dont ils avaient besoin.
Ce que la résistance libanaise ne manqua pas de faire lors de la seconde intifada qui a éclaté quelques mois après le retrait israélien du Liban, avec l’incursion du Premier ministre Ariel Sharon dans la mosquée d’al-Aqsa. Et puis pendant les plus de 20 années qui suivront.
La cause palestinienne avait pour lui plusieurs dimensions, religieuse, de justice et de droit, nationale et humaine.
Religieuse, du fait que « l’Islam mahométan pur », comme il préférait le décrire, revendique la mosquée d’al-Aqsa, considérée comme son 3eme haut-lieu saint. Une cause qui concerne tous les Musulmans, toutes confessions confondues. Le concept de l’Unité islamique auquel il était attaché a été forgée autour de cette légitimité.
Dans ses discours, il évoquait aussi la légitimité chrétienne des lieux saints de la chrétienté en Palestine.
En outre, c’était aussi et surtout une question de justice et de droit pour le peuple palestinien expulsé de sa terre et exproprié de sa patrie. Elle devrait s’illustrer via une solidarité effective et non en paroles et condamnations, persistait-il. Ayant farouchement critiqué les accords d’Oslo, Sayed Nasrallah était persuadé que les Israéliens, à aucun moment n’étaient prêts à accorder un Etat aux Palestiniens. Les évènements lui ont donné raison.
Sayed Nasrallah considérait aussi le conflit avec l’entité sioniste comme ayant une retombée gravissime sur le plan national libanais. Mettant toujours en garde contre les ambitions expansionnistes du projet sioniste notamment contre le sud. Rappelant que l’entité sioniste n’a toujours pas fixé ses frontières. Pendant la participation de la résistance au front de soutien, il rappelait que la résistance se devait de défendre le Liban.
En s’adressant aux peuples du monde entier sur cette question, il disait que « la cause de la Palestine est celle de tous les libres du monde » au-delà des appartenances religieuses, communautaires, ethniques ou idéologiques. En revanche, même s’il lui arrivait de parler du droit international, il émettait des doutes sur la possibilité qu’il soit appliqué dans le cas palestinien. « Seule la résistance est capable de libérer, ce monde ne comprend que le langage de la force », martelait-il.
Une stratégie immuable en a découlé : la préservation coûte que coûte de l’armement de la résistance. Seul garant d’affronter les menaces israéliennes.
Au prisme de ces constantes, De même pur toutes ses politiques qui ont été forgées au regard de cette perception : aussi bien pour les alliances régionales, avec la République islamique, la Syrie, le Yémen,… que pour les relations conflictuelles avec les occidentaux, surtout les USA.
Avec l’Iran, c’est une relation très étroite, pas du tout en raison des affinités confessionnelles, a-t-il toujours défendu, rappelant souvent que « le chah était chiite ». Certes, l’adhésion à la wilayat al-Faqih depuis l’avènement au pouvoir de l’imam Khomeiny, source de légitimité religieuse incontournable pour l’action jihadique aura été l’un de ses supports. Mais cette liaison se forgera aussi sur une adhésion aussi assidue à la cause palestinienne et à la lutte contre le projet sioniste.
Il soutiendra surtout que ce pays a été le premier à avoir porté assistance à la résistance contre l’occupation israélienne et à l’avoir poursuivie avec générosité. Puis avec les Palestiniens aussi. En dépit des pressions énormes exercées sur lui, dont les sanctions sous prétexte du programme nucléaire. Il a repoussé avec véhémence les accusations de diversion sur un axe pro iranien. Cet axe tourne autour d’al-Qods, martelait-il pendant la guerre de Gaza.
Avec la Syrie dont il a plusieurs fois salué l’assistance à la résistance pendant 4 décennies, il insistait en 2014, lors de « la guerre mondiale menée contre elle », selon ses termes, que si le pouvoir des Assad tombait, « la Syrie serait perdue » et « la cause palestinienne risquerait d’être menacée ». Les évènements récents lui donnent raison.
Pour sayed Nasrallah, nul doute que les États-Unis sont le parrain inconditionnel d’Israël, lequel représente pour eux, voire pour l’Occident en général, « une base avancée au cœur du monde arabe ». Dans la controverse sur l’influence considérable du lobby pro israélien aux Etats-Unis, il croyait dur comme fer que c’est Israël qui est soumis aux diktats us. Pendant la guerre contre Gaza, il a souvent mis en exergue que toutes les armes entre les mains des Israéliens leur étaient acheminées depuis les Etats-Unis. Stigmatisant « les déclarations mensongères » de leur administration de rejet des offensives israéliennes. Les accusant d’être complices des crimes commis. L’influence américaine au Liban facilitée par des acteurs locaux servait d’après lui les intérêts de l’entité sioniste par-dessus-tout. Il ne se lassera pas de répéter que « les USA sont le grand Satan ».
Avec les régimes arabes, alliés des Etats-Unis, il a évité les reproches directs et s’en tenaient à rappeler sans cesse que les convoitises israéliennes ne les épargneront guère, les incitant à user de pressions pour soutenir la cause palestinienne.
Il a certes violemment critiqué les accords de normalisation d’Abraham diligentés par Donald Trump, pendant son premier mandat dans le cadre du Deal du siècle. Il était sûr qu’il finirait par tomber.
Au Liban, il a été obligé d’équilibrer entre, d’une part la nécessité de préserver l’armement de la résistance, « principal atout de force pour le Liban contre des menaces israéliennes » et de l’autre le maintien de la paix civile, sujet qui le hantait, tellement enclins à la fragilisation par les ingérences occidentales pro israéliennes qui exploitent sa composition multi communautaire.
« Nous voulons un Etat fort et basé sur la justice », a toujours été sa potion pour le bien-être du pays du cèdre, en discutant de sa stratégie défensive laquelle aurait dû être axée autour de l’équation Armée-Résistance-peuple.
Il a dû affronter des manigances machiavéliques incessantes mises en œuvre pour amener le Hezbollah à renoncer à l’armement de la résistance et à son soutien à la cause palestinienne. Le tout sur l’instigation occidentale de concert avec des acteurs locaux.
On retiendra entre autres :
des accusations diligentées par un tribunal spécial pour le Liban de l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri alors qu’il était sur le point de finaliser avec lui une entente et la tentative de zizanie avec la communauté sunnite ;
une seconde guerre israélienne de 33 jours contre le Liban qui se voulait éliminer le Hezbollah mais se terminera par un fiasco, et propulsera la Résistance à un rang héroïque aux yeux du monde arabe et islamique ;
une tentative avortée sur l’incitation du Premier ministre libanais de l’époque pour contrôler l’armement du signal, tentative également conjuguée à une zizanie avec la communauté sunnite ;
« la guerre mondiale contre la Syrie » après les tentatives occidentales et de certains régimes arabes pour obliger l’ancien pouvoir à couper les liens avec la résistance et l’Iran, également combinée à la sédition avec la communauté sunnite ;
des pressions économiques et financières suivies d’une crise bancaire et d’une dévaluation drastique de la livre libanaise qui affectera le peuple libanais ;
des accusations infondées d’être derrière l’explosion monstrueuse du port de Beyrouth, des accusations gratuites d’implication dans le trafic de drogue et de stupéfiants… Tous les maux lui étaient attribués abusivement. A chaque fois, dans ses discours il les récusait avec persuasion.
« Dites ce que vous voulez, que nous sommes de rafidhites, des terroristes, des criminels, dites ce que vous voulez. Tuez-nous sous chaque pierre, sur les fronts, aux portes des husseiniyas et des mosquées, nous, les chiites adeptes d’Ali ben Abi Taleb, nous ne renoncerons jamais à la Palestine ».
Sayed Nasrallah a lancé ces propos le mois de Ramadan passé, pendant son discours pour la célébration de la Journée d’Al-Qods. Au cœur de la guerre contre Gaza. Ce fut un engagement auquel une bonne partie du peuple libanais, « l’environnement de la résistance » auquel il a voué un amour immense et une gratitude infinie, a adhéré et consenti des sacrifices énormes. Ses martyrs, leurs fils, ont été baptisés à sa demande « Sur la voie d’Al-Qods ». Avec son martyre, ils l’ont baptisé le Maitre des Martyrs de la Oumma. Ils sont persuadés qu’ils ont donné leur meilleur pour al-Qods. Il est déjà pour eux le sayed d’al-Qods.
Ils se souviendront sans doute, que chaque année, il répétait son vœu le plus pieux : Nous prierons à Al-Aqsa.