Le rejet de la proposition de Boris Johnson de sanctions supplémentaires contre la Russie et la Syrie au G7 mardi est le dernier camouflet infligé au chef de la diplomatie britannique, grand artisan du Brexit, qui se bat pour être pris au sérieux
Déjà, quelques jours avant la réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 à Lucques en Italie, M. Johnson avait annulé une visite en Russie, semblant ainsi céder la préséance à son homologue américain Rex Tillerson, qui s’y est rendu ce mardi.
« Boris Johnson n’a aucune influence », écrivait l’éditorialiste du quotidien de gauche The Guardian, Martin Kettle, ne trouvant « aucun signe » que la Première ministre conservatrice Theresa May « lui confie de gros dossiers ».
Les médias britanniques, y compris conservateurs, ont cruellement raillé Boris Johnson et sa tignasse délibérément ébouriffée, grand champion du Brexit qui passait récemment encore pour un possible Premier ministre après le référendum du 23 juin sur la sortie de l’Union européenne.
« Caniche » des Etats-Unis, titrait le Mail on Sunday, citant un commentateur russe, tandis que le caricaturiste du Times le représentait en toutou avec un collier aux couleurs de l’Union Jack tenu à l’écart d’une réunion russo-américaine.
Le ministère russe des Affaires étrangères a lui estimé que l’annulation de sa visite confirmait que Londres « n’a pas vraiment d’influence dans la conduite des affaires internationales, restant +dans l’ombre+ de leurs partenaires stratégiques ».
‘Beaucoup menti’
Réputé pour ses plaisanteries à la limite de la bouffonnerie et ses déclarations iconoclastes, Boris Johnson a toujours paru aux antipodes de sa fonction.
Son homologue français Jean-Marc Ayrault commentait sa nomination en juillet dernier en relevant qu’il avait « beaucoup menti » lors de sa campagne pour convaincre ses concitoyens de voter Brexit. Et il avait été hué à sa première apparition publique en tant que ministre, lors de la fête nationale du 14 juillet à l’ambassade de France à Londres.
Quelques jours plus tard, il semblait confondre Egypte et Turquie lors d’une conférence de presse avec son homologue américain John Kerry et refusait de commenter certaines de ses propres blagues d’un goût douteux sur Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat, et le président Barack Obama.
Et dans la délicate partie qui s’engage entre Theresa May et l’UE pour négocier la sortie du club, ses déclarations à l’emporte pièce peuvent faire des dégâts.
‘Pas beaucoup de succès’
Sur la Syrie, il a beaucoup varié: en 2015, alors maire de Londres, il plaidait pour que la Grande-Bretagne « négocie avec le diable » et s’allie aux présidents russe Vladimir Poutine et syrien Bachar El-Assad contre le groupe jihadiste Etat islamique.
En octobre 2016, retournement, il appelle l’administration américaine à imposer des sanctions supplémentaires à la Russie.
Mais il change à nouveau de position en janvier 2017 devant une commission parlementaire britannique, mentionnant la possibilité que le président Assad soit autorisé à se représenter pour être ré-élu, estimant que le « mantra » occidental consistant à réclamer son départ a échoué.
Aujourd’hui, il réclame à nouveau le départ de Bachar al-Assad, après l’attaque chimique présumée qui a fait des dizaines de morts la semaine dernière en Syrie. Mais son appel à des sanctions renforcées contre des responsables militaires russe et syriens n’a pas même reçu l’appui du porte-parole de Mme May qui s’exprimait lundi devant la presse.
Selon une source diplomatique à la réunion du G7, M. Johnson est bien préparé pour des discussions bilatérales et s’est exprimé de façon persuasive mais in fine, « il ne semble pas avoir d’idées fermes ou de vraies convictions et il n’a pas eu beaucoup de succès ».
Pour Sarah Lain, chercheuse au groupe de réflexion sur la défense et la sécurité RUSI, la visite en Russie annulée pourrait bien être « une occasion manquée » de se mettre à l’eau. Mais « développer les relations avec les Etats-Unis est évidemment beaucoup plus important stratégiquement », relève-t-elle.
Source: AFP