«Sans l’ombre d’un doute, […] le document ne donne aucune preuve que ce soit démontrant que […] le gouvernement syrien est à l’origine de l’attaque chimique de Khan Cheikhoun». Tel est le verdict que Theodore Postol, professeur au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), porte sur le rapport du renseignement américain accusant Damas de l’attaque chimique présumée de Khan Cheikhoun.
Ne se contentant pas d’un jugement de valeur, l’universitaire s’est attelé à démonter les preuves techniques avancées par le renseignement américain.
S’il s’agit bien d’une attaque au gaz, selon lui, rien ne permet dans le rapport américain de conclure à la culpabilité du gouvernement syrien. Theodore Postol a examiné à la loupe le rapport américain rendu public le 11 avril sur les circonstances du drame de Khan Cheikhoun du 4 avril.
Le professeur s’intéresse notamment à l’argument du renseignement américain selon lequel l’imagerie infrarouge des satellites militaires avait détecté les missiles chargés de gaz chimique. Non seulement au moment de leur lancement, mais aussi lors de leur impact.
«Cet argument factuel n’est tout simplement pas plausible», a-t-il déclaré à RT. «Les satellites américains sont très bons, ils peuvent déceler le lancement, mais ils ne peuvent déterminer leur point d’impact», a détaillé le spécialiste. Tout simplement parce que dans le cas d’armes chimiques, il n’y a pas d’explosion à l’arrivée, a-t-il argumenté. Donc pas de lueur détectable.
Preuves «factuelles» passées au crible
Dans une contre-enquête de 14 pages, publiee le 13 avril, M. Postol relève ainsi qu’après examen, le rapport de quatre pages déclassifié par la Maison Blanche «ne contient absolument aucune preuve que l’attaque est le résultat d’un bombar
dement aérien».
«L’assertion contenue dans le rapport de la Maison Blanche selon laquelle le site de dispersion du gaz sarin n’avait pas été altéré, était totalement injustifiée et aucun analyste compétent du renseignement n’aurait approuvé que l’on dise cela», a-t-il affirme, dans un nouveau rapport publié le 13 avril concernant l’attaque chimique présumée du 4 avril.
Pour Theodore Postol, les photos du cratère où le sarin aurait été dispersé montrent «sans ambiguïté» que celui-ci a été altéré.
Une première photo montre un homme portant un masque à gaz conçu pour filtrer les petites particules, ainsi qu’une simple chemise et des gants en latex. Les deux autres hommes se tenant à proximité portent une tenue similaire.
Or, pour Theodore Postol, «si du sarin avait été présent sur ce site au moment de la photographie, tous les protagonistes auraient reçus une dose létale ou débilitante de sarin». Selon lui, «le fait que ces gens étaient habillés de façon si inadéquate démontre soit une ignorance totale des façons de se protéger de l’intoxication au sarin, soit qu’ils savaient que le site n’était pas sérieusement contaminé».
D’autres photos ont été diffusées, montrant que le morceau de métal présent dans le cratère a été déplacé. D’abord simplement posé dans le présumé point d’impact, celui-ci apparaît ensuite semi-enterré.
«Il m’est difficile de croire qu’une personne compétente pourrait avoir participé à la rédaction du rapport de la Maison Blanche […] cela suggère que la motivation n’était aucunement l’analyse sérieuse [des faits]», estime le professeur Postol. «Cette découverte est dérangeante. Elle indique que le rapport était probablement purement destiné à justifier des actions qui n’auraient pu l’être par des informations fiables», poursuit-il.
Rappel de l’attaque de la Ghouta orientale
Il a rappelé le précédent du rapport du 30 août 2013, après la contamination chimique d’al-Ghouta orientale, que le professeur avait démonté lors d’une étude publiée en 2014.
Accompagné d’un ancien inspecteur des Nations unies, Richard Lloyd, mais aussi spécialiste des missiles, il avait alors étudié des centaines de clichés et de vidéos de restes d’ogives et d’impacts au sol.
Ils avaient pu ainsi calculer la portée des projectiles embarquant du gaz sarin ainsi que leur provenance : avec une portée de seulement deux kilomètres, les spécialistes ont assuré qu’ils ne pouvaient provenir que d’un quartier situé au nord de celui de la Ghouta. Une zone alors sous contrôle des «rebelles». Des conclusions qui avaient été jugées probantes, notamment, par Le Point.
Une enquête approfondie
Selon M. Postol , «ce qu’il s’est passé sous l’administration Obama se produit maintenant avec l’administration Trump».
A la différence que, dans ce cas, «le président a pris la décision de lancer 59 missiles de croisière sur une base aérienne syrienne […] risquant une confrontation avec la Russie tout en sapant la coopération visant à gagner la guerre contre l’Etat islamique». Barack Obama n’avait pour sa part pas franchi le pas de l’intervention et avait refréné les ardeurs belliqueuses d’un François Hollande impatient d’en découdre avec Damas. Mais il avait néanmoins obtenu le démantèlement de l’arsenal chimique syrien.
L’universitaire a par ailleurs appelé à ce qu’une enquête soit ouverte aux Etats-Unis sur les circonstances dans lesquelles un «rapport aussi biaisé» avait pu être produit «au plus haut niveau [du] gouvernement» américain.
«Je conclus donc qu’il est nécessaire de mener une enquête approfondie de ces événements, qui ont trompé des membres de la Maison Blanche, ou pire encore, été causés par des personnes cherchant à forcer des décisions non justifiées par les informations citées», met en garde le professeur Postol.
M. Postol qui accuse l’administration américaine au mieux d’incompétence et au pire d’avoir falsifié ses accusations contre la Syrie pour justifier ses frappes relève un autre élément.
Le scientifique avait déjà rendu public un rapport sur cette question le 11 avril, où il présumait notamment que le projectile utilisé lors de cette contamination chimique ne pouvait être une bombe larguée par un avion de l’armée syrienne, contredisant les accusations de Washington et des occidentaux.
Source: Avec RT