L’assaut taliban contre une base militaire du nord de l’Afghanistan, pourtant puissamment gardée, à l’heure de la prière vendredi, a fait plus d’une centaine de morts et blessés selon des bilans encore disputés et interroge sur d’éventuelles complicités internes.
Dans un communiqué samedi matin, le ministère de la Défense a fait état « de plus de 100 soldats tués et blessés », livrant ainsi le premier bilan officiel depuis la fin de l’assaut, vendredi en début de soirée.
Mais un officier afghan à l’intérieur de la base du 209ème Corps d’armée, aux abords de Mazar-è-Charif, la capitale du nord, a rapporté à l’AFP un bilan de « 150 tués et des dizaines de blessés », au terme d’un assaut perpétré par dix assaillants lourdement armés pendant plus de cinq heures.
Si ce bilan était confirmé, il ferait de cette attaque la plus meurtrière conduite en Afghanistan, contre des civils ou des militaires.
Samedi matin, des rescapés interrogés par l’AFP à l’hôpital de Mazar-è-Charif se demandaient aussi comment le commando avait pu tromper les contrôles pour pénétrer dans la base avec ses armes, posant une nouvelle fois la question d’éventuelles complicités internes.
« Une enquête est en cours et le bilan pourrait évoluer. Quand elle sera terminée, nous partagerons davantage de détails avec la nation » a assuré le ministère de la Défense.
Le chef du conseil provincial, Mohammad Ibrahim Khairandish, a également affirmé à l’AFP que « plus de 100 soldats ont été tués dans l’attaque ».
Lors des dernières opérations d’envergure, dont celle contre le principal hôpital militaire du pays, à Kaboul début mars, les autorités ont été accusées de manquer de transparence et de minimiser les bilans.
« Je suis à l’intérieur de la base et je pense que 150 soldats ont été tués et des dizaines blessés. Il s’agissait de jeunes recrues venues pour s’entraîner, qui arrivaient des provinces du Badakhshan et de Takhar » dans le nord-est du pays, a raconté l’officier au sein de la base, sous couvert d’anonymat.
L’assaut a commencé en début d’après-midi, à l’heure de la prière du vendredi.
Sept barrages à franchir
« Ils étaient dix », a raconté l’officier: « les assaillants sont arrivés à bord de Humvee et de camions de l’armée afghane et portaient des uniformes militaires ».
« C’était l’heure de la prière dans la mosquée de la base » – ce qui explique que les victimes étaient désarmées. « Deux assaillants se sont faits exploser à l’intérieur. Les autres, équipés d’armes lourdes et légères, ont ouvert le feu ».
Quand je suis sorti de la mosquée, trois gars en uniformes dans un véhicule militaire tiraient sur tout le monde: ils avaient installé une mitrailleuse à la fenêtre », a rapporté depuis l’hôpital Mohammad Hussain, le bras et la jambe bandés.
Pour lui, « c’est évident, ils avaient des infiltrés dans la base, sinon comment auraient-ils pu entrer? ».
« Il y a sept barrages à franchir à l’entrée. Nous, les gardes nous bloquent des heures si on n’a pas nos papiers. Ils avaient des armes, des vestes d’explosifs, quelqu’un les a aidés c’est sûr », renchérit sous ses draps son voisin de lit, Noorullah.
Selon le ministère de la Défense, sur les dix assaillants, un a été arrêté, deux se sont fait exploser et les autres ont été abattus.
Le général américain John Nicholson, qui commande l’opération de l’Otan Resolute Support, a précisé que les soldats avaient été visés dans la mosquée pendant la prière et d’autres au réfectoire de la base.
C’est l’intervention des forces spéciales afghanes qui a mis fin au carnage en début de soirée, a-t-il indiqué en leur rendant hommage.
Le président Ashraf Ghani s’est rendu sur la base samedi après-midi.
Les talibans qui luttent contre le gouvernement et réclament le départ de toutes les troupes étrangères d’Afghanistan ont rapidement revendiqué l’opération dans un communiqué vendredi, assurant avoir fait « des dizaines de morts ».
Ils s’apprêtent d’un moment à l’autre à lancer leur traditionnelle offensive de printemps, même si la trêve hivernale n’a été cette saison que partielle.
Le 8 mars, l’attaque contre l’hôpital militaire de Kaboul, revendiquée par le groupe jihadiste Etat Islamique (EI), avait fait officiellement 54 morts – plus du double selon des sources de sécurité.
Plusieurs membres du personnel avaient alors affirmé à l’AFP qu’au moins deux internes en médecine figuraient parmi les tueurs qui disposaient d’armes cachées dans les locaux.
Source: AFP