Les dernières campagnes médiatiques et diplomatiques lancées par Washington et Riyad contre l’État syrien ne peuvent s’expliquer qu’en tant que réactions à une gifle douloureuse, mais inavouable.
En effet, lorsque l’État syrien reconquiert les bastions du Front al-Nosra dans différents quartiers de Damas, les États-Unis et l’Arabie Saoudite l’accusent de procéder à un « changement démographique », faute de pouvoir continuer à soutenir ouvertement une organisation terroriste.
Et lorsque l’Armée syrienne réussit, en quelques jours, à arracher à Daech une « zone sensible » du désert syrien d’environ 80 Kms de large sur 100 de Kms de profondeur -choisie par les Américains pour futur refuge et sanctuaire de Daech et ligne stratégique de communication de la Syrie avec l’Iran et la Résistance libanaise- les États-Unis et l’Arabie Saoudite inventent toutes sortes d’allégations mensongères censées démolir le moral du peuple syrien, remonter celui des terroristes, faire pression sur le gouvernement syrien et son allié russe ; encore une fois, faute de pouvoir continuer à soutenir ouvertement une organisation terroriste.
C’est ainsi qu’est apparu, soudainement, un dossier américain accusant les autorités syriennes de cacher des meurtres de masse dans un crematorium situé dans la prison de Saydnaya au nord de Damas, lequel dossier a été immédiatement transmis aux Nations Unies :
« Ce lundi (15 mai), le responsable du département d’État pour le Moyen-Orient Stuart Jones a présenté des photos satellites de la prison à la presse et affirmé que le régime du président Bachar al-Assad a détruit les restes de milliers de prisonniers assassinés ces dernières années. Il a ensuite appelé à mettre « fin à ces atrocités ». Ces photos « déclassifiées » par le gouvernement américain sont datées d’avril 2017, d’avril 2016, de janvier 2015 et d’août 2013. Elles montrent des bâtiments, dont l’un est légendé « prison principale » et l’autre «probable crématorium ». Sur l’une des photos, une légende « neige fondue sur une partie du toit » attesterait, selon les États-Unis, de l’existence d’un crématorium installé par le régime syrien » !!!
Allégations saisies au vol par le ministre israélien du Logement et ancien haut gradé de l’armée, Yoav Galant, pour appeler ouvertement à l’assassinat du président syrien Bachar al-Assad [2] :
« A mon avis, nous sommes en train de franchir une ligne rouge. Et pour moi, le temps est venu d’assassiner al-Assad. C’est aussi simple que cela… ».
Du coup, Washington a déclaré que la coopération avec la Russie n’était pas au beau fixe, notamment sur la question fondamentale desdites «zones de désescalade » en Syrie définies par Astana 4, tandis que des raids américains tuaient des civils syriens à Hassaké et Al-Boukamal sous le prétexte de la lutte contre Daech, lequel s’est empressé d’attaquer l’aéroport de Deir ez-Zor, toujours tenu par l’Armée syrienne, exactement comme cela s’est passé l’été dernier suite aux raids américains meurtriers sur le mont al-Tharda.
Et voilà que, tout aussi soudainement, le chef du Kurdistan irakien entre sur la ligne en proférant ses menaces contre le Hached al-Chaabi irakien au cas où il poursuivrait sa progression vers les frontières syriennes, que lesdits opposants syriens menacent de quitter les négociations de Genève 6 [reprises ce 16 mai], tandis que les factions armées engagées dans le processus d’Astana annoncent qu’elles font partie de l’«opération du Front sud » menée essentiellement par les Américains, les Britanniques et les Jordaniens, toujours sous le prétexte de la lutte de ladite Coalition internationale contre Daech, mais dont le véritable objectif est, à l’évidence, d’atteindre la frontière irako-syrienne en partant d’Al-Tanaf située au croisement des frontières jordano-syro-irakienne.
Une opération considérée comme une « action hostile » par la Syrie et contre laquelle elle ne s’est pas contentée de mettre en garde la Jordanie par la voix de son ministre des Affaires étrangères, M. Walid al-Mouallem, mais s’est préparée à la course vers la frontière irakienne avant même qu’elle ne soit lancée.
D’où l’hystérie et les campagnes diffamatoires qui s’expliquent par l’avancée rapide, et inattendue, de l’Armée syrienne vers Deir ez-Zor et la frontière irakienne, parallèlement à l’avancée du Hached al-Chaabi irakien vers la frontière syrienne.
La mère de toutes les batailles
Avancées menaçantes pour les projets des planificateurs américano-sionistes qui savent parfaitement qu’il s’agit là d’une cause et d’une stratégie commune, coordonnée avec l’Iran et la Russie, dans le but de les empêcher de maîtriser la frontière syro-irakienne.
Une frontière devenue la mère de toutes les batailles dans la guerre sur la Syrie.
La maîtriser signifie couper l’Iran et la Chine d’un débouché sur la mer Méditerranée, brider les oléoducs irakiens et les gazoducs iraniens dans cette même direction, contrôler la ligne d’approvisionnement stratégique de l’Iran vers la Syrie et les forces de la Résistance ; autant d’objectifs ayant motivé l’invasion américaine de l’Irak et, après son échec, la guerre sur la Syrie.
Un deuxième échec, lequel a motivé la tentative de contrôle de la région entre le Tigre et l’Euphrate.
Un troisième échec du fait de la résistance de l’Armée syrienne à Hassaké et Deir ez-Zor ainsi que de l’avancée du Hached al-Chaabi à Tal-A’far en Irak, lequel motive ce dernier plan américain de maîtrise de la frontière syro-irakienne.
Si ce dernier plan échoue à son tour, la guerre sur la Syrie n’aura plus d’enjeu stratégique. Elle nécessitera plutôt une gestion tactique des alliances et des ressources afin d’aboutir à un règlement partiel entre les forces belligérantes ; les Américains étant surtout intéressés par le Sud du pays et la sécurité d’Israël ; sécurité garantie par la Russie ou par l’accélération des processus de règlement de la cause palestinienne au profit d’Israël.
Il n’empêche que lorsque l’Américain mobilise tous ses alliés et pèse de tout son poids et de toutes ses menaces, cela signifie que la guerre est loin d’être terminée avec maintes possibilités de rebattre les cartes ; notamment, par le biais de la Turquie, d’Israël, des Kurdes d’Irak, ou encore par le blocage des pourparlers de Genève.
Un blocage attendu par nombre d’observateurs vu les divergences américano-russes, la réticence turque à se séparer du Front al-Nosra, et la volonté d’escalade du côté américain.
Ce qui explique que l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, ait reculé sur la priorité, ou en tout cas l’égale importance, du « panier » concernant le combat contre le terrorisme pour privilégier les discussions sur la future Constitution syrienne. Négligeant ce point qui avait été convenu lors des pourparlers de Genève 5, il a appelé à la formation d’un comité d’experts en droit constitutionnel, constitué de membres du gouvernement, de l’opposition et des Nations Unies ; ce qui ne fait pas partie des prérogatives de l’ONU, vu que la Constitution syrienne est l’affaire du seul peuple syrien comme l’affirme la résolution 2254/2015.
Une mission des Peshmergas en Syrie
D’après des sources bien renseignées, l’influence américaine sur ces pourparlers de Genève 6 traduit, en partie, la mobilisation pour « la guerre aux frontières syro-irakiennes » telle qu’envisagée par la proposition d’Erdogan lors de sa récente visite à Donald Trump. Une proposition qui consiste à confier aux Peshmergas kurdes d’Irak, sous la direction de Massoud al-Barzani, la mission de mettre main basse sur les régions contrôlées par les Kurdes en Syrie et sur les régions frontalières syro-irakiennes avec, implicitement, la mission de nettoyer les deux régions de Sinjar et de Qamichli de la présence du PKK [Parti des Travailleurs du Kurdistan], en échange du soutien turc dans la bataille de Raqqa.
Finalement, celui qui maîtrisera les frontières syro-irakiennes gagnera la partie. Ce qui est sûr est que l’une des plus importantes guerres du Moyen-Orient entre maintenant dans son étape la plus dangereuse.
Par Mouna Alno-Naklhal: Traduction et synthèse à partir des dernières brèves de M. Nasser Kandil : homme politique libanais, ancien député, Directeur de Top News-nasser-kandil, et Rédacteur en chef du quotidien libanais «Al-Binaa ».
Source: Réseau international