Des affrontements ayant opposé jeudi après-midi forces de l’ordre et manifestants ont fait des dizaines de blessés des deux côtés, a-t-on appris de source officielle.
« Soixante-douze éléments des forces publiques ont été blessés (…) suite à des jets de pierres (…) onze personnes parmi les manifestants suite à l’usage du gaz lacrymogène », a indiqué jeudi soir la préfecture d’Al-Hoceïma, citée par l’agence de presse officielle MAP.
Cette ville du nord du Maroc et les localités voisines ont été jeudi le théâtre d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, qui ont utilisé des bombes lacrymogènes et usé de la force pour empêcher une grande marche prévue de longue date de se tenir.
« Tous les blessés ont quitté l’hôpital où ils ont été transférés, à l’exception de deux éléments des forces publiques dont l’état de santé est jugé grave », toujours selon la préfecture, qui a fait état de « deux véhicules des forces publiques endommagés et incendiés par certains manifestants à Ajdir », près d’Al-Hoceïma.
Les sympathisants du « Hirak », nom donné localement au mouvement de protestation qui agite le Rif, région historiquement frondeuse du royaume, avaient maintenu, malgré l’interdiction des autorités, leur appel à une grande marche ce jeudi pour réclamer la libération de leurs compagnons.
Peu avant 17h00, ils ont commencé à se regrouper dans plusieurs points de la ville, mais les forces de l’ordre, déployées en nombre, intervenaient systématiquement pour charger les manifestants et disperser tout rassemblement, donnant lieu à des face-à-face tendus entre les deux parties.
« Vive le Rif, vive Zefzafi! », criaient des centaines de manifestants, en référence au leader du mouvement, Nasser Zefzafi, arrêté fin mai.
Ils sont parvenus à défiler par moments dans le quartier de Sidi Abed et près de la place centrale de la ville, mais étaient rapidement réprimés par les forces de l’ordre, a constaté un journaliste de l’AFP.
Le président pour Al-Hoceïma de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), Mustapha Allach, a déploré d' »importantes entraves aux libertés ».
« Depuis le début de la contestation, la ville n’a jamais été autant en état de siège », a-t-il indiqué à l’AFP, faisant état de « nombreuses arrestations de manifestants ».
Connexion interrompue
La connexion internet a été largement ralentie, par moments interrompue, et le réseau téléphonique perturbé dans toute la ville.
En début d’après-midi, la police avait commencé à quadriller les principales places de la ville, y interdisant tout accès, alors que la quasi-totalité des commerces étaient fermés.
Des journalistes sur place ont dit à l’AFP avoir été témoins d’une dizaine d’arrestations, dont celle de Hamid El Mahdaoui, patron d’un site d’information local.
Le parquet d’Al-Hoceïma a annoncé jeudi soir l’ouverture d’une enquête sur ce journaliste marocain engagé, accusé d’avoir « invité » des personnes à « participer à une manifestation interdite et à contribuer à son organisation ».
Prévue de longue date, cette manifestation annoncée comme la « marche du million » visait à l’origine à dénoncer la marginalisation de la région.
Mais avec l’arrestation en mai de Nasser Zefzafi et de plus de 150 de ses partisans, accusés d' »atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat », la principale revendication est devenue leur libération.
Les autorités marocaines avaient interdit lundi cette marche, prévenant que « toutes les mesures nécessaires » avaient été prises pour appliquer cette décision.
Contrôlées et interrogées
Mercredi, les personnes arrivant à Al-Hoceïma étaient contrôlées et interrogées par les forces de l’ordre, selon de nombreux témoins sur place.
Jeudi, nombre de partisans du « Hirak » qui se voulaient se rendre à Al-Hoceïma depuis les localités voisines ont été empêchés par les autorités d’y accéder, selon des témoignages recueillis par l’AFP.
Depuis la mort fin octobre 2017 d’un vendeur de poisson, broyé accidentellement dans une benne à ordures, la province d’Al-Hoceïma a été le théâtre de nombreuses manifestations pour exiger le développement de cette région que ses habitants jugent marginalisée.
La relance par l’Etat d’un vaste plan d’investissements et de chantiers d’infrastructures n’a pas suffi à désamorcer la colère.
Le mois de mai a été marqué par un durcissement des autorités, avec l’arrestation des principales figures du mouvement.
Sous la pression, les manifestations ont cessé début juillet et la tension était retombée d’un cran avec le retrait des policiers de lieux publics emblématiques de la ville.
Source: AFP