Maan alJarba est l’un des opposants politiques au régime des Saoud. Il appartient à la tribu de Chammar dont les racines s’étendent de l’Arabie Saoudite au Koweït en passant par le Qatar, pour se répandre en Irak et en Syrie. Elle a gouverné Najd pour près d’un siècle, avant qu’AbdelAziz ben Saoud ne s’empare d’elle pour rétablir le rêgne de ses ancêtres avec l’aide des Britanniques. Sachant que ces derniers n’ont pas réussi à séduire la tribu de Chammar .
Grâce à ses liens de mariage , l’homme était lié à l’une de plus hautes autorités du pouvoir dans le royaume , notamment le roi Abdallah bin Abdulaziz, mais aussi il avait des liens avec l’ancien prince héritier Mohammed bin Nayef, ce qui lui a prévalu une forme de protection malgrés ses positions.
Son nom a récemment pris de l’ampleur en raison de ses fréquentes apparitions sur les écrans où il apparaît vêtu comme les habitants de la péninsule arabique, mais véhicule un langage différent. En effet, il a fait son apparition à Damas,où il a décidé de s’installer alors que la crise politique en 2014 battait son plein.
La cause: être sincère et en harmonie avec ses positions qui reflètent sa conviction, selon lesquelles la défense de la Syrie équivaut à défendre la résistance arabe qu’on essaie de dénaturer.
A l’époque , les bombes des insurgés tombaient dans le quartier où il résidait. L’une d’entre elles a même touché l’immeuble dans lequel il habitait. Malgré cela, il n’a quitté la Syrie que lorsque les évènements ont commencé à évoluer en faveur de la Syrie et que l’armée syrienne et ses alliés ont commencé à enregistrer des victoires successives .
Auparavant, à la fin de 2011, quand il était encore en Arabie Saoudite, son site a été fermé en raison de son soutien pour la résistance. On lui a offert d’écrire dans le journal hebdomadaire Okaz à titre de compensation. Il a alors mis en garde contre les conflits sectaires, soulignant le danger du projet de division qui s’infiltre en Irak. À chaque occasion, il n’hésitait pas à appeler à un soutien pour la résistance avant d’être interdit d’écrire en 2013, sans jamais avoit été interrogé.
Deux jours avant de quitter définitivement le territoire saoudien en 2014, M.Jarba a parlé dans une interview télévisée, de Daech et de sa référence wahhabite. Depuis un studio à Riyad, l’homme a osé saluer le président syrien Bachar al-Assad, ainsi que le Premier ministre de l’Irak à l’époque, Nouri al-Maliki, pour son soutien à la Syrie résistante. Les autorités saoudiennes ont fermé le studio et dès lors la guerre a commencé contre M.Jarba.
Depuis la capitale libanaise Beyrouth, M. Maan AlJarba a accordé une interview spéciale au site web d’Al-Manar, dans laquelle il explique la situation interne de l’Arabie, la composition religieuse de la société et le rôle des tribus, mais aussi il tente de deviner ce que sera l’avenir de ce pays dans l’ombre d’un conflit politique qui fait rage voire des plans de division complotés par l’étranger contre l’Arabie.
Le wahhabisme n’a aucun lien avec le sunnisme
La société saoudienne est composée de 85% de gens affiliés au « Sunnisme et à la Jamaa et de 15% de chiites ismaéliens et duodécimains. Selon M.Jarba, « le wahhabisme n’a rien avoir avec le sunnisme et la Jamaa », rappelant que « le wahhabisme n’a que 300 ans ».
« Le wahhabisme est un cas particulier parmi les doctrines et les groupes islamiques » poursuit M. Jarba, rejetant « la logique du takfirisme qui le définit ».
Selon M.Jarba, les familles de la péninsule était soufistes, achaarites-maturidites ( maturidisme ) et ce avant Mohammed bin Abdul Wahab au XVIIe siècle, elles conservent toujours un peu leurs particularités.
Il explique: « dans les régions du Hijaz, par exemple, en plus la doctrine soufiste-achaarite-maturidite au niveau doctrinale, la plupart des doctrines appartiennent au Hanafisme et au Chafiisme, comme cela est le cas dans la ville de Médine. À une époque où l’ismailisme jouissait d’une certaine influence dans le sud du royaume, sauf que le Chafiisme était plus répandu. Alors que les chiites duodécimains vivaient dans la région orientale, en particulier à Qatif et à Ahsaa ».
« La majorité des familles saoudiennes sont soufistes achaarites, sauf que la doctrine officielle est wahhabite et elle est imposée à tous sans compter qu’elle est inclus dans les programmes scolaires », conclut Jarbe à ce sujet.
Les Al-Cheikh … les Al-« chèque »
Il ajoute: « Bien que les familles aient tenté de maintenir leurs caractéristiques religieuses, sauf que l’état policier imposé dans le Royaume, l’énorme potentiel financier, en plus de la couverture étrangère, je veux dire les Etats-Unis d’Amérique, a permis à ce modèle religieux de sétendre et de se renforcer. Le wahhabisme a servi les objectifs américains dans la guerre d’Afghanistan contre l’Union soviétique, l’Irak et la Syrie. L’establishment religieux a assuré une couverture légale pour les gouvernants, une couverture qui coute trés chère, de sorte que même les Saoudiens nomment les Al-Cheikh de Al-Chéques , en référence à l’argent qu’ils reçoivent ».
En dépit de la dominance religieuse, la relation entre l’establishment religieux et l’intérieur saoudien est sous contrôle, et ce tant qu’aucune présense armée des wahhabites contre l’État ne se manifeste . Ce qui traduit un état de confinement, et donc l’Etat frappe des cibles « politiques » délibéremment comme cela est arrivé récemment à Awwamiyya.
Le Yémen..Awwamiyyah et le Qatar… pour compenser des défaites en Syrie, en Irak et au Liban
Selon M.Jarba ces événements traduisent les efforts de l’Arabie Saoudite d’enregistrer une victoire pour prouver aux Américains qu’elle est encore puissante et qu’on peut compter sur son rôle régional pour exécuter des missions dans la région. « Sachant que l’Arabie n’a pas réussi à compenser ses défaites subies en Irak, au Liban et en Syrie , dans sa guerre au Yémen, au contraire elle a empiré sa situation. Son attitude envers le Qatar était tout autant motivée par le désir de compenser ses échecs, or, il s’est avéré que son attitude était décevante, le régime s’est alors retourné contre son peuple et a frappé Awwamiyya ».
IL poursuit : « les médias saoudiens ont montré que ce qui se passe à Awwamiyya est une forme de croisade , inscrite dans le cadre d’un processus de libération de Qatif des chiites, qualifiés par les médias saoudiens d’intrus. Or, le quartier Moussawara existe depuis 400 ans, il est plus ancien que l’histoire du premier État saoudien qui n’a que cent ans. Cela signifie que le peuple d’Awwamiyya est enraciné et ancré dans la région, il est plus originaire que les Al-Saoud et leur puissance..
» La fade victoire » à Awwamiyya a été tout autant exploitée par la machine médiatique officielle saoudienne pour promouvoir une iranophobie et une chiitophobie. « Quelque part, nous devons reconnaître leur succès de cette instrumentalisation de cette phobie, une barrière sur laquelle on a travaillé pour effrayer le peuple de la résistance ».
La Palestine vibre dans le coeur du peuple saoudien
Contrairement à la froideur de l’administration dirigeante envers la cause palestinienne, M. Al-Jarba affirme que le peuple saoudien sympathise avec la Palestine à l’extrême.
Il estime que « l’axe de la résistance est celui qui défend la Palestine. Malgré la présence de ces phobies, les choses évoluent chaque jour vers le mieux, en raison de la dénonciation des relations saoudiennes avec « Israël » au point de les rendre publiques. En fait, les efforts de l’Arabie saoudite de laiciser l’Etat et de prendre comme modèle les Émirats arabes unis pour tenter de l’appliquer à l’Arabie Saoudite, a poussé le peuple à prendre conscience. Car, cet Etat qui a diabolisé l’Iran et les chiites en général sous des titres et des slogans religieux comme la défense du pays des deux saintes-mosquées, est le même qui se réconcilier avec « Israël » et qui autorise des fêtes mixtes. Du coup, c’est cet Etat qui représente désormais le véritable danger à la religion et au pays des deux saintes-mosquées ».
La chute inéluctable du pouvoir via la normalisation
L’opposant saoudien a aussi dit s’attendre à ce que « la chute retentissante du régime par la normalisation avec Israël ».
« La relation avec « Israël » représente une violation très sensible de la ligne rouge pour des fils qui se vantent d’appartenir à la terre des deux saintes-mosquées. Ils ont une position décisive envers les occupants du pays de la première Qibla , envers ses impurs : auteurs de crimes contre les musulmans de Palestine, du Liban et d’autres. C’est sur cette ligne rouge que le régime saoudien perdra sa légitimité. « Comment peut-on alors réprimer le peuple saoudien? Est-ce les fatwas qui affirment qu’il n’st pas permis de s’opposer au pouvoir que s’il a blasphemé? Justement, le blasphème commis contre le peuple saoudien est d’abandonner la Palestine. Les militants du pouvoir pourront-ils justifier cet abandon?
À l’heure des grandes transformations internes, la moitié des militants du royaume sont en prison. Selon M.Jarba, il ne s’agit pas de la question du Qatar, la question est beaucoup plus profonde.
« A vrai dire, il n’y a rien qui confirme qu’ils ont été arrêtés à la suite de la crise avec le Qatar, ce sont des analyses populaires. La crise avec le Qatar était un prétexte, parce qu’ils savent que ceux-là sont contre le pouvoir ou contre la laïcité et même contre la normalisation avec Israël ..Pourront-ils dire aux gens , que ces personnes ont été arrêtées parce qu’ils sont contre la laicisation de l’État, le Qatar était le meilleur prétexte pour étouffer toute voix qui puisse s’élever contre les nouvelles politiques, les danses mixtes , la normalisation officielle »..
Les Saoudiens sont opposés à la normalisation
Maan al-Jarba souligne que « l’Etat saoudien est un Etat policier par excellence ». Cependant, les réseaux sociaux sont devenus un critère important pour calculer les tendances de l’opinion publique. Les médias israéliens ont dévoilé l’information de la visite du prince héritier saoudien Mohammed bin Salman aux territoires occupés, les institutions officielles saoudiennes ont gardé le silence et les médias financés par l’argent saoudien n’ont pas réagi.
« Seule Twitter flambait avec la campaggne : »Saoudiens contre la normalisation » : occupant la première place dans le monde arabe et en Arabie. . D’où la nécessité de constituer une contre-armée cybernetique pour contrecarrer la propagande populaire, sous pr6texte de lutte contre-terrorisme. Face à la Palestine, l’armée ne peut pas résister pour affronter ceux qui s’opposent à la trahison de la cause palestinienne, face à la la Palestine, tout le monde tombe » , affirme Jarba.
Rompre le silence
L’opposant saoudien définit trois facteurs qui pousseront les Saoudiens à rompre le silence :
1. Les luttes intestinales au sein de la famille régnante et qui existent déjà et qui s’aggravent. Cela offrira l’occasion aux gens de sortir et de manifester. On dit que les fuites du palais qui sont divulgués à Moujtahed proviennent de l’intérieur de la famille régnante. On dit que le nombre des princes fait prisonniers aujourd’hui sont cinq , dont Mohammed ben Nayef ben Abdul-Aziz Fahd, qui vit en résidence surveillée. Le conflit interne est devenu connu et public.
2. enlever le manteau de la religion et se diriger vers la laïcité, alors les gens vont trouver une cause directe pour manifester, surtout que les programmes éducatifs qu’on enseigne en Arabie Saoudite depuis 80 ans estime que la laïcité est une idéologie mécréance et que l’obéissance au gouverneur est obligatoire sauf en cas de blasphème. Pour le peuple, quand le Royaume adoptera la laïcité alors il aura commis un blasphème. Selon le programme saoudien, s’opposer au gouverneur blaphémateur est légitime, voire c’est le djihad au nom de Dieu. Et donc, le facteur religieux sur lequel l’état se basait pour renforcer son pouvoir tombera en se dirigeant vers la laïcité.
3. Lever la couverture internationale de l’Arabie Saoudite, ce qui n’est pas difficile ou impossible actuellement. Les Américains veulent du pétrole et veulent de l’argent et le président l’a dit ouvertement. En cas de chaos interne et de conflits, les Américains ne risqueront pas leurs intérêts pour des alliances , ils s’allieront avec n’importe quel remplacant.
Le projet : la division inévitable
L’opposant saoudienne soutient que les États-Unis ne savent pas ce qui est le plus important pour leurs intérêts. Dans le cadre d’un nouveau projet colonial, les États-Unis travaillent à diviser l’Arabie Saoudite en quatre États.
Le projet de division est sérieux et la carte se trouve sur le site du ministère de la Défense US, l’Arabie Saoudite sera divisée en quatre pays. Aux États-Unis, il y en a qui sont avec la division et d’autres sont contre, et tout le monde veut nous jouer ».
Les quatre régions sont:
• la grande Jordanie : elle comprend Tabuk Yanbu et le Hijaz, annexé à la Jordanie en échange que la Jordanie devienne un Etat de substitution pour les Palestiniens, ainsi la crise qui empêchent l’entité occupante de se déclarer comme étant un Etat juif sera résolue.
• Région de l’Est: elle comprend le Qatif , Al-Ahsa et Dammam, ce sont des zones pétrolières qui se situent à proximité du Koweït et du Bahreïn, ce qui permet aux Américains d’entrer facilement et de mettre la main sur le pétrole. Des sources dans la région de l’Est de l’Arabie ont déjà révélé que les Américains leur avaient demandé de faire sécession, mais ils ont refusé.
• Najd: Ce sont les zones centrales où le règne de la famille Saoud est susceptible de reculer.
• le Sud: il comprend les régions d’ Asir, de Najran et de Jizan: elles étaient des régions yéménites que l’Arabie Saoudite avait louées pour 99 ans. Cette période est terminée à l’époque de l’ancien président yéménite Ali Abdullah Saleh, qui » les a abandonnées et concedées » en faveur de l’Arabie Saoudite.
M. alJarba croit que les Américains ont bénéficié de leur expérience en Irak et donc leurs forces n’entreront plus dans aucun pays arabe , sauf dans le rôle de sauveur et de héros. C’est d’ailleurs ce qui risque de se passer en Arabie Saoudite si le conflit entre les princes de la famille royale s’aggrave au point d’évoluer en une confrontation. L’opposant saoudien assure que la division bénéficiera à l’entité sioniste, car elle sera en mesure de déclarer l’état juif et offrira l’occasion pour les Américains à une plus grande présence à l’intérieur de l’Arabie.
D’autre part, M.alJarba affirme que :la division est inévitable, d’autant qu’on est 2017 , où nous assistons au centenaire de Sykes-Picot, qui a divisé la région arabe entre la France et la Grande-Bretagne. « Le présage que le nouveau siècle sera celui de la nouvelle division ».
Les Tribus: une bombe à retardement
« En plus de la religion, les tribus jouent un rôle important dans la stabilité interne du royaume », souligne M. alJarba.
Il ajoute: « En 1902, Abdelaziz Ben Abdelrahman Al-Saoud est retourné à Riyad, après s’être réfugié au Koweït, protectorat anglais, pour récupérer le pouvoir, et ce à une époque où le nord de l’île était sous le contrôle de l’Emirat de la tribu Chammar, soumis à l’empire ottoman. On a proposé à la tribu Chammar la coopération avec les Anglais , la tribu Chammar a refusé et s’est engagée dans la Première Guerre mondiale aux côtés de l’Empire ottoman en tant qu’ Etat islamique face aux Anglais …
Les Anglais ont fourni à Ben Saoud des armes , parce qu’ ils estimaient que s’ils contrôlent le Najd et le Hijaz , l’Empire ottoman perdra la légitimité religieuse. Et quand ce dernier a été vaincu dans la première guerre modiale, Abdelaziz est entré dans les régions en question et a créé l’Emirat de Najd. Il a imposé un siège durant toute l’année, quand son armée entendait le son du Azan venant de l’intérieur , certains s’exlamaient et disaient: « Mon frère, ce sont des musulmans », tandis que d’autres niaient en disant : » ils pratiquent la taqyya ». L’armée de ben Saoud a tué des enfants dans les mosquées. Quand ils sont entrés dans le Hijaz, ils ont tué les gens dans le Haram ».
L’opposant saoudien a dévoilé qu’au nom de la religion, Abdelaziz a armé les tribus – connues sous le nom de des « Frères obéissant à Dieu » pour ses guerres contre les autres émirats.
« Quand il est arrivé aux frontières dessinée par les Anglais, il a recouru aux chasseurs anglais pour bombarder les tribus, qui aspiraient à poursuivre le Jihad et à récuperer tout le monde islamique! Et depuis, les Saoud se méfient des tribus, ils respectent le statut et le prestige de la tribu , ils créé des alliances de mariages et sont conscoent qu’elles sont des bombe à retardement , capables de terminer tout conflit interne qui pourrait survenir dans le Royaume.
Les Princes sont inquiets
Aujourd’hui, les tribus sont prises au sérieux dans le contexte de l’escalade d’un conflit entre les princes. Meteeb ben Abdullah, par exemple, est l’une des figures des plus inquiétantes pour Mohammed bin Salman. Et pour cause, l’homme dispose d’une garde nationale de 150 mille combattants, tous venant des tribus avec qui son père a établit des alliances de mariage. Ils sont prêts à se battre avec lui jusqu’au dernier souffle. Bref, il s’agit d’une Garde nationale qui jouit, en termes d’équipement et de nombres, d’une puissance comparable à celle des forces de l’armée saoudienne. »
A Meteeb ben Abdullah, s’ajoutent :Ahmad ben Abdul Aziz, le frère du roi actuel d’Arabie, et les fils de Nayef, Fahd et Sultan.
« Ces ressentiments envers la politique du prince héritier sont entendus à travers tout le palais royal. Plusieurs lettres adressées au roi, l’exhortent « à empêcher la main du prince non-qualifié d’ accéder au trône », le plus récent message était une attaque armée contre le Palais Al-Salam à Jeddah.
Selon, l’opposant saoudien, l’attaque récente a confirmé que les messages des princes sont très graves, ce qui incitait Mohammad bin Salman à se cacher ».
En bref, selon Maan alJabara l’ Arabie Saoudite est sur un volcan qui peut exploser à tout moment. Tous les facteurs à l’intérieur du royaume sont préoccupants: princes en conflit, aspiration de Mohammed bin Salman pour le pouvoir, nouvelles tendances vers la laïcité, rôle des tribus dans cette scène.
Source: AlManar