Le Parlement européen a exhorté ce jeudi la Turquie à libérer tous les journalistes détenus sans preuve, soulignant que la tentative de coup d’Etat ne pouvait servir de « prétexte » pour bâillonner la presse et l’opposition.
Dans une résolution adoptée en session plénière à Strasbourg, le Parlement européen « demande aux autorités turques de libérer les journalistes et professionnels des médias qui sont détenus sans preuve irréfutable d’activité criminelle ».
Les eurodéputés estiment que la tentative de coup d’État manquée à la mi-juillet « ne saurait servir de prétexte au gouvernement turc pour continuer de bâillonner l’opposition légitime et pacifique, ni priver, par des actes et des mesures disproportionnés et illicites, les journalistes et les médias de l’exercice pacifique de leur liberté d’expression ».
Observant que les pressions exercées sur les journalistes étaient déjà « considérables » avant le putsch manqué, ils relèvent que depuis le 15 juillet, la police turque a fermé les bureaux de plus de 100 médias et arrêté au moins 99 journalistes et écrivains. « Ce qui porte le nombre de professionnels des médias détenus pour des faits qui seraient liés à l’exercice de leur droit à la liberté d’expression à 130 au moins », selon les députés.
Le Parlement européen appelle les autorités turques à « réduire la portée des mesures d’urgence, de sorte qu’elles ne puissent plus être utilisées pour porter atteinte à la liberté d’expression », alors que l’état d’urgence a été prolongé de trois mois début octobre.
Depuis la mi-juillet, le pouvoir turc a lancé de vastes purges à l’encontre de personnes soupçonnées de liens avec l’ex-prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’avoir fomenté la tentative de putsch. L’opposition reproche au président Recep Tayyip Erdogan de mettre à profit la situation pour faire taire ses détracteurs. Le ministre turc de la Justice a précisé la semaine dernière que plus de 35.000 personnes avaient été arrêtées dans le cadre de l’enquête sur le putsch avorté.
Présent mercredi au Parlement européen, le journaliste turc Can Dündar, devenu l’un des porte-parole de la lutte pour la liberté d’expression sous le président Erdogan, avait dénoncé une Turquie devenue « la plus grande prison de journalistes » au monde.
Le journaliste figurait parmi les finalistes du prix Sakharov du Parlement européen, qui a décerné jeudi à deux femmes yézidies d’Irak rescapées du groupe Etat islamique (EI).
L’association Reporters sans frontière (RSF) classe aujourd’hui la Turquie au 151e rang sur 180 de son classement sur la liberté de la presse.
Source: AFP