Le Pakistan a répondu avec colère mardi à Donald Trump, mettant en avant les « sacrifices énormes » consentis dans la lutte contre le terrorisme, après les menaces du président américain de lui supprimer certaines aides financières en raison de son inefficacité dans ce domaine.
Le Pakistan a « combattu la guerre contre le terrorisme en premier lieu sur ses propres deniers et avec un coût très élevé pour son économie », en plus de « sacrifices énormes » incluant « la perte de dizaines de milliers de vies de civils et de forces de sécurité », s’est défendu le Pakistan au terme d’une réunion de son Conseil national de sécurité, auxquels ont participé les ministres régaliens et les principaux généraux de ce pays où l’armée est très puissante.
Cela ne peut pas être « banalisé avec si peu de pitié en ne parlant que de valeur monétaire », peut-on lire dans un communiqué des services du Premier ministre, qui font part de la « profonde déception » des autorités après de « récentes déclarations complètement incompréhensibles du leadership américain, qui manifestement contredisent les faits ».
Quelques heures plus tôt, un tweet du gouvernement pakistanais soulignait déjà les « innombrables sacrifices » du pays, qui selon Islamabad a perdu plus de 62.000 morts et 123 milliards de dollars dans la guerre contre le terrorisme sur la période 2003-2017.
L’ambassadeur américain David Hale avait lundi soir été convoqué au ministère des Affaires étrangères, après un tweet de Donald Trump, très dur, contre le Pakistan lundi, qui fait suite à des mois de crispation.
« Les Etats-Unis ont bêtement donné 33 milliards de dollars d’aide au Pakistan ces quinze dernières années et ils ne nous ont rien donné en retour si ce n’est des mensonges et de la duplicité, prenant nos dirigeants pour des idiots », a écrit le président américain.
« Ils abritent les terroristes que nous chassons en Afghanistan, sans grande aide. C’est fini! », a-t-il lancé.
Le Pakistan, allié des Etats-Unis depuis la guerre froide, avait noué avec Washington un partenariat stratégique après les attentats du 11 septembre 2001, pour défaire les groupes armés islamistes dans la région.
Mais les Etats-Unis, tout comme l’Afghanistan, accusent le Pakistan de soutenir les talibans actifs dans ce pays voisin.
‘Agents du chaos’
Le réseau Haqqani, qui pendant longtemps trouvait refuge au Pakistan tout en réalisant certaines des pires attaques contre les forces américaines en Afghanistan, a été qualifié de « véritable bras » des services secrets pakistanais par Mike Mullen, ancien chef d’état-major américain des armées.
Islamabad, après avoir lancé en 2014 une nouvelle campagne d’opérations militaires dans ses zones tribales, à la frontière afghane, affirme avoir désormais éradiqué toutes les bases arrière des groupes islamistes.
L’administration Trump a indiqué au Congrès en août qu’elle examinait très sérieusement la possibilité de ne pas verser 255 millions de dollars d’aide, dont le versement a déjà été retardé.
Les relations américano-pakistanaises, déjà difficiles, pour les mêmes raisons, sous l’administration de Barack Obama, qui avait donné en 2011 son feu vert à l’opération qui a conduit à la mort d’Oussama Ben Laden à Abbottabad, une ville de garnison pakistanaise, se sont encore dégradées avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Le président américain a accusé en août Islamabad de jouer un double jeu en Afghanistan et d’abriter sur son sol des « agents du chaos ». L’accueil de son secrétaire d’Etat Rex Tillerson avait été glacial fin octobre à Islamabad.
En décembre, Donald Trump avait déjà menacé le Pakistan. « Nous versons des sommes énormes chaque année au Pakistan. Il faut qu’ils nous aident », avait-il mis en garde.
« Une coupe dans les aides, à un certain moment, devient inévitable », a réagi l’analyste Michael Kugelman, spécialiste du Pakistan, sur Twitter.
« Trump est habitué à faire des déclarations très dures que ne font que vicier l’atmosphère (…). Mais il n’y a aucune possibilité de réaction dure », comme « une coupure totale des aides », a de son côté estimé l’expert pakistanais Hassan Askari. Selon lui, les Etats-Unis « ne prendront pas de mesure extrême » car ils ont besoin de l’aide logistique du Pakistan pour accéder à leurs troupes basées en Afghanistan.
La polémique n’a pour l’instant occasionné que de petites manifestations anti-Trump de groupes islamistes à Karachi et Lahore, les deux plus grosses villes pakistanaises.
La Chine, très active dans un projet d’infrastructure massif au Pakistan, d’un coût total de 54 milliards de dollars, a préféré louer « la remarquable contribution » de son nouvel allié à « la cause globale du contre-terrorisme », via un porte-parole de son ministère des Affaires étrangères.
Fin décembre, Pékin, désormais actif diplomatiquement dans la région, avait accueilli un premier sommet tripartite contre la menace terroriste avec le Pakistan et l’Afghanistan.
Source: AFP