Un an après avoir remonté les bretelles des constructeurs automobiles et obtenu d’eux des promesses d’embauches, Donald Trump a-t-il réussi à sauver des emplois dans un secteur affecté par les robots et les délocalisations ?
Quatre jours avant l’ouverture du salon automobile de Detroit, le président américain, élu sur la promesse de préserver les emplois industriels aux Etats-Unis, s’est attribué les lauriers de la récente décision de Fiat Chrysler de rapatrier aux Etats-Unis la production de son pickup très rentable Ram 1500 et de créer 2.500 emplois.
« Merci Chrysler, une décision très avisée. Les électeurs du Michigan sont très contents d’avoir voté pour Trump/Pence. Beaucoup d’autres à suivre », a tweeté Donald Trump.
S’il n’est pas exclu que d’autres grands groupes emboîtent le pas à Fiat Chrysler, le tableau social d’ensemble est beaucoup plus contrasté.
Le secteur automobile (constructeurs et équipementiers) a perdu des emplois l’an dernier: il employait par exemple 783.200 personnes fin novembre 2017, contre 788.900 personnes fin décembre 2016, selon le Bureau des statistiques de l’emploi (BLS).
« L’emploi dans le secteur automobile américain était en baisse légèrement l’an dernier. Les ventes et la production étaient également en baisse. Or l’emploi est lié étroitement à la production », indique à l’AFP Kristin Dziczek, experte au Center for Automotive Research.
En mars dernier, General Motors avait promis, sous la pression de M. Trump, de créer 900 emplois dans les douze prochains mois. Si le premier constructeur américain dit être en bonne voie pour honorer cette promesse, ses effectifs ont pourtant diminué en un an, pour tomber à 52.000 employés à temps plein fin 2017 contre 55.000 un an plus tôt.
« Le déclin est dû à des mesures que nous avons prises dans certaines usines en 2017 pour adapter la production aux changements observés sur le marché des (petites) voitures », explique à l’AFP Patrick Morrissey, porte-parole de GM.
« Les goûts des consommateurs ont changé. Ils se détournent des petites voitures au profit des crossovers et pickups », confirme Dave Sullivan, expert chez AutoPacific.com.
Incertitudes
Ces changements ont eu des conséquences lourdes sur l’emploi puisqu’ils ont conduit le « Big Three » de Detroit (GM, Ford et Fiat Chrysler) à prendre des mesures d’austérité, comme du chômage technique et la réduction des effectifs sur des sites.
C’est le cas dans les usines GM de Lordstown dans l’Ohio où est produite la Chevrolet Cruze, et de Grand River (Michigan) fabriquant les Cadillac CTS et ATS et les Camaro. Ford a renoncé à sa promesse de construire la Ford Focus aux Etats-Unis et va le faire désormais en Chine.
« Il n’y a pas de doute que l’administration Trump a mis les questions manufacturières dans son agenda, notamment la réforme fiscale, la renégociation de l’Alena, la règlementation (…) Mais la plupart de ces problématiques n’ont pas encore abouti », explique Keith Belton, enseignant à l’Université de l’Indiana.
« Nous avons vu des constructeurs importer des véhicules fabriqués à l’étranger aux Etats-Unis, notamment la Ford EcoSport d’Inde. La Focus viendra de Chine. Ford va également produire des véhicules dont la production était destinée à une usine de Flat Rock dans le Michigan au Mexique », renchérit David Sullivan.
Les importations de véhicules produits en Chine, au Mexique et en Inde ont augmenté. Les exportations du Mexique au faible coût de la main d’œuvre vers les Etats-Unis étaient en hausse de 9,4% en 2017, selon les chiffres officiels.
Une nouvelle dynamique se dessine dans les prochains mois, en raison des baisses massives des impôts pour les entreprises adoptées récemment et des négociations en cours sur l’accord de libre-échange associant Etats-Unis, Canada et Mexique (Alena).
« L’incertitude sur le libre-échange notamment l’Alena pourrait inciter certaines entreprises à repenser leur stratégie », fait valoir Rebecca Lindland chez Kelley Blue Book.
« Si les Etats-Unis se retirent de l’Alena ou modifient significativement l’Alena, les pickups (de Fiat Chrysler) seraient soumis à une taxe douanière de 25% », explique Kristin Dziczek, rappelant que 80% des Ram 1500 produits au Mexique sont vendus sur le marché américain.
« Nous évaluons nos implantations de façon régulière », affirme pour sa part Dan Ammann, numéro 2 de GM, qui fabrique également au Mexique de grosses voitures vendues aux Etats-Unis.
Source: AFP