Ce n’est pas la première fois qu’Amir Moussaoui, l’attaché culturel de l’ambassade d’Iran, provoque la polémique en Algérie. Si les autorités algériennes ont gardé, jusque-là, le silence, des activistes des pays du Golfe semblent vouloir le bien de l’Algérie malgré elle…
Qui a dit que diplomatie rimait avec discrétion? Sûrement pas l’attaché culturel de l’ambassade de la République islamique d’Iran à Alger. Dans un texte publié dimanche sur les réseaux sociaux, le diplomate iranien s’en est violemment pris à l’ancienne première dame algérienne, Anissa Boumediene, pour son soutien à l’opposition iranienne.
«La veuve de l’ancien président algérien Houari Boumediene (…) souhaite que l’Iran soit gouverné par la terroriste Myriam Rajavi, qui est soutenue par les Israéliens, les Américains et quelques Arabes sionisés, ainsi que par la France, qui l’accueille. Qu’aurait pensé le Président Boumediene de la position de son épouse, qui s’est rangée du côté des capitulards et des terroristes?» (…), fustige Moussaoui.
À l’occasion d’un rassemblement organisé par l’opposition iranienne à Paris, quelques jours plus tôt, la veuve du président Amir Moussaoui avait «souhaité» la chute du «régime des Mollahs» en Iran, en apportant son soutien à Myriam Rajavi, présidente du Conseil national de la résistance iranienne.
De quel droit l’attaché culturel ne cesse-t-il de se mêler des affaires internes algériennes? tance-t-on dans quelques médias et réseaux sociaux en Algérie, à l’endroit de ce diplomate, visiblement récidiviste.
«L’attaché culturel iranien attaque violemment la veuve du président Boumediene», titre par exemple un site d’information algérien, qui relève un écart par rapport aux «usages diplomatiques».
La veuve de l’ancien président Boumediene «dérange les Iraniens», commente de son côté un internaute.
Plus nuancée, la directrice du journal El Fadjr a reproché à l’ancienne première dame de s’être mêlée d’affaires internes iraniennes.
«Quand j’ai vu que le chef des services saoudiens, Turki Faisal, s’est engagé à aider Myriam Rajavi à vaincre le régime iranien et à diriger le pays, j’ai compris que l’opposition iranienne avec laquelle on a sympathisé pendant des années, croyant que Khomeiny (premier guide de la Révolution iranienne, ndlr) avait volé sa révolution, a vendu celle-ci au mieux diseur.»
Une polémique alimentée surtout par des réactions au Golfe
Alors que les autorités algériennes n’ont pas commenté l’incident, des réactions ont fusé de quelques pays du Golfe, déterminés à vouloir le bien de l’Algérie malgré elle. Des Saoudiens très «avertis» sur le «péril iranien», responsable, selon eux, de l’instabilité au Moyen-Orient, ont cru bon de prodiguer quelques conseils aux Algériens.
«Nos frères en Algérie, pays du million de martyrs, prenez garde à l’expansion persane qui opère sous couvert de clubs culturels, écoles et organisations de charité. C’est la garde révolutionnaire qui dirige ces structures, le tout sous la coupe de l’officier persan (Amir Moussaoui, ndlr). Quand les Persans entrent dans un pays, il est détruit. Voyez bien ce qui s’est passé en Irak, en Syrie et au Yémen.»
Hamad Mansour, dont le compte Twitter affiche une photo du prince héritier saoudien, estime que les autorités algériennes doivent renvoyer sans tarder le diplomate iranien.
«Ce type-là, Moussaoui, ose humilier des personnalités algériennes alors qu’il est sur le sol algérien. Ce serait vraiment une honte s’il n’était pas renvoyé!»
«Colère en Algérie» après l’impertinence du diplomate iranien, commente de son côté, la chaîne Wesal TV, qui émet depuis Riyad, la capitale saoudienne.
Un déchaînement tel que des Algériens estiment que les Saoudiens seraient carrément derrière l’ampleur prise par la polémique, à travers le lancement du Hashtag, « Demandez des comptes à Mossaoui »
L’un des instigateurs de cette campagne est Anouar Malek. Cet écrivain algérien résidant en France estime que Moussaoui dépasse le cadre de sa mission en tant que diplomate iranien. « Point étonnant de la part d’un officier de la garde révolutionnaire », commente Malek.
Les « Pasdaran », ce corps des gardiens de la révolution islamique, est une organisation paramilitaire dépendant du Guide de la Révolution. C’est sans doute cette affinité « révolutionnaire » avec l’Algérie de Boumediene qui a fourni à Moussaoui le prétexte nécessaire pour citer, avant de l’effacer de sa publication sur Facebook, l’anecdote suivante: « Boumediene a demandé à l’Ayatollah Khomeiny de se rendre en Algérie pour y poursuivre son action, après des pressions du Chah d’Iran pour l’obliger à quitter l’Irak, où il résidait. »
Après son indépendance et notamment pendant les années Boumediene, l’Algérie s’était forgé une réputation de « Mecque des révolutionnaires ». Pendant les années 60 et 70, le régime algérien avait apporté, en effet, un soutien massif à toutes sortes de mouvements révolutionnaires, anticoloniaux et de libération, jusqu’à accueillir à partir de 1968 les Black Panthers, alors que les relations diplomatiques avec les États-Unis avaient été rompues depuis la guerre des Six Jours. Si cette période est révolue, les Algériens se rappellent des années Boumediene comme celles de l’âge d’or du rayonnement algérien, notamment sur le plan diplomatique. D’où, en partie, le malaise suscité chez une partie des Algériens. Le gros de l’indignation est toutefois à situer ailleurs.
Propagation du chiisme
Il ne s’agit pas de la première fois où Amir Moussaoui met les pieds dans le plat. En janvier 2016, il a été accusé d’être derrière une campagne visant à propager le chiisme parmi les Algériens et de provoquer ainsi la discorde sociale dans ce pays à majorité écrasante sunnite. À l’époque, les autorités algériennes, via le ministère des Affaires religieuses, avaient déclaré que cette campagne était plutôt orchestrée depuis l’Europe. Quoi qu’il en soit, ces accusations refont surface à l’occasion de cette dernière polémique, occultant même l’offense faite à l’ancienne première dame.
La propagation du chiisme est une thématique récurrente dans les pays du Maghreb, qui s’en inquiètent. Pourtant, c’est cette même terre qui fut le berceau, au Xe siècle, d’un Califat chiite, l’État Fatimide, qui prit naissance chez les Berbères de Kutama, convertis par des prosélytes fuyant les persécutions abbassides. L’État prit pour capitale Mahdia, dans l’actuelle Tunisie, avant de s’installer au Caire.
« Si Téhéran aimait à rappeler du temps du Président Morsi que Le Caire fut la capitale de l’Etat Fatimide Chiite, il semblerait qu’il se souvienne aujourd’hui de l’Algérie comme du berceau des Fatimides, » résume un internaute.
Source: Sputnik