Le discours de Donald Trump sur l’État de l’Union, dont une partie a été consacrée aux menaces extérieures, serait censé justifier l’augmentation des dépenses militaires, y compris pour la modernisation de l’arsenal nucléaire américain. Mais ce ne sont pas seulement les impératifs de défense qui explique une telle nécessité.
La rhétorique et les actions de Donald Trump deviennent de plus en plus belliqueuses. Lors de son premier discours sur l’État de l’Union mardi, il a réitéré ses préoccupations concernant la menace nucléaire nord-coréenne et a qualifié la Russie et la Chine de «rivaux» qui menacent l’économie, les intérêts et les valeurs américains. Selon certains experts, ce discours annuel est une belle occasion pour le Président américain d’expliquer la nécessité d’attribuer un financement aux programmes de la modernisation militaire américaine.Pourquoi le locataire de la Maison-Blanche veut-il alimenter l’atmosphère martiale qui règne depuis son entrée en fonction?
La réinitialisation économique
L’attisement de conflits de longue date, dont l’israélo-palestinien et le coréen, tout comme une possible montée des tensions au sujet du programme nucléaire iranien en cas de la sortie des États-Unis de l’accord du 14 juillet 2015, seraient des éléments du programme de Donald Trump «l’Amérique d’abord» («America First») censé réanimer l’économie américaine.
«C’est pour nous, pour les pays européens, que la stabilité en Iran est importante […] Pour Trump, c’est peu important tout ce qui ce passe en Eurasie […]. La création de foyers de tensions sur notre continent est très importante pour l’administration Trump, et notamment pour les auteurs de cette stratégie. Cela contribue à la création d’une ambiance dans laquelle les États-Unis sont au premier plan», a expliqué à Sputnik Andrei Sidorov de l’Université d’État de Moscou.
Selon lui, les programmes militaires de Donald Trump constituent «un levier de la croissance économique» qui contribuent au développement du domaine de technologies.
Par ailleurs, une déstabilisation mondiale permettrait aux États-Unis de s’affirmer comme l’une des rares oasis pour les investisseurs étrangers. Lors de son discours prononcé à Davos, le Président américain s’est vanté de la croissance économique américaine et de l’amélioration du climat d’investissement.
«Il a dit que tout allait bien, l’économie américaine s’accroissait. Et c’est son mérite. Sous M. Obama, elle stagnait… Il a créé un climat économique très propice pour le business», a ajouté M. Sidorov.
Néanmoins, l’administration Trump soutient le projet de loi prévoyant la possibilité d’interdire les investissements étrangers, notamment ceux chinois, pour des raisons de la sécurité nationale.
Alexei Mukhine, directeur général du Centre russe d’information politique, qui a participé à une conférence consacrée au bilan du forum de Davos 2018 à Moscou, estime l’«économie de guerre» devient une norme non seulement pour les États-Unis, mais pour le monde entier puisqu’elle aide à cacher les problèmes que la communauté internationale n’a pas réussi à résoudre après la dernière crise économique, tels que la pauvreté et la ségrégation sociale.
«Les acteurs clés n’ont pas proposé de recette afin de résoudre ces problèmes qui continuent à s’accumuler. Le seul moyen de détendre les tensions et de réinitialiser le système est la guerre. L’économie de guerre, c’est-à-dire, l’économie de mobilisation, résout pour partie ces problèmes», a déclaré cet expert russe.
Le passage du leadership à la domination
La composante militaire de la puissance américaine a toujours été importante, mais désormais elle devient primordiale. Cela témoigne de l’érosion du leadership américain et sa transformation en domination imposée sur tous les acteurs de la communauté internationale, estime Amitav Acharyan, l’auteur du livre «The End of American World Order». De plus, sous Donald Trump, les États-Unis se sont écartés de la résolution de problèmes mondiaux comme le changement climatique, ce qui ne contribue pas à la conservation de leur statut de leader.
Donald Trump représente le passage du leadership américain à la domination américaine. Mais cette tendance n’est pas nouvelle et dure depuis environ deux décennies. Au cours des années 1990, il n’y avait pas de puissances capables de faire concurrence aux États-Unis en matière d’influence économique, politique et militaire. Par ailleurs, de nombreux pays, y compris la Russie, héritière de l’adversaire américain d’antan, suivaient volontairement la politique des États-Unis. Dans les années 2000, sur fond de l’avènement de la Chine comme acteur économique de poids et de retour de la Russie sur l’arène mondiale en tant que grande puissance, le statut américain en tant que centre du système unipolaire a été remis en cause.
Dans ces conditions, les États-Unis sont parfois obligés d’agir unilatéralement, même à l’encontre de leurs alliés. Le premier exemple d’une telle politique a été le déclenchement de la guerre en Irak en 2003, la campagne militaire qui n’a pas été soutenue par de nombreux alliés américains, dont la France et l’Allemagne.
Le 45e Président américain a agi unilatéralement en reconnaissant Jérusalem en tant que capitale d’Israël. Au sujet de l’accord sur le programme nucléaire iranien, le dernier ultimatum de Donald Trump, qui n’est pas acceptable pour l’Iran, est susceptible de se traduire par l’abandon de cet accord négocié durant plusieurs années et dont la préservation est jugée cruciale par les autres signataires.
Mais les États-Unis se rendent compte que s’ils veulent être en position de force, ils doivent renforcer leur puissance militaire. Depuis cinq ans, les dépenses militaires américaines ne cessaient de diminuer, tandis que celles de la Chine augmentaient de 10% par an.
La Russie a également montré ses capacités militaires en Syrie ce qui a été caractérisé par Konstantine Kossatchev, le chef de la commission des Affaires étrangères du Conseil de la Fédération (sénat russe), comme «le début de la fin du monde unipolaire».
Bien que les motifs du renforcement militaire promu par Donald Trump soient compréhensibles, son influence sur la stabilité internationale éveille des doutes.
Source: Sputnik