Vladimir Poutine a présenté lors de son discours annuel les nouvelles armes russes, dont des drones sous-marins à propulsion nucléaire ou encore des missiles hypersoniques. Après cette présentation en grande pompe, peut-on parler de rupture technologique ou d’un rétablissement de la stabilité stratégique avec les États-Unis?
«Personne ne voulait nous parler, personne ne voulait nous écouter. Écoutez-nous maintenant!»: avec la présentation de nouveaux armements lors de son allocution annuelle du 1er mars, Vladimir Poutine entend bien montrer que la Russie ne se laisse pas marcher sur les pieds. Mis en avant comme outils de défense vouant à l’échec toute attaque contre le territoire russe, de nouveaux drones sous-marins à propulsion nucléaire, des systèmes de missiles Sarmat capables de neutraliser la défense antiaérienne, une arme laser et de missiles hypersoniques.
Peut-on pourtant parler d’une véritable rupture technologique? Pour Alexandre Vautravers, responsable d’une Maîtrise d’Études avancées «Sécurité globale» à l’université de Genève, on est «en train de continuer d’étendre ou de développer un système, une conception qui est vieille de 40, pour ne pas dire de 60 ans.»
«Ces développements technologiques sont la continuation du développement de certaines armes, on va dire d’anciennes technologies ou d’une ancienne stratégie, beaucoup plus qu’une véritable révolution dans les affaires militaires, dans le sens où l’on est à la recherche de protection contre les missiles balistiques, de système de détection ou de pré-alerte, ou encore de système de neutralisation.»
Si militairement, ces nouvelles armes ne représentent pas une révolution, comme l’explique Alexandre Vautravers, cette présentation viserait-elle à rétablir la stabilité stratégique avec les États-Unis? Une chose est sûre, ces nouveaux matériels auront «un impact». On se trouve «aujourd’hui à la fin de cette période de dividendes de la paix des années 1990. Pratiquement tous les pays doivent renouveler leurs armes nucléaires vieilles de 30, 40 voire 50 ans», concède Alexandre Vautravers.
«Ces développements technologiques contribuent en fait à engager, aussi bien les États-Unis que la France, la Grande-Bretagne, l’Inde ou le Pakistan, à une course vers des armes plus furtives, plus rapides qui sont capables d’éviter les défenses ou la détection. On est en face d’une situation qui peut tout à fait conduire à une relance de la course à l’armement […] Mais une course à l’armement ancien modèle comme on le faisait dans les années 1960/70.»
Or, ce scénario serait à écarter, comme l’expliquait Dmitri Peskov, porte-parole du Président russe. «Ce dont le Président a parlé hier, c’est de garantir le maintien de la parité stratégique, qui est nécessaire dans l’intérêt de la paix mondiale et de la stabilité. La Russie n’a l’intention de s’engager dans aucune course aux armements.»
Cette présentation n’a pourtant pas manqué de faire réagir outre-Atlantique. En effet, Heather Nauert, porte-parole du département d’État, a dénoncé la violation du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (INF), signé en 1987 entre les États-Unis et l’Union soviétique, en rappelant que «La Russie a développé des systèmes d’armes déstabilisateurs depuis plus de 10 ans, en violation directe des obligations découlant des traités.» Oubliant, au passage, de mentionner le déploiement par les États-Unis des systèmes de défense antimissiles Aegis Ashore notamment en Pologne ou en Roumanie, en violation de ce même traité.
Si les deux pays semblent avoir pris des largesses quant aux traités plus anciens, concernant les nouveaux traités tels que le «New START» ou Traité de Prague de 2011, «on ne peut pas dire en l’état qu’il y a une violation de ces traités internationaux. À moins que l’on découvre que certaines de ces armes ont une portée supérieure ou inférieure à ce qui est autorisé. On ne peut pas dire non plus que l’on viole des traités quand on ne sait pas combien de ces engins vont être construits ou combien des matériels plus anciens vont être mis hors service.» Et pour cause,
«Ces différents traités ne parlent véritablement que de quantité d’armes, ils limitent également la puissance de ces armes, mais ils ne sont pas très précis sur la trajectoire de vol que les missiles doivent avoir. Ils sont évasifs sur ces points, sur les vecteurs les questions sont assez ouvertes» rappelle Alexandre Vautravers.
Source: Sputnik