L’Arabie Saoudite envisage le creusement d’un canal pour y implanter une base militaire et une centrale nucléaire. Un projet qui transformerait le Qatar en île et accentuerait les tensions déjà vives entre les deux pays.
La crise diplomatique qui oppose le Qatar à l’Arabie Saoudite et ses alliés pourrait peut-être prendre un nouveau tournant. L’Arabie Saoudite projette de creuser un canal à la frontière qatarie. Un projet économique qui a des accents d’enjeu géopolitique: renforcer l’isolement du Qatar.
Ryad confirme
Le Conseiller au cabinet du Roi saoudien, Saud al-Qahtani, a été le premier à confirmer ces informations.
« En analysant les informations relayées au sujet du canal Salwa, le Qatar deviendrait une partie de l’île Salwa », a tweeté, lundi, al-Qahtani.
« La décision qui prévoit de changer la géographie en créant l’île Salwa contrevient-elle au droit public international? L’Arabie Saoudite a-t-elle le droit d’y [île Salwa] établir une base militaire? Le Royaume, est-il en droit d’y mettre son réacteur nucléaire? Ainsi que la décharge de déchets nucléaires ? », s’est interrogé le haut responsable saoudien dans un deuxième tweet.
Et al-Qahtani de répondre aux questions qu’il avait posées : « Effectivement, l’Arabie saoudite a le droit de le faire à 10 000% ».
Se référant à la crise du Golfe, le Conseiller au cabinet du Roi saoudien, a lancé : « J’ai déjà dit, au début de la crise, que nous n’avons même pas commencé [à prendre des mesures punitives contre le Qatar] ».
Un projet titanesque
Jeudi dernier, le journal numérique saoudien le Sabq a rapporté que Riyad entendait construire, à la frontière avec le Qatar, un canal de 60 kilomètres, mesurant 200 mètres de large et 20 mètres de profondeur. Une mise en œuvre qui concernerait donc toute la longueur de la frontière arabo-qatarie et favoriserait le tourisme.
Pourquoi un tel projet? Le journal Al Riyadh rapporte, en citant des sources proches du dossier, que l’Etat souhaiterait dédier une partie du canal à l’établissement d’une base militaire et d’un complexe pour les déchets nucléaires.
D’après le Sabq, le projet dont le coût est estimé à“2,8 milliards de riyals”, soit environ 609 millions d’euros, est dans l’attente du permis de construire et pourrait être achevé en seulement douze mois. Les douanes et le personnel de l’immigration ont été retirés de la zone frontalière pour que les garde-frontières puissent prendre le contrôle de la région.
Des enjeux géopolitiques
Les Émirats Arabes Unis, par l’intermédiaire du Secrétaire d’État aux Affaires Étrangères, Anwar Gargash, ont semblé confirmer la construction du canal. « Le silence du Qatar sur le projet de canal est la preuve de leur peur et de leur confusion », a-t-il tweeté.
L’élaboration du canal implique la transformation de la péninsule du Qatar en île. Un moyen d’isoler géographiquement un Qatar déjà confiné sur les plans économique et diplomatique.
Si le projet est finalement mis en œuvre, le fossé diplomatique entre l’Arabie Saoudite et le Qatar ne s’en trouverait alors que renforcé.
Accusé de soutenir le terrorisme, le Qatar se trouve confronté à la rupture des liens diplomatiques et commerciaux avec ses voisins de la péninsule: l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, Bahreïn et l’Égypte. Des accusations toujours réfutées par les instances qataries.
D’ailleurs, le financement du canal témoigne de la persistance du blocus exercé par ces pays sur le Qatar. Ainsi, le projet sera financé à la fois par des investisseurs privés d’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis.
De même, ce sont des entreprises égyptiennes qui se chargeront de creuser le canal, a expliqué Al Riyadh. En parallèle, les Émiratis envisagent l’installation d’un complexe pour déchets nucléaires « au point le plus proche du Qatar sur la frontière émiratie. »
L’idée aurait déjà provoqué les mécontentements de Doha, selon le site officiel Al-Araby. « Le projet de canal semble être une tentative de resserrer le blocus contre le Qatar et de détourner le commerce de lui ».
Source: Bloomberg, L’Echo, AFP, Anadolu