Si Macron voulait vraiment le bien des Syriens, il commencerait par lever les sanctions économiques contre leur pays
La nuit dernière, les Français ont suivi une interview télévisée de leur Président Emmanuel Macron, prévue avant l’agression tripartite contre la Syrie à l’occasion de l’anniversaire de sa première année au pouvoir. Bien entendu, le début de l’entretien ou de « l’interrogatoire » s’est concentré sur la décision du Président d’attaquer la Syrie sans mandat des Nations-Unies ni légitimité internationale. Il a répondu que l’histoire jugerait cette décision. Il a même considéré que la Russie était responsable de la prétendue attaque et l’avait couverte. Il a mentionné des traces de chlore « pouvant être attribué au régime » sans toutefois parler du gaz sarin ou d’autres produits chimiques. Il a ajouté que la France s’était appuyée sur des preuves et des affirmations de ses services et de ceux de ses alliés.
Quand on lui a demandé quels étaient les cibles de ce bombardement en Syrie, il a répondu qu’il y avait eu une cible commune avec les Américains et que la France avait bombardé seule un centre de recherche chimique à Berzeh, près de Damas.
L’histoire jugera
Ce centre, si Macron dit vrai, est le Centre des recherches et des sciences, que la France a contribué à construire dans les années soixante-dix. La plupart des professeurs et des chercheurs français l’ont visité et y ont enseigné à des étudiants syriens plus tard envoyés dans les universités françaises pour poursuivre leurs études supérieures. Macron n’a pas évoqué cela, il s’est contenté de dire que l’histoire jugera mais nous parlons d’une histoire proche, très proche.
Au niveau diplomatique, le Président français s’est empressé de parler d’un « plan de paix en Syrie après les frappes militaires. Nous devons montrer que l’opération militaire va mener à la paix et je veux construire un processus de paix. Les Russes ont compris que nous faisions ce que nous disions avec notre ligne rouge. Nous avons aussi réussi à créer une faille dans le rapprochement russo-turque puisque les Turcs ont soutenu l’opération ».
Macron a donc la conscience tranquille et n’a pas mené une guerre contre Al-Assad puisque « les Russes et les Syriens eux-mêmes ont reconnu qu’il n’y avait pas de victimes ». S’il a déclenché une guerre, il est comme dans la chanson française « tout va très bien, madame la marquise », qui remonte au début du XXème siècle : une marquise était en communication avec le gardien de son château et lui demandait comment allait sa demeure. Le château et ses étables brûlaient, les chevaux suffoquaient mais il lui a répondu que tout allait bien.
La Maison blanche a immédiatement démenti
Macron ne s’est pas contenté d’accuser les Russes de couvrir l’usage des armes chimiques mais a déclaré qu’il avait convaincu son allié Donald Trump de rester en Syrie : « Il y a dix jours, Trump a annoncé qu’il voulait se retirer de Syrie mais nous l’avons convaincu de rester plus longtemps ». La Maison blanche a immédiatement démenti, la nuit dernière.
Il est certain que ces déclarations vont provoquer des réactions en France, à Moscou et à Washington. Les Russes n’ont pas encore déterminé l’ampleur de la contribution française dans l’agression, tandis que Washington s’est contentée de remercier ses alliés français et britanniques pour une première salve de douze missiles puis une deuxième de neuf, lancés depuis Chypre. De plus, Macron n’a pas annulé sa visite programmée à Saint-Saint-Pétersbourg à la fin du mois et son entretien avec le Président Vladimir Poutine.
Paris veut retrouver sa place à la table des négociations
Il est certain que Paris veut retrouver sa place à la table des négociations quel qu’en soit le prix et faire renaître l’accord de Genève, après avoir perdu la main depuis l’arrêt du processus qui en a découlé.
L’initiative du jour est censée avoir donné « au régime et à ses alliés une leçon qu’ils n’oublieront pas » et la France devrait désormais pouvoir imposer ses idées. Le représentant de Paris aux Nations-Unies, François Delattre, a proposé ce qui suit lors de la session précédant l’agression : « Premièrement : démantèlement du stock d’armes chimiques de la Syrie conformément au processus des Nations-Unies. Deuxièmement : mettre fin au terrorisme et à DAECH. Troisièmement : parvenir à un cessez-le-feu pour permettre l’acheminement des aides humanitaires (conformément à la décision 2401 sur la Ghouta orientale). Quatrièmement : adoption d’un plan de sortie de crise conformément à la décision 2254 et d’une décision des Nations-Unies au sujet la période transitoire ».
Voilà ce que veut la France, qui continue à parler de couloirs d’évacuation dans la Ghouta orientale alors que cette dernière a été entièrement libérée, que le drapeau syrien à deux étoiles a été hissé sur les bâtiments publics et que les écoliers et les mères des martyrs ont fêté la victoire.
Un métro de retard
Ne suivent-ils pas les événements sur le terrain ? N’ont-ils pas un métro de retard ? Les conseillers à l’Elysée et au Ministère des affaires étrangères n’ont-ils pas vu les photos des réconciliations à Douma, ni les stocks d’armes destinés à tuer les civils syriens pour lesquels la France viole la charte des Nations-Unies pour la première fois depuis la fin de la Société des Nations ? Voilà des années que la coalition bombarde Raqqa et ses habitants ainsi que l’armée syrienne à Deir Az-Zor pour « exterminer DAECH », mais il a fallu attendre l’intervention des Russes et de l’armée arabe syrienne pour que DAECH et le terrorisme disparaissent en deux mois !
Alors que les Français, eux, ont détruit toutes les infrastructures de Raqqa, plus de douze ponts sur la barrage de l’Euphrate au nom de la liberté, de la démocratie et de la sécurité du peuple syrien.
La France veut faire de la Syrie un deuxième Irak
Le processus des Nations-Unies pour surveiller l’arsenal chimique syrien nous rappelle ce qu’ils ont fait en Irak, avec le bal des délégations, mais je ne m’attarderai pas là-dessus car l’histoire est connue. La France veut faire de la Syrie un deuxième Irak mais elle n’y parviendra pas !
Pourquoi la France ne montre pas sa bonne volonté en levant les sanctions européennes contre la Syrie et les Syriens, incluant entre autres des médicaments et des pièces de rechange nécessaires aux hôpitaux ?
Qu’Emmanuel Macron, qui fait ce qu’il dit, nous prouve qu’il ne mène pas une guerre contre Al-Assad en commençant par lever les sanctions contre le peuple syrien !
Par Roula Zein, écrivaine syrienne résidant à Paris.
Sources : Ar-Raï Al Youm : édition électronique londonienne arabophone ; traduit par Actuarabe